'Old Enough!', l’émission de télé-réalité qui incite les parents à laisser leur enfant de 4 ans aller faire les courses seul<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
'Old Enough!', l’émission de télé-réalité qui incite les parents à laisser leur enfant de 4 ans aller faire les courses seul
©

Bonne ou mauvaise idée ?

Une vieille série de télé-réalité japonaise Old enough ! est en train de connaître une seconde jeunesse à l’international grâce à Netflix. On y voit des enfants entre 3 et 6 ans aller faire des courses, seuls, pour la première fois, sous le regard des caméras.

Gilles-Marie Valet

Gilles-Marie Valet

Le Docteur Gilles-Marie Valet est psychiatre et pédopschychiatre à Paris, où il exerce en cabinet privé. Il dirige également, en tant que praticien hospitalier, un centre médico -psychologique pour enfants et adolescents dans le sud de Paris. Il a écrit plusieurs ouvrages: "Moi j'aime pas trop l'école" aux éditions Albin Michel ,et chez Larousse: "L'enfant de 6 à 11ans", "l'âge de raison", "se faire obéir sans (forcement) punir" ou "Dites pas ci, dites cela - Toutes les expressions à adopter pour une éducation positive" aux éditions Hugo Doc.

 

Voir la bio »

Atlantico : Qu’est-ce que réussir une action comme aller faire des courses seul peut apporter à un enfant ? Quel peut être le bénéfice pour un enfant d’apprendre ce genre de comportements autonomes ?

Gilles-Marie Valet : Si on parle spécifiquement du fait d’aller faire des courses, j’aurais tendance à dire que cela n’a aucun intérêt pour le développement de son autonomie si cela est fait trop jeune. Cela pourrait même être délétère. L’autonomie est une capacité qui se développe lentement et progressivement. Pour aller faire des courses, il faut que l’enfant sache déjà marcher, parler. On ne va pas demander à un enfant d’apprendre à faire du vélo avant d’apprendre à marcher. C’est possible mais ça n’a pas de sens. Le risque est de développer des compétences isolées plutôt que liées et complémentaires. En lui apprenant à faire des courses, on va plus solliciter sa mémoire que son autonomie – qui est la capacité à se débrouiller seul -. Pour pouvoir développer son autonomie, il faut d’abord avoir développé la capacité à s’adapter à l’imprévisible. Il doit aussi développer des capacités complexes, comme le raisonnement, la planification. Et cela arrive vers 5 ou 6 ans, le plus souvent cela se traduit par la capacité d’un enfant à s’habiller correctement seul. Un enfant de 3 ans commencera par mettre les vêtements les plus visibles en oubliant son slip ou ses chaussettes. Avant de pouvoir aller faire les courses, un enfant va avoir besoin de développer sa capacité à gérer ses émotions. Si l’enfant de trois ans du premier épisode de la série rencontre un chien sur le chemin et prend peur, tout ce qu’il avait appris par cœur va voler en éclat et l’émotion va l’emporter sur le raisonnement, ce qui va le mettre en danger. Par ailleurs, le message n’est pas le bon, puisqu’il dit presque à l’enfant qu’il peut se substituer à l’adulte qui est, normalement, celui qui fait les courses.

À Lire Aussi

En voulant trop protéger les enfants de familles modestes, l’Education nationale ne fait que les pénaliser


Quelles méthodes pouvons-nous utiliser pour développer l’autonomie de nos enfants, si l’on ne veut pas les laisser faire des courses à 3 ans ?


Pour développer l’autonomie des enfants, il faut leur confier des taches : des actions, des réflexions. Il faut montrer qu’on fait confiance à l’enfant. Mais il faut que les tâches soient en rapport avec les capacités de l’enfant. Cela ne veut pas dire simplement ce qu’il sait faire, mais ce qui est en lien avec les compétences déjà développées. A cinq ou six ans, si l’enfant sait compter, on peut éventuellement lui demander d’aller acheter du pain à la boulangerie à quelques mètres de la maison. Il faut une confiance dans les capacités de l’enfant mais aussi dans le lieu où on va lui demander d’expérimenter ses capacités. Il faut aussi que la tâche demandée ait du sens. et il faut aussi accompagner l’enfant pour l’aider à s’améliorer. On peut aussi souligner que l’aide est précieuse, que l’on apprécie faire des choses ensemble. Mettre ou débarrasser la table, aider à faire la cuisine, ranger la chambre, etc.


Avons-nous trop tendance à délaisser le temps de solitude et d’autonomie à être trop protecteur ou dans la surveillance ?

Nous sommes dans une situation paradoxale, on a le sentiment de surprotéger nos enfants car on va limiter leurs sorties, peu faire confiance à l’extérieur. Mais on leur laisse une grande autonomie sur des espaces bien plus dangereux comme internet et les réseaux sociaux. Les jeunes sortent moins, expérimentent moins leur autonomie « à l’air libre » mais se retrouvent livrés à eux-mêmes sur ces espaces. D’autant que ce sont des espaces qui ne délivrent pas forcément des compétences autonomisantes pour les jeunes. Puisqu’ils maitrisent déjà ces technologies, elles ne vont pas être productrices d’autonomie chez la plupart des enfants.

Gilles-Marie Valet a publié "Dites pas ci, dites cela - Toutes les expressions à adopter pour une éducation positive" aux éditions Hugo Doc.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !