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Brésil : Ces indiens d'Amazonie
à la pointe de la technologie
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Geronimo

Les indiens "Surui" étaient présents au Sommet de la Terre organisé à Rio. Ce peuple méconnu a réussi le pari de rester dans un cadre ancestral tout en adoptant les nouvelles technologies. Retour sur la vie de cette tribu "hyper-moderne".

Michel Meyer et Julien Meyer

Michel Meyer et Julien Meyer

Michel Meyer est ingénieur géologue et géophysicien

Julien Meyer est ingénieur (Marseille) et docteur en Sciences cognitives et neuro linguistique.

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Dans les couloirs du Sommet de la Terre  de « RIO+20 » à Rio de Janeiro (Brésil) ce dernier week-end, le militant associatif et d’ONG, comme le chef d’état participant, pouvait croiser, dans leurs tenues traditionnelles, des indiens de l’ethnie SURUI , en provenance de l’état brésilien lointain du RONDONIA : un des 8 états amazoniens et un des 23 du BRESIL, à la frontière nord-est de la Bolivie. Le Rondonia couvre presque la moitié de la France en superficie ; il est doté d’une population de seulement 1,5 millions d’habitants (le 23e des états du Brésil fédéral par la population). Les habitants de cet état sont d’une part des Amérindiens et d’autre part des immigrants brésiliens d’états du Nordeste et du sud du pays.

ALMIR NARAYAMOGA SURUI (37 ans) est leur chef élu, déjà bien connu dans un bon nombre de pays de la planète, notamment ceux qui s’intéressent à la protection de la forêt, des écosystèmes et des peuples qui en font partie intégrante. Le chef Almir était bien entendu à « RIO+20 ». Il se déplace d’ailleurs avec aisance dans le monde entier, au gré des sollicitations d’états et d’ONG intéressés par l’histoire et l’évolution de son peuple, peuple Surui qui a été décimé (la moitié de la population disparut en 3 années !) en à peine une décennie par les maladies apportées par les « blancs » après le « contact » initial (explorateurs puis missionnaires), qui ne remonte pourtant qu’à 1969, bien après les « contacts » opérés par le Maréchal Rondon et l’ethnologue français Lévi-Strauss. Aujourd’hui, le peuple Surui du Rondonia totalise 1300 individus, partant d’une population estimée à 5000 dans les années 70 et descendue dramatiquement à 300 au cours de la décennie suivante (avec toute la désorganisation culturelle et politique que cela a entrainé).

Dans la mythologie traditionnelle du peuple Surui, une légende raconte de génération en génération qu’un immense serpent viendrait sur les terres de leurs ancêtres et finirait, en une avance inexorable, par engloutir les cultures, les terrains de chasse et de pêche de leur peuple, et finalement détruirait le peuple tout entier !

C’est en 1968 (cela ne s’invente pas) que les Brésiliens (« civilisés ») ouvrirent une piste, puis rapidement une route, la BR 364, à travers les terres des Suruis. Aujourd’hui, la BR 364 pénètre dans les anciens villages amérindiens ; et celui du chef Almir a été déplacé 40 km plus loin, à la limite d’une Terra Indigéna qui marque aussi le front de déforestation.

Signalons incidemment, et pour l’Histoire, qu’un autre chef Surui, dénommé Iptabira Surui (encore vivant, ancien guerrier, qui avait 16 ans lors du « contact » de 1969) a fait partie du « front de résistance » à l’ouverture de la route BR 364, front créé par le fameux Chico Mendes (qui lui avait par ailleurs réussi à stopper sa construction dans le petit état brésilien d’Acre voisin).

Après la construction du premier « serpent » routier, la BR 364, qui saigna au propre et au figuré ce peuple vierge de la forêt éponyme, les années 80 furent celle de l’exploitation anarchique et  irraisonnée des riches essences boisées amazoniennes par les « blancs » venus du sud du pays. Dès les années 90, des indiens,  appâtés par des gains « en cash » et déracinés de leur mode de vie frugal, se laissèrent pervertir dans un cercle vicieux de profits rapides en devenant des alliés des agents de la déforestation, donc de la destruction de leur propre tissu vital de toujours.

A la fin du XXe siècle, après la résistance menée par Chico Mendés et avec l’émergence d’ONG et associations de défense de l’environnement, le devenir de la forêt amazonienne, « bien mondial » (ce que conteste le géant Brésil,…et on pourrait le comprendre…s’il n’y a pas compensations ad hoc), plusieurs associations écologiques virent le jour localement, comme la « KANINDE de Défense Ethno-Environnementale » (Kanindé de Defesa Etno-Ambiental) et la PACA ou « Protection Environnementale du Cacao » (Proteçao Ambiental Cacaolense). La lutte contre les excès de l’industrie du bois amazonien, au Rondonia et dans les états voisins, entrait dans sa phase opérationnelle active. Depuis 2000, l’action a encore été amplifié grâce au charisme du chef Almir Surui et l’écho rencontré hors des frontières de l’état du Rondonia et du Brésil, jusqu’en Amérique du Nord et en Europe notamment.

