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Canicule : ce qu’il faut savoir pour passer cette rude semaine de juin (et encore plus si vous êtes âgé et sans ressources)
©Reuters

Chaud !

51 départements vont être placés en vigilance orange mardi 20 juin. Même si les fortes chaleurs pourraient concerner l'ensemble du territoire, toutes les régions et toutes les personnes ne seront pas atteintes de la même manière par les envolées des températures.

Frédéric  Decker et Patrick Pelloux

Frédéric Decker et Patrick Pelloux

Frédéric Decker est météorologue à "Météo News" et géographe. Il est observateur bénévole pour Météo France (à Sainte-Geneviève-des-Bois, Essonne) depuis 2003

Patrick Pelloux est médecin urgentiste, président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUF), un syndicat qui regroupe les médecins urgentistes hospitaliers

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Atlantico : Météo Franc place dé mardi 51 départements en vigilance orange, les températures devraient osciller entre 30 et 36 degrés sur une grande partie du pays. Dix ans après, la canicule fait donc son retour en France ?

Frédéric Decker : La canicule d'août 2003, qui avait duré 2 semaines avec plus de 35 degrés tous les jours sur pratiquement tout le pays et des pointes à 44 degrés dans le sud (Gard notamment), était et est encore un fait météorologique inédit. Les relevés météo les plus anciens et les archives indiquent qu'il n'y a pas d'équivalent sur les 500 dernières années, voire depuis près de 1000 ans (à prendre avec précautions toutefois étant donné le manque de données et d'informations fiables à l'époque). La canicule de 1976 (de fin juin à début juillet) avait duré aussi longtemps voire un peu plus (une quinzaine de jours), mais un cran en-dessous de 2003 en terme de pics de chaleur.

Les grandes canicules (2003, 1976, 1947...) ont une durée-retour de 20 à 25 ans environ. Le réchauffement actuel peut faire craindre une recrudescence de ce type d’évènements météo, mais ce n'est pas certain. La canicule de 2003 a permis de mieux prendre en compte ce phénomène en terme de vigilance (la vigilance canicule n'existait pas avant cette date). Il faut malheureusement parfois des phénomènes extrêmes pour déclencher de nouvelles procédures. La bonne nouvelle, c'est que météorologues et pouvoirs publics sont désormais prêts pour appréhender les futures canicules, notamment pour la prévention et l'organisation des secours.

Où faudra-t-il être en France la semaine pour se protéger aux mieux de la canicule ? Quelles seront les régions les moins touchées par ce phénomène ? 

Frédéric Decker : Comme souvent quand il fait très chaud et comme en 2003 d'ailleurs, les franges littorales sont moins exposées, y compris la frange littorale de la Méditerranée. L'effet marin et les brises marines modèrent les écarts de températures, qui grimpent moins haut les après-midis notamment. L'idéal sera de se situer près des côtes de la Manche où le mercure s'envolera moins qu'ailleurs, ou bien en montagne, assez haut, pour profiter des nuits fraîches. L'ouest en général retrouvera des températures beaucoup plus respirables dès mercredi, après une vague orageuse.

Qui sont les plus fragiles face à la canicule ? Où risque-t-on d’en souffrir le plus ?

Frédéric Decker : On l'a vu en 2003, les personnes âgées sont la catégorie de la population la plus fragile face à la canicule. Les nourrissons, les personnes très malades et les cardiaques notamment sont également exposés à des complications face aux fortes températures (essoufflement, déshydratation importante etc...).

C'est du sud-ouest au Bassin parisien que les températures seront les plus élevées lundi et mardi, dans l'est entre mardi et mercredi (qui s'ajouteront à la journée de dimanche). Nous serons souvent un peu à la limite des seuils de canicule, mais quelques personnes risquent déjà d'en souffrir. Les conditions seront plus difficiles dans les grandes villes (Paris, Toulouse, Bordeaux...) où l'air circule moins bien, où les surface bétonnées et goudronnées conservent la chaleur, même la nuit. Si on le peut, il vaut mieux fuir quelques jours vers les campagnes, forcément plus fraîches.

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Patrick Pelloux : Les personnes les plus fragiles, et qui sont les principales victimes des épisodes de chaleur sont les travailleurs de force, les ouvriers du bâtiment notamment, puis les sans domicile fixe qui, je le rappelle, meurent plus en été qu'en hiver. Troisièmement, les personnes les plus pauvres vivant dans des conditions qui les empêchent se s'isoler de la chaleur. Enfin, les personnes atteintes d'un handicap, notamment lié à l'âge ou à des raisons psychiatriques.

Comment  y échapper lorsqu’on habite en ville dans un immeuble ?

