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Ce qu'il faudrait faire pour revenir à 5% de chômeurs
©Reuters

Bonnes feuilles

Le chômage ne cesse d'augmenter avec des conséquences dramatiques pour notre pays : exclusion d'une partie de la jeunesse, alourdissement des dépenses publiques, difficulté à financer les retraites… Comment revenir à 5% de chômeurs ? Extrait de "Libérez l'emploi pour sauver les retraites", de Michel Godet, aux éditions Odile Jacob (1/2).

Michel Godet

Michel Godet

Michel Godet est économiste, professeur et membre de l'Académie des technologies.

Il est l'auteur de Le Courage du bon sens (Odile Jacob, 2009), Bonnes nouvelles des conspirateurs du futur (Odile Jacob, mars 2011), de La France des bonnes nouvelles (Odile Jacob, septembre 2012) et de Libérez l'emploi pour sauver les retraites (Odile Jacob, janvier 2014) Il anime également le site laprospective.fr.

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En 1993, je publiai Emploi, le grand mensonge. Aujourd’hui, le cancer du chômage mine notre pays au point de donner aux jeunes les mieux formés envie de le quitter pour ne plus revenir. Ce problème me touche de près.

J’ai eu la chance de ne pas connaître le chômage et je vais bientôt partir à la retraite après quarante-huit années de vie très active. Mais je me battrai ailleurs et autrement pour continuer inlassablement, tel Sisyphe, à changer le pays et faire en sorte que mes enfants reviennent en confiance dans leur patrie. Deux sur quatre sont partis à l’étranger pour leurs études et leur travail et, si je me réjouis qu’ils profitent de cette ouverture au monde dont je n’ai pas bénéficié à leur âge, je comprends leur inquiétude et leur défiance, comme celle de toute cette jeunesse sacrifiée au bon plaisir des anciens.

En effet, notre génération, celle des « baby-boomers » et des « soixante-huitards », est responsable de l’état du pays, elle qui est aux commandes de l’économie, de la politique et du syndicalisme.

Nous passerons probablement à la postérité comme la première génération de notre pays :

– dont les enfants « vivent moins bien » que leurs parents ;

– qui s’est accaparée les emplois protégés et bien rémunérés au détriment de l’entrée des jeunes sur le marché du travail et en poussant les seniors vers la retraite ;

– qui a entretenu un système éducatif en recul dans les classements internationaux et de plus en plus laxiste dans la distribution des parchemins. Malade du diplôme, le système est incapable de former les professionnels dont le pays a besoin car il continue à mépriser les métiers techniques et les professions de service ;

– qui a voulu faire porter aux jeunes générations le fardeau d’une dette grâce à laquelle ils ont pu vivre au-dessus de leurs moyens. À tel point que chaque jeune actif a devant lui l’équivalent de 180 000 euros à rembourser au titre des engagements passés et futurs de l’État ;

– qui voudrait faire payer les jeunes pour un système de retraite par répartition au bord de la faillite et dont ils ne profiteront guère.

Vingt ans après la parution de mon livre, je prends à nouveau la plume sur le même sujet de l’emploi en France, qui n’a cessé de se dégrader depuis que nous laissons filer les déficits publics. Le dernier budget à l’équilibre fut celui de Raymond Barre en 1980 et nous étions aussi à 5 % de chômeurs ! À se demander si les deux phénomènes, à savoir chômage faible et équilibre budgétaire, ne sont pas des vertus liées. Depuis, la dette publique qui était de 20 % du PIB est passée à plus de 90 %. Hélas, rien n’a changé dans le diagnostic : nos gouvernants en savent plus qu’avant sur les causes du mal et ses remèdes mais ils restent incapables d’agir efficacement. Toutefois, il suffirait de suivre les recommandations de la Cour des comptes, de l’Institut Montaigne ou de la fondation iFRAP (fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) pour ne citer que ces lieux d’analyse citoyenne que je fréquente.

Nous sommes plus près que jamais de l’iceberg et la croisière du Titanic, avec nos gaspillages et illusions collectives, va bientôt s’arrêter brutalement. La France va se réveiller, comme en 1940, défaite, avec ses élites en fuite. Le modèle jacobin a montré son impuissance congénitale. Et pourtant… La débâcle annoncée de la noblesse d’État n’est pas forcément celle du pays. Un sursaut est possible à partir des forces vives qui existent partout dans la société civile et dans les entreprises ou les territoires qui se battent au quotidien pour survivre, innover et partir à la conquête du monde malgré la lourdeur et l’inefficacité de nos bureaucraties. Je reste optimiste pour l’avenir à construire autrement, car notre histoire a connu des périodes plus sombres. Ford disait : « Prenezmoi tout, mais laissez-moi mes hommes et je reconstruirai ! »

Rien n’a changé, ni dans le diagnostic (à qui le crime du chômage d’abondance profite-t-il ?) ni dans la réponse (aux acteurs dominants du jeu social, les politiques et les syndicats). Le maillon faible des rapports de forces, ce sont toujours les chômeurs, qui se contentent des miettes du banquet. Leur silence est assourdissant comparé au bruit que font les nantis du système dès qu’on veut toucher à leur os à moelle. Rien n’a changé non plus du côté de la maladie du diplôme avec la surabondance de diplômés et la pénurie de professionnels. Même constat du côté des barrières à l’emploi, que ce soit le coût du travail ou les illusions sur le partage du travail.

Le lecteur familier du Courage du bon sens (Godet, 2009) retrouvera donc pour un tiers de ce livre des analyses simplement actualisées. Les deux autres tiers manquaient pour achever le puzzle de ces décennies de réflexion sur l’emploi, l’économie et la société. Ces nouveaux développements, souvent très chiffrés, bousculent bien des idées reçues sur l’emploi, la formation et les retraites. Ils concernent tout particulièrement le tocsin introductif sur la patrie en danger ainsi que le constat des tristes exceptions françaises. On trouvera aussi la clé principale d’explication du chômage faible de certains pays et les clés secondaires. Puis viendront le diagnostic sociétal et l’étiologie du chômage. On y donnera des éclairages nouveaux concernant les quatre vérités sur le chômage des jeunes, l’interprétation trompeuse de notre productivité élevée et pourquoi il faudra travailler plus pour travailler tous.

Finalement, il est possible de revenir à 5 % de chômeurs, mais à condition de renverser les tables du jacobinisme, de redécouper les départements et surtout les régions, de libérer les initiatives pour l’emploi dans les territoires et de faire confiance aux magiciens de la croissance, c’est-à-dire aux entrepreneurs et aux acteurs qui les soutiennent. Ces derniers sont aussi des conspirateurs de l’emploi et de la cohésion sociale. Gagner la bataille du plein-emploi pour les jeunes et les seniors est une condition nécessaire mais non suffisante pour sauver les retraites par répartition afin qu’elles ne finissent pas sous conditions de ressources. En guise de conclusion, nous poserons la question essentielle de la méthode pour réussir le changement. Comment passer des idées aux actes ? Michel Rocard avait montré la voie à suivre. Ses successeurs feraient bien de lui emboîter le pas pour que le slogan : « Le changement, c’est maintenant » devienne réalité.

Libérez l’emploi pour sauver les retraites ! Tel est le message de ce livre, qui entend donner des armes à ceux qui veulent remettre la France debout et en marche avant.

>>>>>>>>> Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Laprospective.fr de Michel Godet et son lancement du Grand Prix des Bonnes Nouvelles des Territoires 2014.

Extrait de "Libérez l'emploi pour sauver les retraites", Michel Godet, (Editions Odile Jacob), 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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