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Budget : première semaine de vérité pour Emmanuel Macron qui va devoir trancher entre contraintes et priorités
©Reuters

Atlantico Business

Emmanuel Macron va devoir choisir entre ses engagements européens, la conjoncture, le prix des réformes à payer et le désamour de l’opinion publique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après des semaines consacrées au rituel de l’installation présidentielle, les visites de courtoisie à l’étranger, les élections législatives et le remaniement de vigueur, Emmanuel Macron va bien être obligé de plonger dans la réalité.

Et cette réalité, cette semaine, va certes, porter sur la loi de moralisation de la vie publique et sur la loi d’habilitation et de réforme du code du travail par le biais d’ordonnances. Mais formellement, c’est le Parlement qui va se mettre au travail. Le président, lui, va devoir se plonger dans les premiers choix budgétaires. C’est le nerf de la guerre. Il va observer la petite guéguerre qui se prépare à l’Assemblée pour la présidence de la Commission des finances. Très importante commission, chargée du contrôle des dépenses et des recettes de l’Etat. Deux hommes de valeur  vont se disputer cette fonction, qui fait contrepoids au ministre de l’économie et à celui des comptes publics : Gilles Carrez, qui voudrait bien se succéder à lui-même et Éric Woerth, qui a une totale légitimité technique et politique pour prétendre occuper la fonction. Les pronostics donnent Woerth plutôt gagnant de la partie.

Le plus drôle, c’est que Emmanuel Macron, pour Bercy, n’a qu’à moitié confiance dans les deux titulaires, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin puisqu‘il a fait nommer un de ses proches parmi les plus proches, Benjamin Griveaux comme Secrétaire d’Etat sans affectation précise, mais dont l’expertise vaut bien celle des deux qu’il va accompagner. Benjamin Griveaux a fait ses classes auprès de Dominique Strauss-Kahn après avoir fait Sciences Po et HEC. Pour les Enarques qui sont revenus en nombre au pouvoir, HEC dispense une formation un peu plus proche de l’épicerie de quartier, n‘empêche que l’école de Jouy-en-Josas ouvre les portes des multinationales plus facilement que l'école de la rue des Saints Pères. Querelles de chapelle que tout cela, mais querelles de pouvoir. Et si le pouvoir est bien à l’Elysée, c’est Griveaux qui a les clefs. A suivre.

En attendant, sur le fond, le plus dur pour Macron va être de faire des choix budgétaires. Pendant la campagne, il n‘a évidemment fait aucune promesse. C’est sa force. N’empêche qu’il va devoir naviguer pour trouver de quoi payer le prix des réformes. Aucun président avant lui n’a eu le courage de faire ses choix. Ils ont toujours trouvé une bonne excuse pour cacher la poussière sous le tapis.

Valéry Giscard D’Estaing, qui savait tout, ne voulait gouverner qu’avec 2 français sur 3, la crise pétrolière l’a empêché de redresser les comptes, ce qui ne l’a pas mis à l’abri de l’échec électoral en 1981. Il s’est fait sortir du jeu.

François Mitterrand s’est fait élire sur des promesses de rééquilibrage social, il a fallu les payer sans sourciller.

Jacques Chirac a continué et s’était engagé à réduire la fracture sociale. Il ne l’a pas fait mais il a dépensé l’argent que la reprise de croissance mondiale pouvait lui apporter.

Nicolas Sarkozy, aurait pu, comme en Allemagne, engager les réformes de la modernité, mais la crise de 2008 lui est tombée sur la tête et du coup il n’a pas voulu la faire payer aux français.

François Hollande, qui a fait croire que la France avait trop mal alors qu‘elle était sous perfusion, n’a pas débranché les antidouleurs. Les caisses étant vides, il a pesé de tout son poids auprès de la Banque centrale pour qu‘elle fasse le boulot. Et la BCE a fait le job, elle a mis en route la planche à billets et ramener les taux d’intérêt à zéro. La France a tenu debout mais personne n’en ressortait satisfait.

Macron arrive avec une offre de ramener le pays dans la course internationale. Il avait raison et la moitié des français s’est déclarée d’accord avec le diagnostic.

Cela dit, il faut passer aux actes. La Cour des Comptes va donner son rapport cette semaine sur la situation des finances publiques. La Cour des Comptes va sans doute dénoncer une dérive budgétaire de 10 milliards d’euros.

Macron va devoir définir le centre de gravité budgétaire entre les quatre composantes qui s’imposent à lui.

1.     Les engagements pris auprès de l’Allemagne. La première visite d’Emmanuel Macron a été pour Angela Merkel. Visite de courtoisie mais pas seulement. L’idée était de confirmer ses engagements européens, ses projets de renforcer l’Union avec comme principal partenaire et s’assurer que l’Allemagne avait aussi la volonté d’aller dans le même sens et de continuer à payer certaines factures. Bref, l’Allemagne nous apporte des mannes de financement, à condition que notre business plan lui convienne. Emmanuel Macron a présenté son business plan comme n’importe quel chef d’entreprise responsable le fait auprès de ses banquiers pour continuer de bénéficier de lignes de trésorerie.

2. L’impératif de compétitivité. Le choix d’Emmanuel Macron est de mettre la France dans une logique de compétitivité internationale. Cette logique implique une priorité à l’innovation, à la recherche et surtout globalement à la consommation. La contrepartie est qu’il va falloir resserrer le niveau de la consommation sociale et publique. En clair, on ne pourra guère autoriser une dépense publique qui augmenterait plus vite que la recette. Ça n’est pas de l’austérité, c’est de la rigueur.

3. La conjoncture internationale marque une réelle reprise de la croissance et donc de l’activité. C’est une très bonne chose pour tout le monde et d’abord pour la France qui va en bénéficier. C’est une bonne chose mais tout dépend de ce qu’on va faire des produits de cette amélioration. Ou bien on les utilise pour investir. Ou bien on les consomme. Pour une partie des français qui ont souffert des délocalisations et qui se sont retrouvés soit chez Mélenchon soit  chez Le Pen, cette croissance leur revient. L’amélioration de la conjoncture facilite la mise en place des réformes douloureuses, oui, mais ne facilite pas le processus de décision pour les lancer.

A quoi bon réformer puisque tout va mieux.

Economiquement, le retournement est une aubaine. Politiquement c’est un frein.

4. La pression de la rue. Plausible dans la mesure où l’opposition ne pourra pas s’exprimer à l’Assemblée, mais peu probable avant 18 mois. Les corps intermédiaires, ce qui reste des syndicats, sont quand même assez bluffés par la légitimité politique dont dispose Macron. Ils sont bluffés par son habileté à dégager sa route. La CGT a essayé de tester sa capacité de résistance en mobilisant les chauffeurs routiers. La CGT a échoué.

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