Durant la première décennie du XXIe siècle, le peuple Surui dans sa grande majorité a ainsi réussi à se protéger des excès de l’avancée « dé-forestière » et à rester dans son cadre ancestral. Il a su également  diversifier ses sources de revenus par une pisciculture moderne (comme nous allons le voir ci après), les cultures de café pour la vente et l’artisanat tiré des produits de leur forêt. Et beaucoup plus étonnant encore (pour nous) à adopter aisément en les pliant à ses besoins certaines technologies hyper-modernes : Internet, smartphones, GPS, présence sur le marché mondial des crédits carbone, etc.

Nos concitoyens viennent d’en faire la découverte il y a quelques jours grâce aux reportages d’une équipe de TF1 (vidéos) et à un article du quotidien « Libération » :

Le film de la TV française montre de manière saisissante l’utilisation de l’Internet (satellites et GPS, Smartphones, etc.) pour la géolocalisation de bancs de poissons, comme aide à la pêche traditionnelle, et la détection en temps réel des potentielles infractions et atteintes au patrimoine forestier.

C’est la société Google qui a fourni « google earth » et smartphones (mais Google n’est là qu’un simple fournisseur, pas leur partenaire, ce qui leur laisse entière liberté d’action), après que le chef Almir a par référendum obtenu de son peuple « un consentement préalable et informé ».

  • Article de « Libé » du 21 juin 2012 : « Les indiens SURUI cueillent les crédits Carbone » 

On y apprend (en se pinçant quand même !) que les Suruis d’Amazonie s’emploient, depuis 2010 avec la fin de la déforestation chez eux,  à vendre sur le nouveau marché mondial concerné des « crédits carbone » par le mécanisme REDD (pour « réduire les émissions de CO2 de déforestation ») pour les surfaces et volumes de forêt épargnées par leur action volontaire sur leurs propres terres, qui totalisent 250 000 hectares. Pourront ainsi être générés l’équivalent de plus de 7 millions de tonnes de CO2 équivalent, pour une valeur estimée à 37 millions de $ (sur 30 années) : un pactole pour le peuple Surui ! Ainsi le chef a t’il pu convaincre tout un peuple que « ce n’est plus la destruction de la forêt, mais au contraire sa préservation qui va générer des revenus ».

Le chef Almir Surui est encore le président d’associations, telle « Metareila », dont on découvre le profil et les actions en termes de gouvernance par exemple sur le site : www.paiter.org

Le peuple Surui est engagé dans la mise en place d’un Parlement Surui et ce peuple joue depuis une décennie au moins un rôle primordial dans la réorganisation des peuples amazoniens indigènes. A la fois sur le plan de l’inter ethnicité harmonieuse que de la protection des écosystèmes fragilisés par l’avancée au XXe siècle de la « civilisation occidentale ». Ils ont su par ce rôle de coordination d’ethnies variées stopper la déforestation provisoirement du moins, ce que les gouvernements des états amazoniens et fédéral n’avaient pas réussi à faire, cédant devant les lobbies puissants et les infractions irréversibles.

L’association suisse « Aquaverde » met au service des Suruis des moyens et des conseils, ce qui leur rend bien plus facile la continuation de cette œuvre de préservation des milieux de vie amazoniens. Aquaverde met aussi en ligne pour vous si vous le souhaitez un système d’achats d’arbres à sauver pour le bénéfice du peuple Surui : connectez-vous seulement au site suivant, et suivez leurs instructions très simples (une belle idée de cadeau !)

Dans BELEM (3 millions d’habitants), la capitale équatoriale du gigantesque état brésilien du PARA, historique port fondé par les Portugais à l’embouchure sud du fleuve Amazone, le prestigieux centre de recherches pluri disciplines, appelé « Museu GOELDI » (rattaché au Ministère fédéral des Sciences et Techniques) a signé avec l’association Metareila susnommée un accord de coopération scientifique pour sauvegarder la production orale et la Culture des Suruis (« Convenio de cooperaçao cientifica » )

Beaucoup d’autres actions sont en gestation chez ces Indiens et dans des ethnies voisines géographiquement, comme les Gaviaos (proches des Indiens Mondé décrit par Levi-Strauss en son temps). Ceux-ci ont développé une filière d’exploitation de l’huile de « copaïba », un des très nombreux produits des arbres de leur forêt, qu’ils chercheront désormais à préserver aussi farouchement que leurs voisins Suruis, avec les moyens les plus modernes de communication, surveillance et distribution.

L’Amazonie s’est réveillée au début du XXIe siècle, et c’est grâce à ses peuples amérindiens eux-mêmes, pas à ses « découvreurs », pas aux gouvernants !

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