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Besoin d'une boussole ou d'un dictateur ? Les présidentielles ne sont plus du tout ce qu'elles étaient
©Reuters

Assez d’électoralisme !

Rien ne fonctionne dans notre système, et pour cause : l'électoralisme encourage à toutes les lâchetés. Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

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Comment les Français ne se sentiraient-ils pas déboussolés quand en moins de deux semaines le président de la République s’est vu obligé de retirer, successivement, son projet de réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité, et faute d’avoir tenté d’en expliquer les motifs de laisser l’Assemblée Nationale soumettre la loi El Khomri à la torture de mille amendements.

Oublieux de la finesse du jugement politique du chef de l’Etat qui l’a amené, fin 2012, là où personne ne l’attendait - le Palais de l’Elysée - les médias et les réseaux sociaux ont interprété ces retraits comme des échecs susceptibles d’empêcher M. Hollande d’envisager sa réélection. Peut-être auraient-ils pu penser qu’il est quelque peu prématuré de croire, sur ce sujet, que les jeux sont déjà faits.

Quoi qu’il en soit, on a toutes les raisons de craindre que le texte final n’offre plus au Code du Travail la flexibilité, initialement prévue, qui restituait aux victimes du chômage l’espoir de retrouver un emploi.

Constat désolant puisque cet échec, s’il se confirme, en serait un pour la crédibilité de notre pays, et ferait trois grands perdants, deux au plan microéconomique, les chômeurs et les entreprises, et un troisième, le Gouvernement, en prouvant une fois encore son incapacité d’adopter une politique répondant aux contraintes d’un environnement mondial impacté par la révolution numérique et le caractère chaotique de turbulences géopolitiques semant le désarroi dans l’opinion, et alimentant une grogne de caractère populiste. 

On en voudra pour preuve la facilité avec laquelle les syndicats ont fait descendre et maintenu dans la rue des jeunes dont la diversité des slogans démontre à quel point ils sont en mal d’avenir.

Ce phénomène n’est pas spécifique à la France mais chez nous le gouvernement craint le caractère difficilement répressible des manifestations de la jeunesse. 

Inquiétude historiquement justifiée depuis qu’au XVIIIe siècle, celui des Lumières, les idées ont affirmé leur primauté sur la réalité. Prédominance qui a fait de la Fuite à Varennes une des causes de la Révolution.

Révolution qui, en gommant l’esprit critique d’un Voltaire, a tué la liberté de pensée au nom de sa défense. Avec des variantes Napoléon a poursuivi sur cette lancée, Charles X a introduit un peu de libéralisme et Louis-Philippe une miette de social. Quant à Napoléon III, il a reprit plus ou moins la ligne de son célèbre ancêtre. La République, née dans le sang du 4 Septembre 1870, a, enfin, fait le lit d’une liberté intellectuelle qui a perduré non sans connaitre quelques avatars.

Le plus important est celui représenté par Marx, qui en publiant en 1867 Le Capital, a confronté une bourgeoisie, économiquement toute puissante, représentant ce que Guizot a nommé "le pays légal".

Bourgeoisie qui outragée par la suppression du monopole de l’Eglise sur l’Education a réagi en imposant "le bien pensant" comme règle inflexible de sa manière de voir les choses et de les vivre.

Le politiquement correct était né.

Le mépris bourgeois pour l’économie a eu pour conséquence négative de ne susciter, chez les brillants publicistes combattant à l’époque pour ou contre la laïcité, aucun corpus idéologique répondant, pour le grand public, à la critique marxiste du capitalisme. 

Les Lumières se sont éteintes. L’absence d’une doctrine répondant à celle de Marx permet aujourd’hui aux syndicats, n’ayant guère plus de 5% d’adhérents, de mettre en œuvre la vulgate marxiste, et ainsi de de s’opposer à toutes les mesures susceptibles de réduire le nombre des sous-emplois.

