Bruno Le Maire ne croit pas à la paralysie de l’économie, mais le Medef reste étrangement silencieux<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire lors d'une visite de l'entreprise aérospatiale ArianeGroup à Vernon, dans le nord de la France, le 6 décembre 2021.
Bruno Le Maire lors d'une visite de l'entreprise aérospatiale ArianeGroup à Vernon, dans le nord de la France, le 6 décembre 2021.
©ERIC PIERMONT / AFP

Les indicateurs sont au vert

Bruno Le Maire a reconnu qu‘il existe des difficultés dans certains secteurs mais pas de paralysie de l’économie française. D’autres acteurs mondiaux s’inquiètent de la vague Omicron, les grandes entreprises s’organisent, mais les organisations patronales restent étrangement silencieuses.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie, le variant Omicron n’affectera pas la croissance française en 2022 et en dépit de certaines critiques anxiogènes, il a précisé hier sur LCI qu‘il maintenait la prévision de croissance à 4%.

Les certitudes du ministre français ne sont pas partagées par l’ensemble des experts qui se penchent sur les indicateurs macro-économiques. Mais il faut dire que cette majorité des experts nous avait promis l’apocalypse économique et sociale au début de la pandémie en mars 2020. Ils nous avaient annoncé une vague de faillites et un tsunami de chômage. La réalité a été très différente. La croissance a été forte, et l’emploi s’est redressé au point de mettre des secteurs tout entiers en situation de pénurie.

Depuis six mois, tous les indicateurs sont au vert avec une perspective de croissance équivalente à la moyenne des grands pays développés.

Le problème, c’est que l'arrivée de l’Omicron et sa contagiosité forte ont porté un risque de désorganisation de l’économie.

La multiplication des cas de contamination et des cas contacts pouvaient pour beaucoup perturber la vie quotidienne de secteurs tout entiers et c’est vrai que depuis Noël, les commerces, les transports, les administrations, l’école, la santé ont enregistré des arrêts de travail qui ont, dans certains cas, tout bloqué.

Mais a priori, et selon les services de Bercy, rien ne permet d’accréditer l’hypothèse d’un nouveau scénario catastrophe fondé sur l’absentéisme.

Pour trois raisons :

D’abord, parce que la désorganisation - si désorganisation il y a - ne va toucher principalement que les petites et moyennes entreprises. Une grande entreprise peut absorber un risque d’absentéisme en organisant une gestion de personnel qui réponde à ces difficultés. Ça n’est pas forcément possible dans l’Education nationale ou les transports publics, qui vont devoir alléger leurs moyens faute de conducteurs. Mais cette diminution du nombre de chauffeurs tombe aussi à un moment où le nombre de passagers a fortement diminué avec la remise en place du télétravail quasi obligatoire, les petites entreprises qui ont moins de 10 salariés sont beaucoup plus gênées, elles doivent s’arranger avec leurs clients mais beaucoup trouvent des solutions.

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Ensuite, le ministère du travail (qui est en étroite collaboration avec Bercy) et le ministère de la santé ont compris très vite que ce qui allait bloquer et provoquer des arrêts de travail en masse, c’était les délais de quarantaine. Entre la nécessité pour les cas contacts de se tenir à l’écart et les cas avérés qui doivent s’isoler, on a assisté à un double jeu : beaucoup d’arrêts de travail prolongés et beaucoup de tests. Les administrations intéressées ont rapidement trouvé la parade. Elles ont allégé l’obligation de tester et raccourci les durées de quarantaine. Est-ce que ça suffira ? Personne ne le sait, mais en tous les cas, ça peut éviter la paralysie.

Enfin, Bercy compte sur un pic de contaminations Omicron vers le 15 janvier, ça veut dire qu‘après le pic, on assistera à la décrue. Ce qui permettra d’alléger tous les protocoles.

Le mois de janvier ne devrait donc pas trop abimer le profil de la croissance française... Après la fin janvier, on entre dans un autre mois et on approche du printemps. Trop éloigné pour faire des prévisions, mais les experts raisonnables retiendront que la vague Omicron a buté sur le mur de la vaccination qui a finalement bien sauvé l’hôpital d’un afflux de malades graves et c’était l’essentiel.

