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Benjamin Netanyaou, renaissance de phénix ou victoire à la Pyrrhus
©JACK GUEZ / AFP

Elections

Michel D'Harez revient sur les récentes élections en Israël et sur les conséquences du scrutin pour Benjamin Netanyaou, malgré ses récentes difficultés judiciaires.

Lundi dernier, 2 mars, les Israéliens se sont rendus pour la troisième fois en un an aux urnes pour élire les membres de leur Parlement, la Knesset. Nombreux étaient les observateurs qui pensaient que la lassitude allait prédominer le scrutin, et que le pays allait s’acheminer vers un nouveau blocage et un quatrième round.

Il n’en fût rien. Les électeurs se sont mobilisés et ont envoyé un message clair en faveur de Benjamin Netanyaou, nonobstant ses problèmes judicaires. Néanmoins, la victoire risque d’être courte.

Le taux de participation est la première surprise du scrutin. En un an, elle n’a cessé d’augmenter :

- Plus de 4 300 000 israéliens avaient voté le 9 avril, soit une participation de 67,9 %

- Le 17 septembre dernier, elle s’est située à 69,4 %

- La participation est montée à 70,5 % lundi, grâce à une forte implication des électeurs de droite et des villes arabes.

La progression du taux de participation démontre la vitalité de la démocratie israélienne, et l’absence de lassitude des électeurs israéliens.

Les gagnants

  • Le Likoud, et surtout son chef Benjamin Netanyaou

Même si elle n’est que relative, la victoire de Benjamin Netanyaou se situe à trois niveaux :

  • Le Likoud a 3 sièges de plus que « Blanc Bleu »
  • Le Likoud obtient 5 sièges de plus qu’en septembre
  • Le Likoud progresse alors que ses alliés reculent légèrement

Tel Phénix renaissant de ses cendres, Benjamin Netanyaou n’a jamais baissé les bras, et dépassé toutes les adversités : défaite aux élections de septembre, mise en examen sur trois dossiers pour corruption, fraude et abus de confiance, refus de la formation Bleu-Blanc de constituer une coalition avec lui, impossibilité de poursuivre une procédure de demande d’immunité, contestation interne avec nécessité d’organiser une primaire, certes gagnée mais avec un challenger qui a réuni 27,54 %...

Il a déployé une activité hors du commun, tant à l’international (présentation du « deal du siècle » à Washington, voyage à Moscou pour obtenir l’élargissement d’une israélienne arrêtée pour détention de drogue alors qu’elle était en transit à l’aéroport de la capitale russe, visite surprise à Khartoum pour l’établissement de liens avec le Soudan…) qu’en interne avec une présence sur le terrain de tous les instants…

Dans le même temps, Benny GANTZ sortait peu de chez lui, ne recherchait pas les plateaux de télévision…, au point d’apparaître comme la tortue de la fable de Jean de la FONTAINE. C’est le lièvre qui a gagné « contre toute attente », comme NETANYAOU l’a lui-même déclaré.

Ce résultat a surpris tous les acteurs et citoyens, même si des signes annonciateurs étaient apparus au cours des derniers jours. Néanmoins, cette victoire est étriquée puisqu’il n’obtient pas les 61 sièges nécessaires pour constituer une coalition. Il est aujourd’hui confronté à au moins deux problèmes :

  • Trouver 3 candidats acceptant de le rejoindre et dépasser ses ennuis judiciaires
  • Patienter quelques jours pour avoir la décision de la Cour suprême pour savoir si un député mis en examen peut être désigné par le Président pour devenir premier ministre, et former un gouvernement.

La situation est compliquée avec la position d’Avigdor Liberman qui a, selon les dernières informations, conclu un accord avec Benny Gantz qui aurait accepté toutes ses conditions : service militaire pour les orthodoxe, fonctionnement des transports en commun le jour du Chabat.

Homme de droite, Avigdor Liberman devra expliquer comment il peut soutenir, avec ou sans participation, un gouvernement comprenant des représentants de Meretz, soutenu explicitement ou implicitement par la liste arabe unifiée !

L’alternative au bloc de droite regroupe Blanc-Bleu, Avoda, Meretz, et Israël Beitenou, avec le soutien de la liste unifié arabe ; cela constitue un ensemble sans cohérence tant sur politiques internes que sur le processus de paix. Le seul point commun est le refus de Benjamin Netanyaou.

  • Les arabes israéliens ont obtenu un score historique.

Ils n’ont pas commis l’erreur de la désunion, comme en avril 2019. En se regroupant déjà pour le scrutin de septembre 2019, les partis de la minorité nationale avaient tiré les enseignements du précédent scrutin ; avec deux listes, ils n’avaient obtenu que 10 sièges contre les 12 traditionnellement obtenus lors des précédents scrutins et hier.

