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Et maintenant la candidature de Michèle Alliot-Marie... ou la preuve que les primaires servent à tout autre chose qu'à sélectionner le meilleur candidat à la présidentielle
©Reuters

Dis-moi combien tu pèses

Le nombre de candidats annoncés (et attendus) à la primaire de la droite et du centre dépasse désormais les dix. Pourtant, parmi eux, nombreux sont ceux qui ne peuvent espérer gagner et pour certains, il sera même difficile de réunir toutes les conditions pour pouvoir se présenter. Cependant, participer n'est plus seulement envisagé par ceux qui souhaitent disputer la campagne... mais aussi par ceux qui veulent négocier leurs voix, leur poids.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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Atlantico : L'annonce de la candidature de MAM à la primaire des Républicains a fuité le jour de celle de Nathalie Kosciusko-Morizet, portant le nombre de candidats à plus de dix. Nombre d'entre eux sont certains de ne pas gagner mais se présentent tout de même pour peser par la suite grâce à leur score, comme l'avait par exemple fait Montebourg en devenant "Monsieur 17%" en 2011. Les primaires n'ont-elles plus pour fonction que de mesurer le poids politique de chacun dans un parti ? Dans quelle mesure ces candidatures sans avenir polluent-elles le jeu démocratique en vidant de son sens le système des partis politiques, en lui conférant une utilité exclusivement interne ?

Dominique Jamet : La candidature de Michèle Alliot-Marie peut s'expliquer par deux raisons personnelles. En premier lieu parce qu'après une longue éclipse – liée à ses trop bonnes relations avec le régime de Zine el-Abidine Ben Ali – elle estime que le moment est venu de faire son retour. Elle est d'autant plus fondée à penser cela qu'il y a quelques jours elle a fait presque jeu égal avec Luc Chatel – le candidat de Nicolas Sarkozy – pour la présidence du Conseil National des Républicains. Elle fait, somme toute, un retour à la fois en grâce et en force. Pour autant, il est clair qu'elle n'a pas la moindre chance de gagner la primaire, sauf à nourrir des illusions. Il est même possible qu'elle rencontre des difficultés à rassembler les cautions et parrainages nécessaires et indispensables pour prétendre candidater à la primaire. Le nombre de candidats influe nécessairement sur cette dimension. N'oublions pas que cette primaire ouverte du centre et de la droite ne l'est qu'aux électeurs. Pour les candidats, en revanche, la primaire est filtrée, modulée selon un mode de suffrage censitaire, puisque ne peuvent se présenter que les gens qui recueillent le soutien de 20 parlementaires, 250 élus et enfin 2000 militants. Cela fausse clairement la participation à la primaire.

Ce qui fausse la primaire également, c'est évidemment qu'un certain nombre de candidats se présentent – dont on peut supposer que Michèle Alliot-Marie en fait partie – moins dans la perspective de la disputer et de la gagner que de négocier ensuite les voix obtenues contre un soutien. Le premier tour de la primaire, déjà faussé par son caractère filtré, l'est moins que ne le sera le second tour. Il s'agira d'un second tour non seulement politique, mais aussi politicien. Le succès final dépendra des désistements des candidats battus, des promesses et des accords passés, ce qui risque d'affecter d'une coloration magouilleuse le résultat final. Effectivement, ces candidatures sans avenir polluent le jeu démocratique. On avait d'abord eu l'impression, dans les premiers temps de cette phase préliminaire à la primaire dans laquelle nous sommes encore, que les enjeux étaient politiques. Entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, il existe de vraies différences de programme. L'un est plus centriste, presque de gauche, l'autre se situe davantage à droite. On avait eu l'impression, également, que les principaux candidats étaient aussi motivés par une certaine forme d'ambition personnelle. Maintenant, au fur et à mesure que les candidats se multiplient, que les choses se compliquent, l'ensemble ressemble plus à une compétition interne au parti – comme le RPR et l'UMP ont su donner l'exemple. Tout cela est moins net, moins propre, moins justifié qu'on ne le pensait. Le comportement du parti politique des Républicains pourrait être plus mal perçu par l'opinion si, effectivement, les primaires étaient détournées de leur intention et de leur image initiale.