Ceci étant, pour l’avenir, on devra vivre avec les arrivées de variants nouvelle mouture, comme on vit avec la grippe sauf qu’on ne connait pas les modalités précises de cette nouvelle vie. D’où les incertitudes qui pèsent désormais sur 2022.

Incertitudes sur la bourse. Faute d’indicateurs précis, les marchés boursiers ont plutôt tendance à se protéger en ce début d’année. On sent bien que la courbe euphorique qui a mené le cours des actions au niveau record actuel est, non pas cassée, mais très ralentie.

 L’incertitude passe très clairement par les taux d’intérêt où, partout dans le monde (sauf en Europe), on s’attend à une remontée des taux. Qui dit remontée des taux, dit aussi politique monétaire moins accommodante. L’Europe est à l’écart de ce refroidissement mais ça ne peut pas durer

Les plus pessimistes actuellement sont les économistes du FMI, pour qui les pays émergents doivent se préparer à des turbulences économiques parce que les taux américains d’un côté vont remonter et les effets du variant Omicron vont peser sur l’activité internationale. Le FMI sortira l’actualisation de ses prévisions le 25 janvier prochain. Pour l’instant, le FMI estime que la reprise mondiale ne sera pas attaquée, mais reste dubitatif sur les conséquences de la situation à la fin janvier. Les oracles du FMI voudraient battre le chaud et le froid, entretenir un climat de spéculation qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

Alertes mondiales. Au-delà des risques Covid, le FMI va maintenir pour 2022, les alertes mondiales qui n’ont aucune raison d’être levées.

Alerte mondiale sur les risques de pénuries de matières premières et de composants qui bloquent des secteurs tout entiers.

Alerte mondiale sur les risques géopolitiques avec deux foyers ; la zone Ukraine-Russie et de l’Asie du Sud-est avec l’inconnue chinoise. La Chine ne dit rien sur l'état de la pandémie chez elle et les gouvernements occidentaux ne savent rien des intentions chinoises conquérant Taiwan.

Bruno Le Maire n'a donc pas pris de risques importants dans sa prévision de croissance maintenue à 4% pour 2022. Il reste dans le consensus mondial. Sauf que le crédit de sa prévision tient à la formidable résilience des entreprises françaises. Le plus curieux dans cette équation, c’est l’absence de réaction des grandes organisations patronales. Le Medef notamment « n’a jamais voulu céder à la panique », selon le président Geoffroy Roux de Bézieux. Il laisse les fédérations professionnelles aller au front défendre l’intérêt de leurs membres, et mais même sur les grands sujets transversaux, le Medef n’intervient pas.

Sur le télétravail obligatoire,pas de commentaires.

Sur le pass sanitaire, les entreprises appliquent la loi. Celles qui veulent aller au-delà le font de leur propre chef.

Sur le caractère obligatoire de la vaccination, c’est le silence. Alors même qu’une majorité d‘entreprises y sont favorables et le pratiquent.

Pour les uns, ils considèrent que le Medef n’a pas à prendre parti sur des sujets qui sont très politiques et que la classe politique instrumentalise.

Pour les autres, le Medef n’intervient pas parce qu’il n’ose pas, question de caractère et de personnalité au niveau de la présidence et c’est vrai que Geoffroy Roux de Bézieux est d’une extrême prudence.

Cela dit, l’actualité va obliger le Medef à sortir de son silence. L’élection présidentielle ne pourra pas se dérouler sans des éléments de jugement sur les programmes. Mais ne rêvons pas, le Medef n’interviendra pas dans la campagne présidentielle.

Le risque pour le Medef serait d’abimer l’image des entreprises qui est plutôt bonne à l’issue de cette pandémie, alors même que l’Etat s’est déconsidéré par les erreurs et les lourdeurs.

Cela dit, la qualité de l’image des entreprises oblige le mouvement des entreprises à peaufiner une plateforme de réformes possibles et souhaitables qui serait prise en compte par les candidats d'autant plus volontiers que les électeurs ont confiance dans les entreprises.

Pour toutes ces raisons, il ne serait donc pas étonnant que le Medef prépare cette plateforme de réformes dont certaines bribes étaient déjà sorties lors des dernières universités d’été. Se tenir le plus possible à l’écart du débat politique qui caractérise le débat de campagne l’empêche évidemment de prendre part au débat sanitaire.

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