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Baisser de 90 milliards les dépenses, c’est possible !
©Reuters

Bonnes feuilles

Est-ce inconvenant de suggérer ce que DOIT faire le prochain président, en pleine campagne ? Non : car ceci est plus qu’un plan ou un programme. C’est une obligation morale de résultat. La situation de la France est en effet à haut risque. Elus, syndicats, gestionnaires, ministres en portent la responsabilité. Nous avons pourtant toutes les clés pour éviter le mur. En sortant de l’asphyxie fiscale et de la prolifération des normes et des lois. On croit que c’est impossible de réformer notre pays car tout – les dépenses folles, le chômage, la dette – est à reconstruire ? C’est juste qu’il faut « faire le job », maintenant. La feuille de route est là, il suffit de la mettre en œuvre. Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation iFRAP, un think-tank qui évalue les politiques publiques. Elle intervient régulièrement sur les thématiques de la campagne présidentielle et a déjà publié avec succès, entre autres, On va dans le mur !

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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C’est toujours la même chose, les gouvernements annoncent à grand fracas de conférences de presse et de discours des milliards de baisse de dépenses mais, quand on fait les comptes, à la fin du quinquennat, tout s’est mystérieusement envolé ! C’est encore ce qui s’est passé avec les fameux 50 milliards de baisse des dépenses publiques promis par François Hollande en 2012. Il a bien fallu se rendre à l’évidence et le gouvernement lui-même l’a reconnu à l’été 2016 : d’économies de 50 milliards, il n’y en avait point. Depuis trop longtemps, tout ne va que dans un sens : dépenser plus ! Aujourd’hui, l’équation est intenable puisque nos comptes sont, même bien maquillés, au bord de la rupture et que ni la situation de l’emploi ni la croissance ne se sont significativement améliorées. Et c’est un euphémisme. Pour que la baisse des dépenses devienne une réalité en France, il faudra faire autrement : chaque euro de baisse d’impôts devra être financé en simultané par un euro de baisse des dépenses.

Quels sont les objectifs à atteindre ? On les connaît : réduire le déficit, réduire la part de dépenses publiques dans la richesse nationale, réduire la dette par rapport au PIB, baisser les impôts et le taux de prélèvements obligatoires. Tout cela, non pour faire plaisir à la Commission européenne, mais pour relancer la création d’emplois marchands et renouer avec une croissance d’au moins 2 % par an, ce dont nous sommes loin depuis 2012. Pour cela, il faudra trouver le bon « mix » budgétaire. Bref, avoir une stratégie ! Chaque projet devra être accompagné d’un chiffrage clair et précis et d’un calendrier tout aussi précis car, selon le timing des décisions, tout peut être différent.

Baisser les dépenses de 90 milliards d’euros en cinq ans, c’est le remède pour renouer avec la croissance, à condition d’aller ni trop vite ni trop lentement… Il existe en effet une forme d’équilibre à maintenir entre l’objectif de redressement des finances publiques et l’objectif de renforcement de la croissance (dont l’atteinte peut passer par une baisse de la pression fiscale qui dégrade à court terme le solde public). Le séquençage de ces deux leviers doit être soigneusement choisi pour que le redressement des finances publiques soit le moins préjudiciable possible à la croissance.

90 milliards d’économies

L’objectif à atteindre pour la prochaine majorité sera de trouver l’équilibre entre les économies, les cessions d’immobilier de l’État ou des collectivités territoriales, les ventes du portefeuille de l’État actionnaire et la hausse des dépenses dans les domaines régaliens. Pour le prochain quinquennat, cela signifie qu’il va falloir lancer, simultanément, tout un arsenal pour rationaliser les dépenses. Les domaines ne manquent pas ! On pourrait commencer par rationaliser les achats de l’État (900 millions d’euros par an), la suppression du CESE et des CESER (100 millions d’euros dès la première année), la rationalisation du réseau diplomatique français dans des proportions comparables au Royaume-Uni (400 millions d’euros par an), mettre fin à l’action extérieure des collectivités locales (100 millions d’euros).

Il faudrait aussi s’attaquer à d’autres secteurs : la surveillance et la réduction des coûts des opérateurs de l’État (100 millions d’euros par an), la réduction des subventions publiques au cinéma (200 millions d’euros par an), l’alignement du régime des intermittents du spectacle sur celui des intérimaires (100 millions d’euros par an), le calcul des indemnités chômage sur le salaire net et non plus sur le brut (600 millions d’euros par an), le plafonnement du cumul des aides sociales et des revenus du travail à 2 500 euros (2 milliards d’euros par an), la baisse des subventions d’investissement aux HLM (700 millions d’euros par an), la fusion des établissements scolaires pour confier leur gestion aux communes (600 millions d’euros par an).

