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Baisses d'impôts, le retour imposé par l'Elysée contre Matignon : les coulisses d'un couac
©Reuters

Fausse route

Le président de la République va revenir sur l’agenda des réformes. Contrairement à ce qu’avait annoncé son Premier ministre, il remet à l’ordre du jour les baisses d’impôts promises.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le week end a été agité. Entre l’Elysée, Matignon, Bercy et Aix en Provence ou Bruno Le Maire a essuyé la colère des économistes et des chefs d’entreprise, le téléphone a un peu chauffé. Au point d’obliger l’Elysée à revenir sur le programme très prudent tel qu‘il avait été développé par le Premier ministre. 

Résultats de ces conciliabules, la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des français et la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières seront bien lancées dès l’année prochaine, alors qu’on les avait remises à beaucoup plus tard. Reste à trouver le financement pour respecter l’engagement de ramener le défi à 3% dès cette fin d’année. 

On ne peut pas dire que la semaine passée ait été bien vécue par les électeurs d’Emmanuel Macron. Ils avaient été surpris et déçus par le président qui assumait et voulait qu’on sache les vraies raisons.  

On est quand même allé de couac en couac dans cette affaire. Les premiers du quinquennat.  Et on ne peut pas dire que la séquence vécue la semaine dernière ait été bonne pour l’exécutif. Le discours du président de la République devant le Congrès à Versailles a été mal reçu. Pour beaucoup, il était trop long, trop mou, trop compliqué et trop difficile à suivre. Bref, il ne laissera pas une grande trace dans l’encyclopédie des discours présidentiels. 

Les jeunes députés du mouvement En Marche ont été, eux aussi déçus. Ils connaissaient un Macron disert et attentif, joyeux et séducteur. Ils ne l’ont pas retrouvé et ont mis cela sur le compte du sérieux nécessaire quand on est à Versailles. 

Le problème pour l’exécutif, c’est que le discours de politique générale a peut-être été mieux reçu par les jeunes députés, mais il a suscité une vraie inquiétude parmi les hommes d’entreprise. 

Certes, Edouard Philippe a parlé de ce qui préoccupe les français (la cuisine : le prix des montures de lunettes ou celui des cigarettes) mais on a surtout retenu que le Premier ministre allait reporter la plupart des grandes réformes qui ont été annoncées pendant la campagne. La suppression de la taxe d’habitation, la transformation du CICE en baisse de charges, la réforme fiscale créant une flat-tax, la suppression de l’ISF, la création d’un impôt unique de 30%, etc... Tout était donc reporté, retardé, alors que pendant la campagne, le candidat Macron nous jurait qu’il fallait aller très vite. Donc, tout est remis à plus tard. Tout sauf la décision de relever la CSG. L’annonce est mal passée. 

Les milieux d’affaires n’ont pas aimé du tout cette séquence présidentielle, les chefs d’entreprise, les investisseurs étrangers étaient ramenés quelques années en arrière avec nos anciens présidents. Ils annoncent monts et merveilles, des promesses par camions entiers et puis dès qu’ils sont élus, on s’aperçoit que le camion ne rentre pas dans la cour de l’Elysée. 

Alors les chefs d’entreprises sont restés discrets. Pierre Gattaz qui, au fond, est très favorable au projet Macron, n’est pas monté sur ses grands chevaux. « Faut lui faire confiance jusqu’à la fin de l’année », dit-il. Les chefs d’entreprise attendent la loi de finances pour sceller les chevaux et partir à l’assaut du conservatisme habituel. « Laissons passer les vacances et voter la loi travail, on verra le volet fiscal dans la loi de finances à l’automne » 

Cela dit, les patrons et les économistes réunis à Aix en Provence ne se sont pas privés de dénoncer ce qu‘ils appelaient une erreur stratégique. 

Le président de la République et son Secrétaire général Alexis Köhler, qui a pris les commandes du Palais et des relations avec Matignon, sont parfaitement au courant de ce qui remonte du terrain. Ils savent que la semaine n’a pas été une grande réussite. Le seul évènement qui a fait l’unanimité parmi tous ceux qui ont voté Macron et mis beaucoup d’espoir dans son parti, c’est la matinée d’hommage à Simone Veil aux Invalides. Les obsèques officielles avaient été très bien réglées par Jean Veil, le fils ainé de Simone, qui a fait avec son frère un portrait en creux de sa mère remarquable par la force de l’émotion grave. Mais cette cérémonie a été aussi marquée par le discours du président de la République. Un discours assez bref, mais d’une densité émotionnelle très forte, d’une sobriété et d’une humilité très élégante. 

