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Brexit : petit rappel des prédictions apocalyptiques prédites au Royaume-Uni lorsqu’il choisit de garder la Livre sterling plutôt que d’adopter l’Euro
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

documents de yellowhammer

Les députés britanniques ont voté lundi 9 septembre pour obliger le gouvernement de Boris Johnson à publier des documents confidentiels sur l'impact d'un Brexit sans accord. Les prévisions sont alarmantes.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Alors que les prévisions concernant un Brexit sans accord parlent de risques de pénurie de nourriture, de médicaments et de possibles émeutes, ces prédictions quasi-apocalyptiques rappellent les prévisions alarmistes émises après le rejet de l'accord de Maastricht. Qu'annonçait-on pour le Royaume après la décision de ne pas entrer dans la zone euro ?

Edouard Husson : Les documents de « Yellowhammer » sont des documents rédigés par des hauts fonctionnaires qui doivent avertir leur gouvernement des risques possibles. C’est leur devoir de prévoir le pire. Que ne dirait-on si le gouvernement britannique avait refusé d’envisagert le pire? Mais ce sont des scénarios et les mêmes documents n’adhèrent pas à tous ces scénarios du pire. Les scénarios du pire sont évalués « raisonnablement » et le texte est plein de conditionnels. Il serait temps que nous dépassions le stade du « Berlitz English » pour comprendre les nuances d’un texte rédigé par des Britanniques ! Y a-t-il un risque de perturbation pour l’agriculture irlandaise dont les exportations vers la Grande-bretagne sont essentielles? Le gouvernement a déjà envisagé les mesures. Y a-t-il un risque de ralentissement du commerce à travers la Manche? Le rapport Yellowhammer dit que cela se résorbera rapidement. Qu’il est difficile à l’esprit humain de l’emporter sur les passions, les détestations, les peurs, les manipulations ! La diplomatie française se plaignait hier de ce que le gouvernement britannique parlait avec les pays de l’UE en bilatéral. Mais c’est précisément pour éviter des catastrophes. Refuser de le voir, c’est vouloir enfermer le gouvernement britannique à l’aide d’une injonction paradoxale ! « Vous aurez le No Deal si vous refusez de vous soumettre à nos exigences ! Mais vous n’avez pas le droit de vous préparer à un No Deal ». Alors oui il y a une comparaison possible avec le refus britannique de rentrer dans la zone euro. La différence étant que le gouvernement de John Major puis celui de Tony Blair ont eu la sagesse de ne pas entrer dans l’euro. Alors que là, les mêmes Major et Blair, anciens premiers ministres dépassés par leur époque, commettent la folie de mettre des bâtons dans les roues à leur successeur Boris Johnson. 

Quelles ont été les conséquences concrètes de ce refus d’entrer dans la zone euro ?

L’économie britannique se porte bien mieux que l’économie française et que la zone euro en général ! Sur 25 ans, la croissance britannique est plus forte que la croissance allemande et la croissance française ! La Grande-Bretagne est sortie beaucoup plus vite de la crise de 2007-2008 que la zone euro. En fait, trois décennies de politique monétaire prouvent la supériorité de la politique monétaire pragmatique du monde anglo-saxon sur le dogmatisme de la zone euro. 

Le parallèle entre les prévisions alarmistes de 1993 et 2019 est-il cohérent ? 

Que n’a-t-on pas entendu à l’époque ! Le 16 septembre 1992, la livre, très violemment attaquée, est sortie du système monétaire européen. J’avais déjà pris la décision de voter non à Maastricht; si tel n’avait pas été le cas, l’épisode m’aurait ouvert les yeux. Rester aligné sur les taux d’intérêts allemands était intenable. Malgré la tentation de l’obstination, le gouvernement de John Major l’a compris. Et il est sorti, même si tout une partie de l’establishment en était malade, comme il est malade, aujourd’hui, de devoir sortir de l’Union Européenne. A la même époque, François Mitterrand, qui n’avait aucune culture monétaire, a invoqué ce qui arrivait aux Britanniques pour justifier le vote oui à Maastricht ! Il fallait se « protéger ». Nous nous sommes enfermés dans une prison économique dont nous ne sommes toujours pas sortis. Le gouvernement de Tony Blair a bien eu la tentation d’adhérer à l’euro, quand même, en 1999, puis lors du troisième mandat de Blair. Ce dernier a été ramené à la raison par le monde économique, qui n’en voulait pas. Blair a toujours peur d’être privé de son oxygène, la fréquentation de l’establishment ! La différence entre le débat des années 1990 et celui d’aujourd’hui, c’est qu’il s’agissait à l’époque d’entrer dans un système européen, non d’en sortir. Mais vous avez raison, il ne manquait pas de pronostics catastrophiques, même à Londres ! On a vu ce qu’il en est advenu. Il va se passer la même chose pour le Brexit: la vérité, c’est Angela Merkel qui l’a confirmée hier: l’Allemagne a peur de la compétition britannique en cas d’absence de deal. Dès aujourd’hui, la Grande-Bretagne fait plus de commerce avec le reste du monde qu’avec l’UE. Toutes ces histoires de pénurie sont donc des histoires pour faire peur aux enfants. On cherche à infantiliser l’électorat. 

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