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Bougies parfumées, huiles essentielles, bâtons d’encens... ces désodorisants vendus comme "naturels" et pourtant responsables de milliers de morts en Europe
©Pixabay

Tueurs sournois à domicile

Phénomène méconnu, la pollution intérieure serait responsable de 99 000 décès par an en Europe. Les techniques pour la faire diminuer sont pourtant très simples.

Pierrick Hordé

Pierrick Hordé

Pierrick Hordé est médecin allergologue, coauteur du "Livre noir des allergies"(L'Archipel), étudie les ressorts de la pollution intérieure.

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Atlantico : La pollution intérieure est-elle un phénomène connu du grand public ?

Pierrick Hordé : Non. Contrairement au tabagisme passif par exemple, c'est le type de pollution le plus méconnu, tant par le grand public que par les professionnels de santé.

Sachant que l'on passe 80% de notre temps dans nos bureaux et notre habitation, il faudrait organiser des campagnes d'information à ce sujet, car trop de personnes ignorent encore complètement l'existence même de la pollution intérieure.

Quels sont les éléments qui polluent l'atmosphère des lieux d'habitation ?

La pollution intérieureprovient d'abord des produits qu'on diffuse chez soi, comme les bougies parfumées, le papier d'Arménie, l'encens, les huiles essentielles, etc. Ces produits masquent les odeurs, mais émettent aussi des composés organiques volatiles polluants. 

Il faut faire très attention à ce genre de marchandises, car elles sont souvent "marketées" comme étant naturelles, ce qui rend difficile au client de faire le lien avec le fait qu'il s'agit d'un produit certes naturel, mais qui est tout de même polluant. De plus, les notices conseillent bien souvent d'utiliser ces produits le plus régulièrement possible, ce qui augmente les doses diffusées dans l'atmosphère intérieure et donc aggrave le problème.

Après, il faut aussi savoir que beaucoup de produits utilisés au quotidien sont toxiques pour l'atmosphère intérieure, comme les cheminées à foyer ouvert, les cuisinières à gaz, les peintures, les vernis, les colles, les produits d'entretien, les détachants, les laques pour les cheveux ou encore les déodorants.

99 000 décès par an en Europe seraient dus à la pollution intérieure. Quels sont les impacts de la pollution domestique sur la santé ?

La pollution intérieure peut provoquer une irritation du nez, de la gorge et des yeux, mais aussi aggraver ou faire naître de l'asthme, provoquer des cancers (le formaldéhyde, soit l'une des substances chimiques les plus fréquentes dans la composition des produits ménagers d'intérieur, a par exemple été classée comme cancérigène par l'OMS), ainsi que des épisodes de fatigue, de nausées, d'eczéma qui dépendent du type et des concentrations de polluants ainsi que de la durée d'explosion.

Concernant le chiffre avancé des 99 000 décès par an en Europe, il faut avoir conscience que beaucoup de ces décès ne sont pas dus uniquement à la pollution intérieure, qui constitue plutôt dans la plupart des cas un facteur aggravant de maladies déjà installées.

Y a-t-il des catégories de population qui sont plus menacées par la pollution intérieure que d'autres ?

Tout à fait : les femmes enceintes, les enfants en bas âge, les asthmatiques, les allergiques (soit un tiers de la population française), les personnes âgées et les personnes souffrant de maladies chroniques ou de pathologies lourdes.

Comment peut-on lutter contre cette pollution intérieure ?

D'abord, il faut cesser d'acheter des produits polluants. Pour ce faire, il faut analyser de nouveaux étiquetages sur les marchandises, qui les classent dans 4 catégories : A+, A, B et C, le A+ signifiant que le produit ne pollue pas l'air, ou presque pas. Il ne faut acheter que des produits A+.

Ensuite, les habitations et les bureaux sont globalement trop isolés et pas assez aérés, surtout en hiver où il pleut et il fait froid, ce qui condense et fait stagner la pollution domestique, donc augmente sa toxicité. Il faut aérer son lieu de vie en moyenne une heure et demi par jour.

Enfin, il faut aussi ne pas trop chauffer son intérieur, car les acariens se développent beaucoup plus quand il fait chaud. Ces immeubles où les appartements sont encore tous chauffés collectivement durant tout l'hiver à 23 degrés sans tenir compte des changements climatiques d'un jour sur l'autre sont très mauvais pour la qualité de l'air intérieur.

La pollution intérieure est-elle plus nocive que la pollution atmosphérique extérieure?

Il existe beaucoup moins d'études que sur la pollution atmosphérique et sur les particules fines. La multiplication des nouveaux produits utilisés chaque jour nécessiterait plus d'études pour évaluer leurs risques.

Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit d'un phénomène dangereux pour la santé que les médecins doivent détecter, et sur lequel les pouvoirs publics doivent communiquer. Chez les allergologues, cela fait désormais partie de notre interrogatoire santé depuis deux, trois ans, et nos patients sont toujours très surpris d'apprendre qu'ils ont des produits toxiques chez eux.

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