Quoi encore ? Le relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite à 65 ans en 2028 (3,3 milliards d’euros par an), la mise en place d’un régime de retraite unique (3,4 milliards d’euros par an), le développement de la chirurgie ambulatoire (800 millions d’euros par an), la fusion des caisses de la Sécurité sociale (200 millions d’euros par an), réserver l’AME (Aide médicale d’État) aux situations d’urgence (100 millions d’euros par an), la réduction des actes inutiles chez les généralistes (500 millions d’euros par an), la réduction des subventions aux associations (300 millions d’euros par an).

D’autres exemples ? Il en existe tellement, comme la mise en place de trois jours de carence dans les fonctions publiques (500 millions d’euros par an), le gel du point d’indice dans les fonctions publiques (300 millions d’euros par an après la revalorisation de 2016), la suppression du supplément familial de traitement (400 millions d’euros par an) et du complément de rémunération dans les DOM (hors militaires, hors indexation et prime d’éloignement : pour 200 millions d’euros par an), et bien sûr le gel partiel des embauches pendant cinq ans dans les trois fonctions publiques (3,5 milliards d’euros par an). Toutes ces mesures cumulées imposent un rythme de baisse de la dépense d’environ 19 milliards d’euros par an. 19 milliards d’euros, soit une immense bouffée d’air frais pour nos comptes publics et un effort qui permet aussi de réinvestir dans les domaines prioritaires comme les budgets de la Justice, de la Défense et de l’Intérieur pour 2 à 3 milliards d’euros par an. Dernier volet, rationaliser le parc immobilier public (État et collectivités) pour gagner 2,3 milliards d’euros par an.

Total de l’équation sur cinq ans : 90 milliards d’économies , 16 milliards de dépenses régaliennes en plus et 20 milliards de cessions de participations de l’État en 2022. Une stratégie en matière de freinage des dépenses publiques qui ne doit pas être vue comme impossible ou trop ambitieuse alors que la France culmine à 57 % du PIB en dépenses publiques. C’est d’ailleurs la politique qui a été menée en Allemagne entre 2003 et 2007 et au Royaume-Uni entre 2010 et 2014 (baisse de cinq points de PIB du poids des dépenses publiques dans les deux cas, pour atteindre respectivement 44,5 et 44,9 % du PIB). Dans ces deux exemples, les dépenses publiques ont crû selon une stratégie « zéro volume » qui a toujours débuté par un effort important la première année.

Pour quel impact concret ?

À terme, une double stratégie de baisse des dépenses et de baisse des recettes doit nous permettre de faire descendre (réellement et non pas en manipulant les chiffres comme le pratiquent nos ministres depuis plusieurs années) le poids des dépenses publiques dans notre PIB. Il devra être de l’ordre de 47 % en 2027, soit une baisse de presque 5 %. Un bon début puisque la route pour jouer à égalité avec nos voisins européens et passer la barre des 45 % sera encore longue. Le poids de la dette publique sera « tombé » à 74,1 % du PIB en 2027.

Ce retour à la croissance permettrait un supplément de créations d’emplois dans les secteurs marchands non agricoles d’environ 739 000 en 2022 et jusqu’à 1,4 million d’ici 2027 par rapport à 2017. Il s’agit d’emplois marchands… et donc viables, contrairement à la politique des contrats aidés que les gouvernements successifs ont voulu nous servir. Nous ne sommes pas condamnés au marasme actuel. Le taux de chômage repasserait donc en dessous des 9 % en 2022 (8,2 %) et tomberait sous les 6 % en 2027 (5,5 %), soit un niveau proche du plein emploi. Un taux d’emploi frôlé au premier trimestre 2008, juste avant la crise, et dont le dernier précédent remontait à 1981. La baisse de la dépense publique est possible. Elle ne doit pas être expliquée aux Français comme étant un objectif de Bruxelles et pour Bruxelles. C’est pour nous que nous devons faire cet effort.

[1] Voir annexe, p. 259.
Extrait de "Ce que doit faire le (prochain) président" d'Agnès Verdier-Molinié, publié chez Albin-Michel

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