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Carrefour et Leclerc vent debout : Les PME/TPE attendent que Bruxelles raccourcisse les délais de paiement
©Pascal GUYOT / AFP

Atlantico Business

Bruxelles voudrait obliger la grande distribution à raccourcir les délais de paiement de leurs fournisseurs. Les spécialistes du financement reconnaissent que Bruxelles a raison, mais le débat sera chaud, comme l'explique Denis Le Bosse, le président du cabinet Arc.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Thierry Breton dans le collimateur des Carrefour, Leclerc, Auchan, Lidl et les autres bien décidés à ne pas se laisser faire, et pourtant leur défense est assez mal ficelée. 

Quelle que soit la nouvelle majorité au Parlement européen qui sortira des urnes le 8 juin prochain, le dossier portant réforme des délais de paiement restera prioritaire. Au mois d'avril dernier, les députés ont voté en première lecture une réduction des délais de paiement à 30 jours au lieu des 60 jours et plus qui sont actuellement pratiqués. Et pour Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, il s'agit de « simplifier la vie des PME » et par conséquent soulager leur trésorerie. Thierry Breton a pris cette réforme à cœur car il considère que la croissance et le dynamisme de l'économie dans tous les pays de l'Union européenne dépendent principalement du tissu de PME et ETI, lesquels sont trop souvent tributaires des paiements de leurs clients, surtout quand leurs clients sont des mastodontes du commerce de détail avec des centrales d'achat qui peuvent avoir un droit de vie et de mort sur leurs fournisseurs. Selon qu'elles les paient à temps ou pas, selon qu'elles les référencent dans leurs rayons ou pas... 

Alors, inutile de préciser que les syndicats européens des distributeurs sont opposés à une réforme sur les délais de paiement qui leur serait imposée par Bruxelles. Ajoutant que la réduction du délai de 60 jours à 30 jours mettrait les distributeurs devant de grandes difficultés en leur imposant des besoins de financement supplémentaires qu'ils chiffrent à plus de 100 milliards d'euros, soit l'essentiel de leur marge. 

Intenable, sauf à relever leurs prix, ce que les consommateurs n'accepteraient pas. Les dirigeants de Carrefour, Leclerc ou Intermarché se targuent d'avoir été les premiers à lutter contre l'inflation sur les biens de consommation... sous-entendu, la réforme des délais de paiement les obligerait à réécrire leurs étiquettes de prix. 

Pour beaucoup de dirigeants de PME, cette bataille est la preuve que la grande distribution fait sa marge sur le dos de leurs fournisseurs, mais officiellement les représentants du patronat plaideraient plutôt pour des négociations secteur par secteur... 

Le problème, c'est qu'au-delà des délais qui devraient être respectés, des pratiques souvent toxiques se sont installées dans les rapports entre la grande distribution et leurs fournisseurs pour allonger les délais de paiement. 

Denis Le Bosse, le président du Cabinet ARC, l'un des premiers en France spécialisé dans la gestion du poste clients et le recouvrement de créances, raconte : « Au sein de notre activité, nous constatons que les acteurs de la grande distribution qui sont payés comptant par leurs clients (ils font leur caisse tous les soirs), sont en mesure de régler leurs fournisseurs dans le délai de 60 jours. Donc ils utilisent ce délai. Mais aujourd'hui, même si un bon nombre d'acteurs sont vertueux, certains d'entre eux dépassent largement ce délai, mettant en péril de nombreuses TPE/PME qui ont besoin, eux, de trésorerie immédiate.

Et si le fournisseur veut rappeler son client à son devoir de régler une facture, il lui est impossible de joindre téléphoniquement un interlocuteur, puisque l'ensemble du processus de facturation est dématérialisé avec le dépôt des factures sur une plateforme. On connaît des enseignes de la grande distribution qui procèdent ensuite par l'émission d'un grand nombre de notes de débit venant en déduction du montant des factures. Chez certains de nos clients, plusieurs ressources sont nécessaires en interne pour gérer ces notes de débit qu'ils reçoivent par centaines, voire par milliers. 

Nous constatons dès lors un véritable rapport de force entre les fournisseurs TPE/PME et certains acteurs de la grande distribution. La seule solution s'offrant à elles serait l'engagement d'une procédure contentieuse, mais beaucoup ne souhaitent pas procéder ainsi de crainte d'être déréférencées par la suite. Ce phénomène est récurrent au sein de notre activité de relances en marque blanche (relances effectuées sous le nom de notre client) dans le cadre de laquelle nos clients TPE/PME préfèrent abandonner leur action car ils sont tétanisés à l’idée de relancer leurs clients de la grande distribution. 

Certains fournisseurs, plus solides financièrement, ont stoppé leurs livraisons, ce qui a entraîné une disparition de plusieurs produits des rayons de certaines grandes enseignes. La grande distribution est donc directement concernée par la volonté de la Commission de Bruxelles de réduire les délais de paiement à 30 jours, car cela contraindrait certaines enseignes à revoir l'ensemble de leur processus de paiement, lequel est aujourd'hui sciemment allongé ».

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