Ceci étant, les contraintes de la vie quotidienne de la gouvernance ont repris le dessus très rapidement et il a bien fallu se rendre à l’évidence. Le retard à l’allumage a été mal interprété. Plus grave, pour certains, il a apporté le signe que Macron allait s’arranger pour refaire du Hollande, c’est à dire attendre que les choses se fassent toute seules. Pour Emmanuel Macron, insupportable de laisser partir les français en vacances avec cette impression de laxisme.

Or, ça n’est pas l’intention d’Emmanuel Macron. On va donc voir fleurir dans les jours qui viennent les explications d’un nouveau changement de braquet. 

Emmanuel Macron va donc recadrer son Premier ministre et redéfinir sa stratégie qui doit être un savant compromis entre ses promesses et ses contraintes. Une stratégie qui se déroulera en 5 actes. Histoire d’effacer les couacs. 

1e acte, il veut se mettre en règle avec la Commission de Bruxelles et l’Union européenne avant la fin de l’année. Il a découvert que le budget dérapait grave, il a découvert qu’à la demande de François Hollande, on avait reporté certaines dépenses. Bref, il savait que le déficit dépassait les 3%, mais pas au point d’être obligé de trouver 9 milliards d’euros. 

Or, Emmanuel Macron est obsédé par une évidence que les hommes politiques n ‘ont jamais voulu entendre. On ne peut être libre et puissant que si on a de dette envers personne. Il faut donc urgemment rembourser ses dettes. C’est la condition nécessaire pour que la solidarité avec l’Allemagne puisse se renforcer. Il faut rembourser ses dettes si on veut trouver des leviers de croissance. Il faut s’affranchir des banquiers et des organisations financières européennes si on veut entamer le chantier des réformes de l’Europe. 

2e acte, il veut renforcer la présence française sur la planète et il veut incarner cette influence. D’où les voyages qu’il multiplie. D’où le dialogue avec Trump qui revient à Paris pour le 14 juillet. D ‘où le dialogue avec Poutine qu’il a déjà reçu. En renforçant la présence française, il s’oblige à voyager beaucoup et à dialoguer avec encore plus avec les grands de ce monde. Macron estime et il a surement raison, que s’il renforce son image à l’étranger, c’est autant de relations qu’il tisse au profit des entreprises françaises. Et il est passionné par cet aspect de sa mission. Pour remplir cette mission, il faut que la France soit en bon état, il faut rembourser ses dettes. 

3e acte, il veut à tout prix la paix avec les syndicats pour pouvoir faire voter ses lois. Pas de bazar dans la rue à la rentrée. Donc il va tout faire pour rétablir un dialogue constructif avec FO, CFDT et sans doute la CGT. 

Emmanuel Macron veut surtout que sa loi travail passe et ne provoque pas de manifs à la rentrée comme le lui a promis la CGT. 

En fait pour que ça marche, il faut que le système proposé soit en état de marche  et que les syndicats soient présents. 

Pour négocier utile avec les syndicats, il ne faut pas qu‘ils aient l’impression de se faire avoir. En perdant la responsabilité des accords de branche, les syndicats sont dans l’attente d’une compensation. Il faut surtout éviter toute provocation. 

4e acte, il doit respecter ses promesses de réformer vite. Il sait que François Hollande a été piégé par son attentisme. Les bruits de la ville lui ont montré très clairement que ses électeurs n’accepteront pas les retards. 

5e acte, il va devoir trouver de l’argent pour financer les trous du passé et les engagements qu’il va tenir. C’est un peu la quadrature du cercle parce qu’il va devoir travailler dans deux directions. En direction de ses ministres qui vont devoir se creuser les méninges et trouver des économies. C’est possible. En direction de l’Union européenne pour reprendre la négociation sur le partage de certaines dépenses assurées par la France mais dont le service profite à tout le monde, comme les dépenses militaires. 

Respecter les promesses et les projets, c’est nécessaire pour protéger le capital politique, mais ça ne va pas être facile.  

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