Ce qu'Einstein avait peut-être mal compris à propos du temps<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Ce qu'Einstein avait peut-être mal compris à propos du temps
©NARINDER NANU / AFP

Univers

Un physicien suisse propose de repenser le temps sur la base d’anciennes mathématiques.

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur. Depuis plus de vingt ans, il s’intéresse aux états modifiés de conscience, à la physique quantique et ses implications philosophiques, ainsi qu'aux liens entre science, culture et spiritualité de façon générale. Son dernier ouvrage, co-écrit avec l’ethnobotaniste Romuald Leterrier, s'intitule Se Souvenir du Futur

 

Voir la bio »

Atlantico : Le physicien suisse Nicolas Gisin, spécialiste de la physique quantique, propose de repenser le temps sur la base d’anciennes mathématiques, dites « intuitionnistes », de quoi s’agit-il ?

Jocelin Morisson : Dans la physique d’Einstein, on parle d’univers-bloc, c’est-à-dire que le temps forme un continuum avec les trois dimensions d’espace et l’ensemble existe comme un objet immobile. Ce bloc se compose donc du passé, du présent et du futur de l’univers, considérés comme immuables, et l’écoulement du temps est une illusion, tout comme la notion de présent, qui est relative à l’observateur. Cette conception est contraire à notre expérience intuitive de l’existence d’un présent et d’un temps qui passe. En outre, cette théorie suppose que tout ce qui a existé, existe et existera dépend des conditions initiales de l’univers, donc du Big Bang. Il n’y a pas non plus de place pour le libre arbitre. Tout est déterminé depuis l’origine de l’univers. Avec d’autres physiciens, Nicolas Gisin réfléchit à la véritable nature du temps et essaie de le réconcilier avec notre expérience ordinaire. Selon lui, le temps peut s’exprimer à l’aide des mathématiques intuitionnistes, qui datent du début du 20e siècle. L’élément clé de ces mathématiques est de rejeter la notion d’infini. Un nombre réel ne pourrait avoir une suite infinie de décimales que si l’on pouvait toutes les calculer. Or, ce n’est pas le cas, donc un nombre réel ne peut contenir qu’une quantité finie d’information.

Quel rapport avec le temps ?

En utilisant ces mathématiques, Gisin estime que le temps passe réellement et que de l’information nouvelle est créée à chaque instant. Toutefois, le déterminisme strict impliqué par les équations d’Einstein ne laisse aucune place à une imprédictibilité de type quantique. Un système quantique est en effet indéterminé et imprédictible avant d’être mesuré/observé, puis déterminé après la mesure, ce qui suppose l’intervention du paramètre temps. Si les nombres réels sont finis et limités dans leur précision, la nature elle-même, décrite par ces nombres, devient imprécise, et donc imprédictible. Autrement dit, tout contient une quantité d’information finie et, quand on avance dans le temps, il y a perte d’information, de sorte que le temps est créateur de nouvelle information pour compenser cette perte. La question est de savoir d’où vient cette information nouvelle.

Quels sont les enjeux de ces réflexions ?

Ils sont purement théoriques et visent à réconcilier la théorie physique et cosmologique avec notre expérience vécue de l’espace et du temps, mais ils portent aussi sur le fait de savoir si les mathématiques décrivent le monde réel. Nous avons la sensation que le temps passe et que nous avons un libre arbitre, une possibilité de faire des choix, et que tout n’est pas fixé depuis l’origine de l’univers. Le cœur de la réflexion porte sur la notion d’information, qui est récente en physique. L’information est désormais une grandeur physique, qui occupe un volume d’espace et est liée à l’énergie. Gisin rejette la notion d’univers-bloc parce qu’elle suppose que l’état initial de l’univers contenait une quantité infinie d’information. Un modèle alternatif est avancé par le physicien Philippe Guillemant. Il conserve le continuum espace-temps mais le rend « flexible ». Il propose que la perte d’information soit compensée à chaque bifurcation de trajectoire d’un objet par de l’information additionnelle qui provient de l’extérieur de l’espace-temps, ou de dimensions supplémentaires. Ainsi, le futur existe à chaque instant mais peut changer, car il est « commutable ». Selon ce modèle, l'information additionnelle dépend de la conscience et plus précisément de l'intention des observateurs et c'est ainsi que nous attirons à nous notre futur, pour le meilleur comme pour le pire…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !