Barbara Pompili : "EELV est un parti à l'agonie, en train de se liquider et de perdre tout ce qui faisait son intérêt dans le monde politique"<!-- --> | Atlantico.fr
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Barbara Pompili
Barbara Pompili
©Reuters / Charles Platiau

Entretien politique

Secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité, Barbara Pompili se confie sur sa loi actuellement en discussion au Parlement. L'occasion pour elle d'évoquer également la situation d'Europe Ecologie - Les Verts, le bilan de François Hollande ou encore le projet de loi El Khomri.

Barbara Pompili

Barbara Pompili

Barbara Pompili est Secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité depuis 2016, après avoir été députée de la Somme et co-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale (2012-2016). Diplômée de l'Institut d'Etudes Politiques de Lille, elle a été adhérente aux partis Les Verts (2000-2010) et EELV (2010-2015), et est aujourd'hui membre du parti Ecologistes!.

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Atlantico : Votre projet de loi sur la biodiversité a fait l'objet de nombreuses discussions à l'Assemblée nationale puis au Sénat. Alors que le parcours législatif de cette loi approche de la fin, quelles avancées concrètes pensez-vous qu'elle apportera à la société française ?

Barbara Pompili : C'est effectivement un projet de loi arrivé à maturité, qui a vécu sa vie. Il y a eu un grand nombre de consultations avec les associations et les acteurs professionnels qui ont participé à l'élaboration, et les parlementaires s'en sont emparés par la suite avec un travail de lecture très dense.

Ce texte est à la biodiversité ce que la loi de transition énergétique est au climat. Avec ces deux textes, la France se dote de deux lois complémentaires qui portent sur les deux enjeux écologiques majeurs du 21ème siècle. Quand ces deux lois auront été votées, nous aurons le cadre législatif le plus avancé et le plus volontariste d'Europe. Restera ensuite la mise en œuvre, bien sûr.

C'est une loi de mobilisation de tous les acteurs concernés, de clarification et de simplification, pour regrouper plusieurs choses dispersées. Elle crée l'Agence française de biodiversité, un outil d'expertise et de pilotage unique au monde et attendu depuis très longtemps.

La loi repose sur trois principes essentiels.

Premièrement, sortir de la vision de la protection de la nature vue comme une juxtaposition de paysages ou d'espèces végétales ou animales. On parle d'interaction et de solidarité écologique. On sort de l'idée de la protection de la nature comme une mise sous cloche de cette nature.

Deuxièmement, mettre en œuvre le triptyque "éviter - réduire - compenser", pour que la biodiversité n'arrive plus comme un élément de blocage à la fin d'un projet. La biodiversité doit être incluse en amont dans la conception des projets.

Troisièmement, on empêche le brevetage excessif par des sociétés privées, ce qui concerne des secteurs considérables (agroalimentaire, cosmétique, pharmacie, etc.). C'est indispensable si l'on veut assurer une visibilité pour les entreprises concernées et un développement économique harmonieux.

Au-delà de ça, l'examen parlementaire a enrichi le texte en ajoutant d'autres éléments tel que le préjudice écologique par exemple. Nous sommes actuellement entre le passage en commission au Sénat et le passage en séance. J'ajoute que le texte issu des travaux de la commission pour le développement durable au Sénat, où le gouvernement n'est pas présent, apparaît assez en retrait du texte issu en première lecture de ce même Sénat. J'en appelle donc au sens de la responsabilité des sénateurs. Nous légiférons ici sur un texte qui concerne le long terme et qui crée un cadre pour l'avenir. Je ne voudrais pas que cela devienne une loi de circonstances plombée par les considérations électoralistes, les campagnes présidentielles, les primaires, etc.

Lors d'un colloque de la Fondation Jean Jaurès à Paris cette semaine, François Hollande a tenu un discours que beaucoup d'observateurs ont assimilé à une entrée en campagne pour 2017. A un an de la présidentielle et alors que la question de la primaire à gauche n'a toujours pas été tranchée, François Hollande est-il le meilleur candidat possible pour la gauche, au-delà du seul Parti socialiste ?

Je constate comme souvent que les observateurs disent ce qu'ils ont envie de dire. C’est vous qui parlez d’une entrée en campagne, pas le président de la République lui-même !

A l'heure actuelle, le plus important réside dans les conditions du débat qui devra se dérouler l'an prochain. On ne peut pas avoir un débat présidentiel serein s'il se déroule dans une atmosphère d'aveuglement collectif, dans un bashing qui empêche de saisir la réalité de la situation de la France.

Je trouve légitime qu'il y ait des critiques, mais on ne peut pas faire de bonnes critiques si elles ne s'accompagnent pas d'une compréhension de la réalité des faits. Cette clarification, à mon sens, toute la majorité doit y contribuer.

