Ce discret retour de l'Etat (c'est moi) : Macron fait du Macron en Corse... <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Ce discret retour de l'Etat (c'est moi) : Macron fait du Macron en Corse...
©Hamilton DE OLIVEIRA / POOL / AFP

Pas que des heureux

Lors d'un discours à Bastia, le chef de l'Etat a rappelé l'ancrage de la Corse dans la République, tout en affirmant de vouloir ouvrir une nouvelle page apaisée.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

Voir la bio »

Le ton avait été donné dès la veille. Emmanuel Macron a rendu hommage au Préfet Claude Erignac en compagnie d'une imposante délégation venue de Paris : le président du Sénat qui se veut la Chambre des collectivités locales, un aréopage d'importants préfets, symboles de la présence de l'Etat central dans le pays, mais surtout Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur au moment de l'assassinat du Préfet, qui incarne à lui seul l'unicité de la Nation. Edmond Siméoni, leader autonomiste historique a même qualifié cette présence de "provocation" ce jeudi sur RTL. Dans le discours qu'elle a prononcé au cours de l'hommage à son mari, Madame Erignac avait pour sa part, déclaré :" la page n'est pas tournée. J'espère que la République ne faiblira jamais en Corse". Il y avait peu de chances que ses propos n'aient pas été agréés par l'Elysée. Et Emmanuel Macron a renchéri : "la justice de la République a été rendue et elle sera suivie, sans complaisance, sans oubli, sans amnistie". Dans ce contexte, fallait-il s'attendre à ce que cette fermeté  laisse la porte légèrement entrouverte à des concessions (-réclamées), sur le plan institutionnel ?

Le filet est ténu : au terme d'un long discours où il a constamment rappelé l'ancrage de l'Ile dans la République Française, Emmanuel Macron s'est dit favorable à ce que la "Corse soit mentionnée dans la Constitution en raison de sa géographie et ses spécificités". Mais c'était après un discours axé sur le mode "autorité", sans sortir du texte écrit, dont les mots ont été pesés au trébuchet, et après avoir rappelé que si "les institutions  peuvent et doivent évoluer", elles" ne sont pas les seuls moteurs du changement. D'ailleurs, a-t-il précisé, "la Corse en est à son quatrième statut; le dernier vient d'être mis en pratique au début de l'année. Commençons par voir comment il fonctionne". Et pour enfoncer le clou Emmanuel Macron a fait observer que si les évolutions statutaires réglaient tous les problèmes ce serait fait". Pour mettre en œuvre ce nouveau statut les Corses ont élu une Assemblée présidée par un nationaliste indépendantiste, Guy Talamoni, et confié l'exécutif -la gouvernance, à un autonomiste, Gilles Siméoni.

Les deux élus n'ont pas applaudi le discours du Chef de l'Etat. A l’issue de la visite, Guy Talamoni a parlé d'un" discours de vengeance, d'un triste soir pour la Corse, et Gilles Simeoni a évoqué "une  occasion manquée, un discours néo colonial, très en deçà  des attentes ". Tout au long de son propos, Emmanuel Macron a rappelé "l'ancrage de la Corse dans la République, tout en affirmant de vouloir ouvrir une nouvelle page "apaisée et ambitieuse": "un avenir à la hauteur de ses espérances sans transiger  avec les requêtes qui la feraient sortir de l'esprit républicain. Cette nouvelle page  est écrite  de mesures concrètes, telles que la couverture numérique de l'Ile, le développement de la biodiversité  et d'un tourisme durable dont la Corse deviendrait un territoire pionnier. C'est aussi la construction d'un nouvel hôpital à Ajaccio et le financement de la rénovation de celui de Bastia. C'est enfin faire de la Corse " le territoire avancé de la France en Méditerranée".

Mais toutes ces avancées doivent s'effectuer dans le cadre national. "Le bilinguisme" doit être reconnu et développé, c'est la reconnaissance de la d'une identité dans la république" mais celui-ci n'est pas "une nouvelle frontière dans la République"...et surtout " le bilinguisme....ce n'est pas la co-officialité : il y a une langue officielle, sédiment de notre nation: le Français ". Petit rappel au passage :" le Corse est la langue régionale la plus soutenue en France". Les nationalistes n'ont pas obtenu davantage satisfaction sur la question de la création d'un statut de résident, "discriminant et contraire à la Constitution". Ils ont été mis face à leurs responsabilités par le chef de l'Etat à propos de la fiscalité: " Comment souhaiter une autonomie fiscale et en même temps demander encore plus à la solidarité nationale ? Comment vouloir que la ressource fiscale soit affectée à un territoire et demander la solidarité nationale pour la dotation ? Ça n'existe pas, il n'y a pas de finances magiques ". Autrement dit "vous ne pouvez pas réclamer le beurre et l'argent du beurre". Prêt à faire modifier "les réglementations parfois contradictoires en matière de construction" afin de les adapter à la fois aux contraintes du  littoral et de la montagne, Emmanuel Macron s'est posé en promoteur d'une "Corse phare d'une modernité méditerranéenne à inventer" face à une vision rétrograde d'une ile repliée sur elle-même dans un entre soi entretenu par l'officialisation de la langue corse, faisant preuve de  fermeté face à "ceux qui veulent dissocier la Corse de la République : ils se trompent et font souffler des vents mauvais". Ceux qui  font au chef de l'Etat le procès de vouloir "recentraliser" la France y verront de quoi étayer leurs griefs. Mais "En Même Temps" les gardiens de l'Union Nationale, eux, ont déjà critiqué l'ouverture à la reconnaissance de la spécificité corse dans la Constitution. A Droite, on clame que l'unité de la République  est compromise, que c'est un "appel d'air pour d'autres territoires, une porte ouverte à toutes les modifications". Dans la majorité, Manuel Valls se dit "opposé à une référence même symbolique" : c'est dit-il, "ouvrir la boite de Pandore". Justement ...Et si c'était là, la petite concession d'Emmanuel Macron à cette recentralisation dénoncée par les élus locaux, et qui est selon eux, déjà En Marche ??

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !