Bioterrorisme et piratage de gènes humains : il n’y a pas encore de raison d'avoir peur mais il faudra compter avec dans les années à venir <!-- --> | Atlantico.fr
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Le risque essentiel est de manipuler des germes susceptibles de se développer et de sortir du laboratoire sans quel l’on puisse les contrôler.
Le risque essentiel est de manipuler des germes susceptibles de se développer et de sortir du laboratoire sans quel l’on puisse les contrôler.
©Reuters

Prudence est mère de sûreté

Aux Etats-Unis, des chercheurs mènent actuellement des études de modification génétique d'agents infectieux ou de vecteurs d'infection afin de trouver de nouvelles façons de soigner. Mais ces essais ne sont pas sans risque et le bioterrorisme peut se nourrir de ce type de recherche.

François Bricaire

François Bricaire

François Bricaire est un médecin. Il est chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est professeur à l'Université Paris VI-Pierre et Marie Curie.

 

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Atlantico : Des scientifiques américains travaillent sur des techniques de modifications génétique pour résoudre des problématiques environnementales. Quels sont les dangers représentés par ce type de recherches, notamment en termes de bio terrorisme ?

François Bricaire : Le risque essentiel est de manipuler des germes susceptibles de se développer et de sortir du laboratoire sans quel l’on puisse les contrôler. La question est donc de savoir si la sécurité des laboratoires est suffisante, pour permettre de ne jamais avoir une sortie d’agent infectieux, et plus spécifiquement sur un agent modifié.

L’objectif des agents modifiés n’est pas, au départ, quelque chose de négatif. Mais il peut aussi être utilisé de façon négative et c’est dans ce cadre-là que les risques deviennent importants si on ne maîtrise pas parfaitement la sécurité des laboratoires.

Par conséquent, normalement, les biologistes et le personnel des laboratoires font ce qui est nécessaire pour protéger leur laboratoire : les souches qui sont manipulées sont enfermées, avec des conditions de sécurité importantes et l’accès aux locaux eux-mêmes est fortement encadré grâce à des contrôles d’identité, des codes de plus en plus sophistiqués, des ouvertures de portes via empreintes digitales ou oculaires, etc. Ceci afin d’empêcher qu’un individu mal intentionné ne puisse pénétrer à l’intérieur et ne s’empare d’un certain nombre de souches. Il pourrait en effet les répandre dans la nature et contaminer des personnes sans qu’on n’ait de traitement pour les soigner.

Toutefois, je rappellerai que, de façon générale, l’utilisation d’agents infectieux pour faire du bio terrorisme n’est pas simple, il y a des tas de conditions à respecter. 

La manipulation de telles armes biologiques demeure compliquée, par conséquent, cette crainte est-elle avérée ? A quelle échéance un tel risque peut-il se matérialiser ?

Cela s’est déjà vu, mais cette manipulation s’avère tout de même difficile. Obtenir une nouvelle souche est déjà, en soi, un travail compliqué. Deuxièmement, il faut pouvoir les manipuler, avoir des laboratoires ad hoc, et cela aussi est compliqué. D’où l’intérêt pour le vol de souches déjà obtenues par des microbiologistes.

Mais la difficulté vient aussi du fait que le transport d’une souche de manière sécurisé n’est pas évident. Même pour un bio terroriste, il s’agit de réussir à s’assurer de transporter cette souche jusque dans le lieu choisi et de réussir à la répandre. Sans oublier que le bioterrorisme comporte un risque boomerang. Les terroristes maîtrisant mal la circulation du virus, ils sont susceptibles d’agresser des personnes leur étant favorables.

Autrement dit, le risque microbiologique, bactériologique, existe mais il est moins important que le risque biologique de type chimique. Utiliser des bombes chimiques est plus facile, plus maîtrisable. D’ailleurs, c’est ce qu’a montré l’expérience de la secte japonaise Aoun, qui a essayé d’utiliser des armes microbiologiques et cela a échoué à chaque fois, elle s’est ensuite rabattu sur l’arme chimique avec le gaz sarin. En fait, le principal agent du bioterrorisme, et le seul ayant été un peu utilisé, est le bacille du charbon, aussi appelé anthrax par les anglo-saxons. Des Américains ont d’ailleurs déjà reçu des enveloppes en contenant.

Comment peut-on prévenir et se protéger face à une éventuelle attaque bioterroriste ? 

Outre la protection des laboratoires évoquée précédemment, des règles peuvent être imposées aux chercheurs. A travers le monde, des autorités peuvent décourager des équipes à continuer des recherches une fois qu’ils sont arrivés à un stade limite au-delà duquel elles risqueraient de devenir dangereuses. En France, c’est par exemple le cas de l’Inserm.

Par ailleurs, les rédactions en chef des revues scientifiques reconnues comme Science ou Nature peuvent décider de ne pas publier des résultats si elles estiment que cela pourrait être dangereux de les mettre à disposition du public et/ou pour des raisons éthiques.

Et de toute façon, pour chaque article scientifique, il y a des reviewer c’est-à-dire des experts sollicités par la rédaction, chargés d’analyser, de donner des critiques, et de faire des propositions de modifications avant la publication. Eux aussi peuvent donc alerter sur des publications dangereuses, qu’il faudrait s’abstenir de publier.

Inversement, d'autres applications existent, positives cette fois, comme la lutte contre la malaria. Ainsi via une modification génétique des moustiques d'une zone géographique, ceux ci sont empêchés de transmettre la maladie. Quels autres "bienfaits" peut-on en attendre ? Le fait d'intervenir ainsi sur l'environnement est-il inédit ?

Globalement, le fait de modifier des agents infectieux se fait en particulier pour préparer des vaccins. En général ce sont des modifications dans un sens positif, pour essayer de diminuer l’intensité d’agressivité d’un agent infectieux ou au niveau des vecteurs.

Concernant l’exemple de la malaria, c’est un peu particulier car cela concerne de la manipulation génétique pour modifier des moustiques, on ne modifie pas précisément  le plasmodium responsable du paludisme. Dans ce cas, on modifie le vecteur pour faire en sortes qu’il devienne stérile.

Au-delà de ces exemples, on pourrait très bien imaginer des modifications de flore, du tube digestif par exemple, pour empêcher ou gêner le développement de mauvaises bactéries.

Propos receuillis par Adeline Raynal

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