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Belgique : une tragi-comédie politique encore inachevée
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Blague à part

535 jours de crise politique. La Belgique va (enfin) pouvoir former un gouvernement. A la suite d'un accord de principe trouvé mercredi,ce dernier sera dirigé par Eli di Rupo... Mais quel avenir pour le pays, avec une coalition gouvernementale aussi hétéroclite ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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C’est en passe de devenir une nouvelle mode théâtrale : le vaudeville belge - un genre comique où les cocus se savent cocus dès le début de la pièce et s’en délectent avec un sens consommé de l’absurde. Alors que dans tous les pays du monde, il n’est d’élection qui ne soit suivie d’une course vorace vers les maroquins ministériels, ces braves Belges, comme disait César dans la Guerre des Gaules, s’émerveillent de n’avoir mis qu’un an et demi à former un gouvernement. Comme beaucoup de Français sont peut-être un peu perdus dans les multiples rebondissements de ces happenings courteliniens, un petit décodage ne fera pas de mal.

Ce que marché veut, Belge le fait

Croire que le subit remplissage du vide gouvernemental belge par un Elio di Rupo triomphant, lequel avait pourtant jeté très officiellement l’éponge il y a quelques jours, relèverait d’une ultime manifestation de bon sens politique, d’un sursaut d’attachement à la Belgique, serait erroné. L’explication est beaucoup plus simple : samedi dernier, Standard’s and Poor a dégradé la note de la Belgique. Un arbitrage bien plus puissant que les coups de poing sur la table du roi des Belges à la télévision.

L’affaire n’a fait ni une ni deux. Que quelques Wallons tonitruent dans les rues pour dire qu’un gouvernement c’est mieux que pas de gouvernement est une chose.  Qu’Albert de Saxe-Cobourg Gotha tance ses petits élus pour leur demander d’accoucher même d’une misérable souris politique est encore une chose. Mais que la dette souveraine fasse l’objet d’une défiance de la part des agences de notation, voilà qui oblige à changer illico d’acte dans la pièce.

Les Belges avaient alors deux solutions pour réagir à l’injonction éminemment démocratique de Standard’s and Poor. Ils auraient pu choisir un banquier pour former le gouvernement, comme en Italie ou en Grèce. Mais le banquier belge se fait rare, surtout s’il faut qu’il soit un minimum compétent, depuis la faillite de Dexia et l’absorption des banques belges par des groupes français ou néerlandais. Restait l’autre solution : former un gouvernement en bonne et due forme.

Un gouvernement baroque

À la différence de l’Espagne où les urnes ont récemment porté un personnage sérieux et terne au pouvoir, les Belges ont toutefois choisi de rester dans la note comique qui domine le pays depuis plusieurs mois.

Premier élément : on garde l’acteur fétiche, Elio di Rupo, patron du parti socialiste francophone, toujours revêtu d’un sourire harmonié à son nœud papillon, avec son physique à la Adamo (pour ceux qui ont connu les disques vinyles). La presse ne manque pas de souligner que le gaillard est le premier francophone à devenir Premier ministre depuis une trentaine d’années. De fait, le dernier francophone à avoir tenu le poste s’appelait Paul Vanden Boeynants, social-chrétien connu sous le nom de VDB. Il n’était resté que huit mois au pouvoir (d’octobre 78 à avril 79). Est-ce prémonitoire du destin à venir du gouvernement di Rupo ?

Deuxième élément : on reprend la vieille technique du tripartisme totalement obsolète, appelé le verzuiling. Il s’agit de se répartir les postes entre socialistes, sociaux chrétiens et libéraux. Une sorte de gouvernement d’union nationale, avec cette particularité qu’il laisse de côté le premier parti du pays, la NV-A, dont je persiste à dire qu’elle est une résurgence assumée d’un fascisme qui fait froid dans le dos.

Infidélité manifeste

Troisième élément de cette pièce de boulevard : le majestueux bras d’honneur lancé par la communauté flamande au roi des Belges, en date du 30 novembre 2011. Je lis en effet à cette date une dépêche de l’Agence Belga intitulée : "Vlaanderen en Nederland bereiden gemeenschappelijke toekomst voor", c’est-à-dire : "la Flandre et les Pays-Bas préparent un avenir commun".

En fait, le gouvernement régional flamand a établi avec le gouvernement néerlandais un plan de rapprochement à long terme appelé "De lage landen", "Les Pays-Bas", au sens propre ("lag" étant en partie synonyme de "neder"), qui pourrait aussi se traduire par "les pays honteux", dans une autre acception du mot. Ce plan prévoit de multiples coopérations renforcées dans le domaine économique, scientifique et urbanistique. Les mauvais esprits auront noté que le dévoilement de ce plan a eu lieu à Bornem, entre Gand et Anvers, ville qui abrite le domaine de Marnix de Sainte-Aldegonde, fondé à l’époque calviniste par un baron dont on a longtemps dit qu’il fut le parolier de l’hymne national hollandais.

La date du 30 novembre n’est elle-même pas neutre, puisqu’il s’agit de la Saint-André, patron de l’Ordre de la Toison d’Or dont le roi des Belges est l’un des chevaliers. Pendant que Philippe, fils du Roi, se retrouvait rituellement à Bruges, ville de la fondation de l’Ordre, pour honorer le saint et procéder à deux initiations, le gouvernement flamand faisait à sa manière honneur au rite. Car l’Ordre de la Toison d’Or fut créé en 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, pour regrouper la noblesse de ses Etats, considérés en Flandre comme le berceau d’une grande nation flamande incluant les Pays-Bas.

Un geste symbolique qui en dit long sur le sérieux et l’avenir du gouvernement di Rupo.

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