Le bon score de septembre dernier avec 13 sièges a largement été dépassé lundi avec 15 députés, grâce à une exceptionnelle mobilisation. Plusieurs facteurs expliquent de résultat :

  • L’opposition au « deal du siècle », et plus particulièrement à la perspective du rattachement au futur État palestinien du triangle des villes arabes situées autour d’Umh el Faham, foyer du nationalisme palestinien. Les arabes israéliens soutiennent la cause palestinienne, mais ne veulent pas vivre dans cet État !
  • Signe de leur intégration dans la société israélienne, les arabes d’Israël veulent participer à la vie démocratique israélienne. Avec l’échec de la division d’avril, leurs responsables politiques arabes ont parfaitement intégré la règle couperet du minimum des 3,25 % des suffrages, et ont constitué un vrai parti d’opposition.
  • Les arabes israéliens, et plus particulièrement les femmes et les jeunes, souhaitent que leurs préoccupations quotidiennes soient prises en considération, notamment en matière de sécurité, d’emploi et de logement.
  • L’effondrement de la gauche. Nombreux étaient les arabes israéliens qui votaient pour le parti travailliste ; comme beaucoup d’autres électeurs israéliens, ils l’ont abandonné. En revanche, ils convient de souligner que de nombreux électeurs arabes votent pour le Likoud.

Il faudra compter avec ce fait politique, et le futur gouvernement devra répondre aux attentes sécuritaires, économiques et sociales de cette partie de la population.

Certains responsables de cette liste n’hésitent pas à affirmer qu’ils ont remplacé la gauche. C’est un véritable abus de langage, car la liste est un regroupement de toutes les tendance politiques et religieuses, y compris les islamistes.

Les perdants

  • En premier lieu, le rassemblement Bleu-Blanc, et surtout sa tête de liste Benny Gantz. Il a cru que les affaires allaient handicapé Benjamin Netanyaou, et qu’il ne fallait pas faire campagne pour ne pas ne prendre aucun risque. Il s’est laissé complétement débordé par la machine électorale de Netanyaou, et a subi cette campagne.

Dès les premiers sondages sortis des urnes, des responsables du bloc de gauche ainsi que des leaders arabes n’ont pas hésité à le critiquer sévèrement. Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à envisager l’éclatement de « Kakhol-Lavan », « Blanc Bleu », et de la séparation des « trois mousquetaires » Benny Gantz, Yaïr Lapid, Moshé Ayalon, et Gaby Ashkenazy.

Aujourd’hui, le scrutin de lundi est tout autant un succès pour Netanyaou qu’un échec pour Gantz. Le message sorti des urnes est que les Israéliens considèrent que Netanyaou est le seul en mesure de mettre fin à l’impasse politique.

  • Avigdor LIEBERMAN d’Israël Beitenou. Il est responsable de l’échec d’avril. Alors qu’il était parti aux urnes dans le cadre d’une alliance avec le Likoud et le bloc de droite, il n’a pas hésité à changer de démarche en refusant de siéger avec les orthodoxes.

Contrairement au scrutin d’avril, il a signé, pour celui de septembre, un accord de répartition des restes de voix avec Blanc-Bleu, et non avec le Likoud. Il a martelé son opposition à tout gouvernement avec les orthodoxes, et pris fait et cause pour un gouvernement d’union nationale. Il est apparu comme le faiseur de roi, et cherche à le demeurer, au risque de faire des alliances conte nature.

  • L’implosion de la gauche israélienne

En septembre, le camp démocratique, sous la houlette du Meretz de Nathan Horowitz, avait eu 5 sièges ; de son côté, l’alliance du Parti travailliste d’Amir Perez avec Guesher d’Orly Levy-Abecassis, venue du Likoud, avec 6 sièges, avait sauvé les meubles.

Cette fois-ci, les trois tendances se sont regroupées dans le parti uni de gauche, n’ont fait que sept sièges. L’union n’a pas empêché l’effondrement ; cette élection acte probablement la fin du mouvement travailliste qui a été à l’origine de la renaissance de l’État d’Israël. Deux raisons expliquent au moins ce résultat :

  • L’absence de programme. Tous les partis socio-démocrates connaissent, de par le monde, des difficultés à cause de la mondialisation qui impose un corpus idéologique éloigné des valeurs de la sociale démocratie. Les Travaillistes israéliens n’ont effectué aucune réflexion idéologique pour intégrer des idées écologiques ou sociétales, ou pour faire preuve de hardiesse dans le processus de paix avec les Palestiniens. L’indigence de leur offre politique marque la fin de cette famille politique.
  • Des alliance contre-nature. Comment expliquer qu’un parti sioniste comme Avoda s’allie avec un mouvement post-sioniste, comment Meretz ? Que vient faire Orly Lévy-Abecassis, originaire du Likoud dans cet ensemble ? Quel que soit le pays, l’absence de ligne politique claire finit toujours par être sanctionnée par les électeurs.

La course à l’échalote ou victoire à la Pyrrhus

Ou Benjamin Netanyaou arrive à trouver 3 soutiens supplémentaires pour constituer une majorité, ou alors, il aura eu une victoire à la Pyrrhus.

Il est urgent que les responsables politiques israéliens aménagent le mode de scrutin pour permettre de dégager une majorité de gouvernement, en accordant une prime au vainqueur. La proportionnelle intégrale se justifiait pour permettre à toute sensibilité d’être représentée ; cela était important pour consolider un pays composé d’immigrants venant de très nombreux pays. Mais, aujourd’hui, près de 80 après la renaissance de l’État juif, le « melting pot » a fonctionné, et le système peut évoluer…

Au-delà de ces considérations systémiques, si Benny Gantz arrivait à constituer sa coalition hétéroclite, le pays risque de traverser des turbulences politiques.

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