La refondation de l'école, les moyens supplémentaires pour la sécurité et la justice, les avancées environnementales, la transition énergétique… Sur tous ces points-là, un travail a été fait par la majorité et les résultats de grandes lois comme celles-ci se font sentir sur le long terme. Je voudrais donc participer à la fin d'une dépression collective qui peint tout en noir.

Un redressement a été entamé en France et commence à porter ses fruits : les déficits ont été réduits, les impôts commencent à décroître notamment grâce à la lutte contre la fraude fiscale, les marges des entreprises sont dans la moyenne européenne alors qu'elles étaient au plus bas en 2012, le coût du travail a été réduit sans réduction de salaire… Je ne dis pas que tout est parfait, je dis qu'un certain nombre de mesures ont été mises en place.

Ce qu'il faut également souligner, et il est dommage que la gauche ne le dise pas assez, c'est que tout cela a été accompli sans mesure d'austérité comme on a pu le voir en Espagne, au Portugal ou en Italie. Nous avons préservé les prestations sociales, nous en avons même instauré de nouvelles avec la couverture mutuelle des salariés ou le compte personnel d'activité prévu par la loi El Khomri. Il y a des réussites françaises que la fameuse dépression collective nous empêche de voir. L'économie recommence à créer des emplois, nous avons des centres de recherche et des université enviées dans le monde entier. Nous avons créé 20 000 emplois dans l'économie verte et bleue, et on n'en parle pas.

Il faudrait que le débat présidentiel puisse aborder tous ces sujets de manière factuelle et sereine. Notre pays mérite un débat de haute qualité, et non des postures idéologiques. 

Le projet de loi de Myriam El Khomri suscite depuis des semaines une levée de boucliers, à gauche comme à droite. Avec toutes les modifications apportées, cette loi n'a-t-elle pas perdu de sa substance ? Répond-elle vraiment, en l'état, aux besoins de l'économie française ?

Les besoins de l'économie française, c'est d'avoir un droit du travail satisfaisant. Il est aujourd'hui beaucoup trop complexe pour les entreprises et les salariés. L’enjeu, c’est de simplifier le droit, de donner de la visibilité aux entreprises pour qu'elles puissent embaucher et de garantir de nouveaux droits pour les salariés.

Notre droit va intégrer un dispositif qui permettra par exemple aux salariés de conserver leurs crédits formation au fil de leur vie professionnelle. Le compte personnel d'activité est une vraie avancée sociale, tout comme la garantie jeune, la lutte contre les détachements illégaux de travailleurs étrangers ou le meilleur encadrement du travail saisonnier.

Voilà un certain nombre de mesures qui, prises une par une, rencontrent l'adhésion des Français. Mais quand elles sont mises toutes ensembles dans un même texte, alors là il y a une opposition. Cela pose la question de ce moment politique que nous traversons, où on sait rassembler pour être contre, mais plus difficilement pour agir.

Le texte a évolué depuis son point de départ, notamment par le dialogue avec les partenaires sociaux et des objections ont été entendues, mais un texte n'est jamais figé dans le marbre. Le débat parlementaire est un moment important de notre vie démocratique, la discussion ne doit pas se faire uniquement dans la rue. Il faut certes enrichir ce texte, mais pas le dénaturer par une sorte d'alliances de toutes les objections.

Ce débat est un peu représentatif de la crise démocratique actuelle, de la défiance de la société envers les politiques (et inversement). Il appartient au gouvernement de renouveler cette confiance entre la société et le politique en montrant qu'il agit et en faisant confiance au dialogue social dans les entreprises. 

Vous avez été membre d'Europe Ecologie – Les Verts de 2010 à 2015. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle de votre ancien parti, qui a beaucoup fait parler ces derniers mois ? Quel sera d'après vous son rôle dans les mois qui nous séparent de l'élection présidentielle ?

Je n'ai pas l'habitude de tirer sur les ambulances, mais ce parti est à l'agonie. Cela ne me réjouit pas du tout mais cela ne me surprend pas non plus. C'est la conséquence d'une ligne politique choisie il y a quelques années et qui exclut petit à petit. Cette ligne préfère la critique permanente, les discours dans le vide, à l'exercice des responsabilités. Le monde écologiste quitte petit à petit Europe Ecologie - Les Verts, donc cette formation est de plus en plus en train de se liquider, de perdre tout ce qui faisait qu'elle avait un intérêt dans le monde politique : le débat, les différentes approches, la volonté de rassembler tous les écologistes dans leur diversité. Les commentateurs vont devoir s’habituer à ne plus dire "les écologistes" en parlant d’EELV, car EELV ne représente plus l'écologie aujourd'hui dans notre pays. Il n’en représente qu’une partie, de plus en plus restreinte.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean

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