Baisse des indices de loyers : malheureusement de la poudre aux yeux <!-- --> | Atlantico.fr
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Les loyers baissent dans 35 % des villes et progressent moins que l’inflation dans 25 % des villes.
Les loyers baissent dans 35 % des villes et progressent moins que l’inflation dans 25 % des villes.
©Reuters

Mirages

Affecté comme l’ensemble de l’économie immobilière par le ralentissement économique, le marché locatif privé s’enfonce dans la récession depuis l’été 2011.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Depuis l’été 2011, le marché locatif privé s’enfonce dans la récession, affecté comme l’ensemble de l’économie immobilière par le ralentissement économique qui s’est amorcé avec le déclenchement de la crise des dettes souveraines. Il doit de ce fait composer avec une demande particulièrement déprimée par la montée du chômage et les incertitudes sur le pouvoir d’achat. Et il est déstabilisé par des annonces et des décisions publiques qui bouleversent les projets des investisseurs et des propriétaires bailleurs et finissent par renforcer le déséquilibre des marchés.

Au cours du 1er semestre 2013, d’après l’Observatoire privé CLAMEUR, les loyers de marché mesurés lors d’une relocation ou d’une location nouvelle ont ainsi augmenté de 0.5 % en rythme annuel : soit à peu près deux fois moins vite que l’inflation mesurée par l’INSEE. En 2012, à la même époque, les loyers de marché augmentaient de 0.9 %, pour des prix à la consommation en hausse de 2.2 %.

Si on se limite aux 40 villes de plus de 100 000 habitants, le constat est similaire :

        - les loyers baissent dans 35 % des villes, ils progressent moins que l’inflation dans 25 % des villes et ils augmentent au-delà de l’inflation dans 16 villes (40% des villes) ;

        - la baisse s’observe alors sur Paris où la hausse avait été soutenue en 2012. Mais aussi, en Province, dans les villes où s’étaient constatées des hausses supérieures à l’inflation : Besançon, Bordeaux, Nice ou Rouen (dans ces villes, la progression des loyers observée en moyenne depuis 2006 reste inférieure à l’inflation) ;

       -  en outre, pour la plupart de ces villes de plus de 100 000 habitants, la progression des loyers a fortement ralenti depuis 2007 : en général, le rythme de la hausse a été divisé par deux. Et pour 60 % d’entre elles, la hausse des loyers de marché a été au plus égale à l’inflation. 

Cette évolution ne doit pas surprendre. Depuis 2006, en effet, les loyers de marché ont décroché de l’inflation : France entière, ils ont augmenté de 1.5 % par an, en moyenne, donc à un rythme légèrement inférieur à celui de l’inflation. Le décrochage est spectaculaire, puisque de 1998 à 2006 ces mêmes loyers avaient augmenté de 4.1 % chaque année, pour une inflation qui était de 1.8 % par an.  

Et ce constat confirme une fois encore que les niveaux des loyers du secteur privé et leurs évolutions reflètent simplement les transformations de la demande et de ses possibilités financières.

Par exemple, on observe en général des valeurs locatives très différentes suivant les villes et les régions : mais les travaux de l’INSEE montrent que les revenus des ménages y sont également très différents. En 2009, le salaire moyen par habitant en l’Ile-de-France était deux fois plus important que celui des ménages vivant en Auvergne ou en Bretagne, par exemple (et les revenus parisiens sont de 30 à 35 % supérieurs à la moyenne des revenus franciliens). Or, cet écart de 1 à 2 se retrouve en matière de loyers entre l’Ile-de-France et l’Auvergne ou la Bretagne : en pratique, les valeurs locatives sont à l’image des niveaux de revenus. Sur chaque territoire, les valeurs s’adaptent à la capacité financière des clientèles potentielles. Donc, il est aussi difficile pour un Auvergnat de trouver un logement à louer dans sa région à un niveau compatible avec ses ressources, qu’à un Francilien en Ile-de-France.

On peut alors constater que lorsque les niveaux des loyers de marché sont bas, la qualité de l’offre en est affectée. Des revenus faibles pour les candidats à la location sont souvent synonymes de loyers de marché faibles et d’un effort d’amélioration et d’entretien du parc limité : sans soutien public, sur ces territoires, la part des relocations après travaux est par exemple deux fois moindre que sur Paris, Marseille, Lyon, Toulouse ou Nantes ! Et les inégalités territoriales en sont alors d’autant renforcées.  

Il ne s’agit pas là du jeu d’une main invisible qui gouvernerait, sans rien ne dire à personne, le destin de centaines de milliers de familles. Il ne s’agit pas non plus de l’expression d’une volonté publique (locale ou nationale) de réguler un marché à la dérive. C’est en revanche la conséquence d’une réalité économique fondamentale : rien ne peut se vendre à un prix supérieur à celui que l’acheteur peut (accepter de) supporter.

Tel est récemment l’exemple du "dispositif d’encadrement des loyers" que la loi qui sera prochainement présentée au Parlement. Alors, bien sûr, les pouvoirs publics sont parfois tentés de contraindre la réalité propose. Elle s’inspire pour cela de ce "fameux" exemple allemand : en s’appuyant sur "les miroirs des loyers" et en écrêtant (ou en laissant la possibilité d’écrêter) les loyers de marché supérieurs de 20 % aux loyers pratiqués pour des logements équivalents.  

A priori, le modèle allemand aurait pu être bien : d’autant qu’il a bénéficié d’une heureuse surprise. D’après le recensement, les allemands sont 1.5 million de moins que ce qu’ils pensaient … et donc la pression de la demande reste au plus bas. Sauf quand elle se relève, parce que les ménages "aisés" partent à la conquête des villes et des centres des villes les plus convoités : et donc arrivent avec des capacités financières très supérieures à celles des ménages précédents. Alors les loyers "flambent", sans que rien ne semble pouvoir les calmer : à Berlin, à Cologne, à Hambourg ou à Munich, avec des rythmes d’augmentation à deux chiffres et des ménages modestes contraints au déménagement …

Donc, même les dispositifs les plus séduisants pour certains peuvent produire les pires des conséquences dès que la réalité n’est pas celle qui était espérée. D’ailleurs, quelle a été l’efficacité du "dispositif d’encadrement des loyers des relocations" tel que mis en œuvre en France dès l’été 2012 ? Ou encore, quelle a été l’efficacité du "décret d'encadrement des loyers en région parisienne" à l’œuvre depuis 1989 ?

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