L’augmentation du pouvoir d’achat des chômeurs de retour au travail aurait donné un coup de fouet à l’économie et à celle de l’Union Européenne qui, avec ses 500 millions de consommateurs, est un pôle économique dont la mise en valeur du potentiel porterait sa création de richesses et son influence dans le Concert des nations, à un niveau permettant une confrontation d’égal à égal avec les Etats-Unis.

Cette dénonciation de la faiblesse du gouvernement de gauche, aux affaires pour encore un peu plus d’une année, n’exclut pas une critique identique de la précédente présidence.

L’existence de deux manières différentes de gouverner a eu l’intérêt de prouver que la mondialisation n’a pas supprimé la primauté du politique sur l’économie. En France, où le poids de la dépense publique, sous une forme ou sous une autre, représente plus de 57% du PIB, la réduire sera un travail de Sisyphe. 

Le fonctionnement de la démocratie évoque un peu partout dans l’Occident des critiques, en partie dues au fait que la place donnée par les médias aux élections et aux candidats introduit un facteur de distorsion rendant difficile l’exercice de leurs fonctions par les élus de tous les niveaux.

En France le débat sur la présidentielle de mai 2017, en débutant avec près de deux ans d’avance, a eu pour effet de démontrer que le Gouvernement ne peut plus prendre une décision qui ne soit dépecée par les candidats, ajustant leurs promesses électorales au jour le jour, en fonction de ce qu’ils glanent et de ce qu’ils dénoncent sur les écrans TV.

Il est devenu évident d’autre part que le pouvoir, confronté à cette situation, modèle ses décisions sur ce qu’il perçoit être l’opinion du moment et les modifie s’il est dans l’erreur.

Il s’en suit une dégradation de l’autorité au plus haut niveau de l’Etat qui en provoquant la grogne de la base, crée une ouverture à un pouvoir autoritaire. 

Le moyen de mettre fin au désordre ambiant et par voie de conséquence à cette menace serait de libérer le chef de l’Etat de toutes préoccupations électorales en remplaçant le quinquennat par un septennat non renouvelable.

La durée du mandat, liée à l’interdiction mentionnée offrirait au Président, dès sa prise de fonction, l’autorité sécrétée dans l’opinion par la conviction que son premier souci sera la défense de l’intérêt général. Conviction lui permettant, à condition d’agir avant qu’elle ne s’émousse, de mettre en œuvre les réformes nécessaires.

Ce progrès considérable pour être capitalisé suppose une harmonie entre la majorité parlementaire et le Président.

On a vécu des quiproquos, à l’époque où Chirac était Président et Jospin Premier Ministre, notamment internationaux, ayant eu des effets simultanément hilarants et pervers sur la crédibilité de la France.

De ce point de vue, la sagesse impose une seconde réforme de la Constitution de 1958 i.e. la suppression du Premier Ministre.

Dans un régime présidentiel le Président décide, constitutionnellement, en dernier ressort ce qui fait du Premier Ministre un collaborateur, comme l’a dit un jour le Président Sarkozy à son Premier Ministre, Monsieur Fillon.

L’Amérique, la plus ancienne démocratie présidentielle, n’a jamais eu de Premier Ministre. Etat de chose qui n’empêche pas le blocage du système comme c’est le cas aujourd’hui quand le Congrès et le Sénat disposent d’une majorité opposée à celle de l’Exécutif. 

Ces propositions n’ayant aucune chance de voir le jour, du moins dans un proche avenir, la France va continuer à vivre sa vie d’une façon dont on espère qu’elle ne se détériorera pas plus qu’elle ne l’est avant Mai 2017.

Quant à ce qui se passera après cette élection présidentielle, le coefficient d’imprévu n’ayant jamais été aussi élevé aucun commentaire n’est possible. 

Il reste à espérer que la légère embellie que connait l’économie française perdurera et que les esprits ne s’échaufferont pas au-delà de leur niveau actuel. Un accroissement d’agitation conduirait à une situation dont il est difficile d’anticiper les conséquences.

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