Frédéric Decker : En passant par exemple du temps dans un parc bien ombragé, ou dans des espaces climatisés (grandes surfaces, cinémas...). Si on ne peut pas sortir aux heures les plus fraîches (matin et soir), il faut fermer volets et fenêtres le jour et les ouvrir la nuit. Sans climatisation, on peut disposer une serviette mouillée devant un ventilateur : l'évaporation occasionnera un rafraîchissement de l'air de la pièce.

Le dispositif d’alerte canicule a "largement progressé" depuis dix ans et est aujourd’hui "éprouvé" a estimé vendredi Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées. Dix ans après la canicule qui avait causé en août 2003 la mort de 15 000 personnes en France, sommes-nous vraiment mieux préparés à affronter un tel épisode de chaleur ?

Frédéric Decker : La canicule de 2003 nous a appris que ce phénomène silencieux pouvait être terriblement meurtrier. Il s'agit même du bilan le plus lourd en terme de phénomène météorologique en France. Nous, météorologues, avons du apprendre à mieux prévenir le phénomène. Car si la canicule 2003 avait été parfaitement prévue, les systèmes de vigilance ne la prenaient pas encore en compte et l'information est mal passée, en plein cœur de l'été, pendant les vacances de nombreux Français.

Les vigilances météo liées aux services gouvernementaux, aux services de secours, médicaux etc... permettent de mieux anticiper les retombées des phénomènes sur la population. Et donc de mieux s'organiser à présent en renforçant les effectifs médicaux en prévision d'une canicule.

Patrick Pelloux : Les ministres passent et la politique reste... Michèle Delaunay ne fait que dire ce qu'aurait pu dire en son temps Roselyne Bachelot. Si les choses ont évolué, c'est parce que la conscience populaire sur le risque de la chaleur a progressé. Les gens ont compris qu'il faut faire attention à la chaleur, qu'elle peut être dangereuse et qu'il faut s'en protéger. Ce sont des habitudes qui sont également rentré dans les mairies, les centres d'action sociale ou les maisons de retraite où l'on fait beaucoup plus attention. En 2006, quand il y a eu un autre épisode de canicule, on a pu mesurer que les politiques de prévention avaient protégé les gens.

Là où Michèle Delaunay se trompe, c'est que l'on a continué la politique de casse du service public et des hôpitaux, et au quotidien, cela fait des années que l'on alerte sur cette rationalisation des services des urgences. On passe notre temps à dire que l'on manque de moyens pour l'accueil des personnes, alors qu'il faut aller vers une vraie expression du service public qui soit à disposition de la population. Et cela, on ne l'a pas. Alors en cas de catastrophe que ferait-on ? Dans un premier temps, on pousserait les murs, comme ce que l'on a fait pour le drame du déraillement de Brétigny. Mais après ? Je ne sais pas.  

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Quels conseils donneriez-vous pour se protéger des fortes chaleurs ?

Frédéric Decker : Il existe plusieurs gestes simples : il est recommandé de boire de l'eau fréquemment et abondamment, même si vous ne ressentez pas la sensation de soif. Évitez de sortir durant les heures les plus chaudes (entre 12 et 18 heures) et maintenez votre logement au frais (volets et fenêtres fermés la journée, ouverts la nuit). Rafraîchissez-vous régulièrement (vaporisateurs, douches fraîches, piscine...). Si vous le pouvez, passez 2 à 3 heures par jour dans un endroit frais. Enfin, venez en aide aux personnes les plus fragiles (personnes âgées, nourrissons, malades) et demandez de l'aide auprès des services médicaux si besoin.

Patrick Pelloux : Pour l'hydratation, quelque chose de simple à se rappeler, notamment pour les enfants : si on ne va pas aux toilettes pour uriner (ou si la couche est sèche), c'est que l'on ne boit pas assez. Ensuite, autre règle : on ne boit pas si on ne mange pas. En effet, boire beaucoup va vous amener à uriner du sel, or il faut conserver du sel dans l'organisme, notamment quand on transpire, d'où la nécessité de se nourrir pour apporter ces oligo-éléments. Il faut bien sûr aérer le logement la nuit, et calfeutrer le jour. Éviter de faire du sport ou de s'amuser à des pratiques suicidaires comme faire son jogging à 14 heures. Pour les personnes âgées, il faut les dévêtir car – comme elles se sentent toujours un peu frileuses – elles ont tendance à porter trop de vêtements, et bien sûr les faire boire et les faire manger. Il faut aussi être attentif aux premiers signes montrant un débutd'hyperthermie : l'énervement, la contrariété et la rougeur du faciès. Enfin, il faut aussi éviter de boire de l'alcool, et, pour les personnes qui sont sous dialyse, qui souffrent d'insuffisance rénale ou qui sont suivies pour des troubles psychiatriques, il faut penser à faire réviser son traitement.

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