Brexit : et si les électeurs britanniques avaient obtenu une bonne partie de ce qu’ils souhaitaient ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres britanniques du Parlement européen posent pour une photo de groupe avec des écharpes aux couleurs de l'Union européenne et du Royaume-Uni le 29 janvier 2020.
Des membres britanniques du Parlement européen posent pour une photo de groupe avec des écharpes aux couleurs de l'Union européenne et du Royaume-Uni le 29 janvier 2020.
©JOHN THYS / AFP

Take Back Control

Aux racines de la volonté de sortie de l’UE se trouvaient notamment le rejet d’une immigration européenne massive ainsi que la volonté de battre en brèche l’influence déterminante de la City sur la politique mise en œuvre au Royaume-Uni. Sans même parler du succès de la vaccination outre-Manche relativement aux 27, sur ces deux autres fronts, les évolutions sont notables.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Depuis le vote du Brexit en 2016, le flux d’immigrants vers le Royaume-Uni, notamment originaire d’Europe de l’Est, s’est considérablement amoindri. Le Brexit signe-t-il sa première victoire visible aux yeux de tous ?

Edouard Husson : La première victoire du Brexit, c'est le Brexit lui-même. C'est le fait qu'un peuple ait non seulement osé mettre en cause la pensée dominante mais qu'il ait réussi à imposer à l'Union Européenne le respect d'une décision démocratique. Les députés conservateurs du European Research Group, qui ont bloqué tout mauvais accord, sont les plus héros européens de ce début de siècle ! Boris Johnson a beau être en partie un opportuniste, il reste qu'il a été l'homme des circonstances. Je pense aussi que l'on sous-estime David Cameron, qui a sorti la Grande-Bretagne de la mauvaise passe budgétaire où elle était à la fin de la période Blair/Brown, rendant son pays invulnérable aux attaques des spéculateurs pendant la difficile bataille parlementaire pour le Brexit; c'est aussi Cameron qui a mis en place le référendum, pour respecter le sentiment populaire. Quelle leçon de liberté le Royaume-Uni a donné. Il y a là un secret essentiel pour l'avenir de l'Europe et de l'Occident: on voit que la société britannique est forte de sa tradition de défense des libertés. Malgré beaucoup de dérives qu'elle partage par ailleurs avec le reste de l'Occident, par exemple sur les questions dites sociétales. Rien ne remplace la liberté. C'est le bien politique le plus précieux d'une nation. Le sentiment de la liberté, c'est ce qui manque le plus à la droite LR chez nous. Une autre victoire du Brexit, c'est le fait que, contre toutes les prédictions, le pays ne s'est pas effondré économiquement. Alors, il y a bien des obstacles, certainement, à commencer par la tentation écossaise de relancer la question de l'indépendance. Mais je pense qu'on surestime son impact vu de ce côté-ci de la Manche. Sur la question de l'immigration, oui c'est une victoire dans la mesure où c'est la réalisation d'une promesse tenue. Tout dépendra de la capacité du gouvernement à juguler l'autre immigration, extra-européenne. Car la Grande-Bretagne se meut toujours dans le périmètre identifié par le si grand et si détesté Enoch Powell, à la fin des années 1960: le danger d'une immigration massive issue de l'ancien empire, qu'il est devenu en pratique impossible de soumettre à l'assimilation. 

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Les partisans du Brexit se plaignaient aussi de la trop grande influence de la City sur la politique menée par leur gouvernement. Sur ce point, ont-ils vu les résultats ?

Cela ne m'a jamais frappé comme un argument central. C'était développé par les pro-Brexit du parti travailliste. Heureusement, ce type d'argument a moins pesé que le souci de retrouver, en premier lieu, une complète souveraineté, la primauté du droit britannique. La City ne s'est pas effondrée comme certains le prédisaient. Elle est un extraordinaire atout de puissance pour la Grande-Bretagne. Et les conservateurs le savent bien. Les conservateurs ont été, finalement, les meilleurs défenseurs du Brexit car ils sont capables de trouver le bon équilibre entre ouverture au monde et défense des intérêts et de l'emploi britannique; entre le fait de ne pas perdre la puissance mondiale de la City et le souci de réduire les inégalités sociales. Le projet "Global Britain" demandera beaucoup d'efforts mais il montre la voie, à toutes les nations européennes, d'une autre politique.

Sur quels autres fronts les Britanniques ont-ils pu voir les effets concrets du Brexit ? La crise du Covid, tant sur le plan sanitaire, économique mais aussi migratoire, a-t-elle été l’occasion de montrer que le départ de l’UE permettrait une reprise en main du destin du pays ?  

D'abord, le plus essentiel à comprendre, c'est que l'indépendance retrouvée permet aux Britanniques de tout faire, y compris d'énormes erreurs. Mais ils en sont les seuls responsables et ils peuvent corriger dans le cadre national. Boris Johnson a fait en partie un mauvais usage de la liberté retrouvée avec une politique sanitaire absurde. Je sais bien que le système de santé publique britannique est mal géré; mais la politique de confinement total est, là comme ailleurs, une grosse erreur politique, économique et sociale. On peut admirer l'efficacité à organiser la vaccination. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que la Grande-Bretagne s'est montrée en l'occurrence affreusement soumise à des intérêts extra-scientifiques. On aura vu, à l'occasion de la crise du COVID-19, les très prestigieux journaux médicaux britanniques, à commencer par le Lancet, faire preuve d'un aveuglement total vis-à-vis de la Chine (Je vous recommande de suivre ce sujet dans "The Tablet Magazine) et, surtout, publier, par passion idéologique et conflit d'intérêts, l'article scientifique le plus scandaleux de tous les temps - hors d'un régime totalitaire - à savoir l'article, fondé sur des données totalement truquées, qui était destiné à démolir la réputation de l'hydroxychloroquine associée à un antibiotique dans la lutte contre le COVID. Mais les gouvernants et les institutions britanniques sont désormais seuls comptables de leurs éventuelles erreurs. C'est cela aussi la liberté des nations !  

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