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Boeing en Iran, ou quand le droit est au service du patriotisme économique
©Reuters

Might is right

Boeing vient de signer un contrat majeur avec la compagnie nationale iranienne "Iran Air" portant sur la vente de cent aéronefs. Si en soit cette affaire ne soulève pas de soucis particuliers, il n’est en revanche pas anodin que le contrat Airbus pour 118 avions n’ait pas encore été matérialisé faute de licence américaine.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Chacun sait que "droit", "loi", "équité" et "justice" englobent des réalités différentes et que malheureusement ces notions ne représentent pas la même chose. C’est ainsi que l’on peut se retrouver face à un "droit" fondé sur une "loi" qui rend "justice" sans "équité". Ou pire. Il peut même y avoir des lois qui ne servent qu’à faire avancer les intérêts partisans d’un pays au détriment des intérêts légitimes d’autres. Le droit devenant de la sorte l’instrument d’une hégémonie ou d’un favoritisme économique. C’est ce qui a été constaté dans la récente affaire Boeing en Iran. On vient d’apprendre que Boeing vient de signer un contrat majeur avec la compagnie nationale iranienne "Iran Air" portant sur la vente de cent aéronefs. Si en soit cette affaire ne soulève pas de soucis particuliers il n’est en revanche pas anodin que le contrat Airbus pour 118 avions n’ait pas encore été matérialisé faute de licence américaine. Ainsi, s’il est vrai que les sanctions frappant l’Iran du fait du nucléaire ont été levées, il n’en demeure pas moins que celles américaines frappant ce pays restent en place. Etonnamment, le département du Trésor a maintenu la compagnie iranienne Mahan Air, dont la flotte est quasi exclusivement composée d’Airbus, sur la liste dites "specially designated nationals" alors que la compagnie nationale dont la flotte est presqu’intégralement constituée de Boeing n’y figure pas.

L’inscription sur cette liste signifie que quiconque traiterait avec une entité y figurant est susceptible d’être sanctionné par les Américains. De la sorte, le client principal d’Airbus se trouve hors circuit. Ensuite, même si Airbus se positionnait sur des clients ne figurant pas sur cette liste, il lui appartient néanmoins d’obtenir une licence auprès de l’OFAC (Office of Foreign Asset Control) qui est une administration du département du Trésor américain car ses avions comportent des pièces américaines. Or, la demande de licence d’Airbus cinq mois après sa formulation n’est toujours pas accordée. Pendant ce temps Boeing, société américaine, s’il en est, a le champ libre pour prospecter et vendre ses avions. Il ne fait aucun doute, en revanche, que l’administration américaine ne bloquera pas la vente des avions Boeing à Iran Air.

C’est ainsi flagrant que les Etats-Unis utilisent leur droit interne pour faire avancer l’intérêt de leurs champions industriels au détriment de ceux de la concurrence. Cette situation a pour conséquence, dans le cas iranien, de maintenir de fait l’effet des sanctions qui sont censées avoir été levées. Aucune banque majeure européenne ou asiatique ne se risque à assurer ni le flux financier en Iran ni le financement de projets alors même que ces transactions sont autorisées dès lors qu’elles se font en une devise autre que le dollar transitant par les Etats-Unis. Il est vrai que l’affaire de la BNP et l’amende de 9 milliards de dollars qu’elle a payée aux Américains est passée par là.

La crainte des remontrances américaines est telle que la levée juridique des sanctions n’a pas encore matérialisé le retour économique de l’Iran dans le concert des nations. Cette situation est à même de mettre en danger l’accord nucléaire du 14 juillet dernier en renforçant la position des milieux conservateurs en Iran qui reprochent au Président Rouhani le peu de retombées économiques que l’accord nucléaire a apporté en Iran. L’enjeu est de taille car nous sommes à un an des élections présidentielles dans ce pays.

Pareillement, à l’autre bout du monde en Asie dans la mer de Chine méridionale, on constate que le droit maritime international est bafoué au quotidien par la Chine qui a tendance à regarder cette mer de Chine du Sud davantage comme un lac intérieur que comme une voie d’eau internationale avec pour effet de limiter voir d’interdire la pèche ou les explorations offshore des gisements miniers d’hydrocarbures par d’autres pays riverains comme les Philippines ou le Vietnam.

In fine, cette situation démontre une nouvelle fois que l’adage américain "might is right" ou le "pouvoir a raison" est bien d’actualité.

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