D'un point de vue très concret, quel peut-être l'impact de cette dévitalisation des primaires, au-delà de celle des seuls Républicains ? En se présentant sans véritablement chercher à gagner mais simplement pour tester son influence, ces personnalités ne risquent-elles pas d'enfermer les partis dans une logique de plus en plus sectaire, en plus de les diviser ?

Le principe des primaires, entré dans les réalités depuis quelques temps, a été présenté comme une avancée démocratique. Comme un processus qui revitaliserait les partis, les remettrait en contact avec l'ensemble des mouvances qui les soutiennent… En fait, si les primaires donnent lieu à des manœuvres politiciennes, si elles sont polluées par des négociations et des arrangements ; il est probable que beaucoup de gens commencent à les bouder. A les voir comme de simples arrangements partisans habituels et à se rappeler que le principe sur lequel a été fondé l'élection au suffrage universel du Président de la République, en 1962 (appliqué en 65), c'est la consultation directe du peuple tout entier, sans passer d'une quelconque manière par une phase partisane.

Quant à savoir si cela risque de diviser les partis… C'est difficile à dire. Il manque un élément de réponse : l'issue de l'élection véritable. Si la primaire de droite (mais éventuellement celle de gauche si elle avait lieu) aboutissait à désigner l'homme qui sera le prochain président de la République, cette victoire électorale pourrait cimenter un parti menacé de dislocation. Il y a cependant deux risques successifs d'éclatement du parti des Républicains – voire de l'ensemble de la droite et du centre. Le premier d'entre eux, c'est naturellement celui qui serait consécutif à une campagne : nous n'en sommes encore qu'au tout début de la pré-campagne des primaires ! Il y aura évidemment la pré-campagne, la campagne et enfin les résultats de la primaire. Les arguments échangés, autant que les méthodes pratiquées, et le fossé personnel comme politique peuvent accentuer le risque d'explosion des LR et de l'UDI. De facto, dans ce parti, comme au Parti socialiste, coexistent des gens qui n'ont ni les mêmes conceptions, ni les mêmes idées politiques. Une fois la primaire passée, il n'est pas sûr que les candidats battus se rangeront tous avec discipline, conviction et enthousiasme derrière le vainqueur. Il en va de même pour leurs électeurs. Il est possible qu'avant même la campagne, en raison de cette pré-campagne, des dissensions se forment.

La diversité qu'offre l'ensemble de ces candidatures est-elle susceptible d'apporter autant qu'elle ne coûte en termes de confiance dans le système démocratique ? Sinon, comment pourrait-on revenir à un usage des primaires plus constructif du point de vue des électeurs ?

C'est tout à fait ambivalent. Les partis politiques, aussi bien dans leur fonctionnement de machine électorale que dans leur fonctionnement représentatif – au Parlement – nous ont habitués à la discipline. Au conformisme. A la non-indépendance du comportement et du vote. C'est pourquoi beaucoup de gens estiment aujourd'hui que sur le principe, trop de candidats tuent la politique. En réalité, il n'y a rien de choquant sur le principe, dans le pluralisme des candidatures. Si ce pluralisme ne correspond pas seulement à des rivalités de personnes mais à des positions divergentes (fondées sur une analyse politique, une idée de la France)… Si l'enjeu était, à l'intérieur d'un parti uni sur l'essentiel, entre des politiques différentes, il va de soi que les primaires auraient un rôle plus symbolique et fortifieraient les partis. Mais aujourd'hui les primaires sont polluées. Leur image est gâchée aux yeux des électeurs. Cela résulte de ce que nous évoquions. Les questions d'égo l'emportent sur la dimension idéologique. Dans la mesure où la primaire est susceptible d'être manipulée, instrumentalisée, le principe même des primaires se retourne contre lui-même.

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