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Bachar el-Assad : game over 
pour le printemps arabe ?
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Répression en Syrie

Alors que la répression se poursuit dans le sang en Syrie, les espoirs du printemps arabe commencent à s'effriter. En effet, les timides protestations de la communauté internationale sont impuissantes à masquer une dure réalité : rares sont ceux qui ont intérêt à ce que Bachar el-Assad quitte le pouvoir, et à ce que le printemps arabe passe l'été.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Atlantico : Bachar el-Assad a-t-il encore les moyens de tenir longtemps face à la rébellion ?

Ardavan Amir-Aslani : Je pense que oui. On ne peut pas se calquer sur les précédents égyptiens et libyens pour présager de l'issue du conflit, car tous les pays arabes ne se ressemblent pas : en Tunisie, la population était ethniquement et religieusement homogène, avec un gouvernement totalitaire à sa tête – la révolte était donc nationale. En Syrie, comme en Libye d'ailleurs, il s'agit au contraire d'un conflit ethnique et religieux.

En effet, les alaouites, qui sont au pouvoir, sont des chiites. Or, cette minorité a un historique d'humiliation millénaire, sous les régimes arabes sunnites, puis sous les Ottomans. Ils n'ont donc nullement envie de revenir à l'époque antérieure. Parallèlement, la minorité chrétienne (11% de la population), les Kurdes et les Turkmènes craignent que l'arrivée au pouvoir de la majorité sunnite fasse basculer le pays dans un schéma de vengeance du passé, notamment par rapport aux massacres perpétrés par Hafez el-Assad, père de l'actuel président (50 000 sunnites tués à Hama).

En outre, l'historique des Frères musulmans reste très marquant dans le pays : leur première révolte armée a eu lieu en Syrie en 1982, et a été réprimée sévèrement par Hafez el-Assad. En voyant le traitement réservé aux minorités dans d'autres pays arabes sunnites, comme les chrétiens régulièrement pris pour cibles en Irak ou les cooptes en Egypte, tous ces groupes ethnico-religieux soutiennent donc le régime à outrance.

Le pouvoir de Bachar el-Assad n'est donc pas simplement un pouvoir totalitaire : il a le soutien de toutes les minorités ethniques et religieuses, que j'estime à 35% de la population.

Comment une minorité de 35% de la population arrive-t-elle à se maintenir au pouvoir ? Bénéficie-t-elle d'importants soutiens extérieurs ?

Oui, et l'exemple du Bahreïn l'illustre très bien : 75% de la population est chiite, mais le gouvernement sunnite est parvenu à résister à la révolte populaire grâce à l'intervention de troupes saoudiennes et émiraties.

La Syrie bénéficie de trois types de soutiens. Tout d'abord, le silence d'Israël, qui s’accommode bien de la stabilité et du pacifisme du régime Assad à son égard depuis 50 ans.

La Syrie est également soutenue par le Hezbollah libanais, à qui elle donne des armes, et l'Iran, qui a mis à sa disposition des conseillers militaires pour la répression, des ingénieurs experts dans le contrôle de l'Internet et des communications électroniques.

Enfin, le régime d'el-Assad profite de la division de la communauté internationale : la Grande-Bretagne s'est prononcée lundi contre de nouvelles sanctions contre le régime, et Barack Obama ne demande toujours pas le départ du dictateur, alors qu'il l'avait fait au bout de quatre jours de révoltes en Egypte.

Les Turques sont également très mitigés : c'est avec la Syrie qu'ils ont fait leur pénétration sur le monde arabe dans l'optique néo-ottomaniste de redevenir le grand califat du monde musulman ; sans parler du fait que la Turquie possède les mêmes minorités que la Syrie, et que l'écrasement de tel ou tel groupe religieux par le régime syrien aura inéluctablement des répercussions chez eux.

Le problème est le même pour la Chine et la Russie, qui abritent en leur sein des minorités ethniques et religieuses (Tchétchènes, Tibétains...) et refusent de valider leurs aspirations démocratiques en condamnant le régime syrien.

Enfin, la chute d'el-Assad serait un gros problème pour l'Arabie Saoudite, dont le gouvernement a déjà été fragilisé par les révolutions égyptienne et tunisienne : il ne faut pas oublier que 80% de la population des régions pétrolières du pays est chiite, alors que le pouvoir est sunnite.

La Syrie est donc un problème qui concerne d'une manière ou d'une autre tous les pays arabes, et même certains membres du Conseil de Sécurité de l'ONU.

Le durcissement de la répression syrienne peut-il donner un véritable coup d'arrêt au printemps arabe ?

Oui, même si je doute que l'on puisse parler de "printemps" : les départs de Moubarak et de Ben Ali n'ont pas changé les régimes, car les appareils restent en place.

En Syrie, le scénario d'un départ du dictateur reste difficilement envisageable. Le régime Assad est encerclé : les partisans du président savent que s'ils lâchent le pouvoir, ils seront massacrés. Par ailleurs, quand on voit l'échec de la rébellion en Libye, où Kadhafi dispose d'une base populaire bien moins solide qu'el-Assad et de l'appui de l'OTAN, on peut douter de la probabilité d'une chute de Bachar el-Assad.

Le seul espoir de la communauté internationale est donc que le régime tende graduellement vers une modération de la répression et une ouverture institutionnelle à l'égard de la majorité sunnite, ce qui commence à être fait.

S'oriente-t-on donc vers un scénario à l’iranienne, où la révolution verte de 2009 est finalement retombée grâce à la répression ?

C'est difficilement comparable : il y a eu des milliers de morts en Syrie, alors qu'il y en a eu 36 en Iran, selon les chiffres de l'opposition. Toutefois, si le régime iranien n'est pas tombé, c'est parce qu'il disposait d'une base populaire et d'une classe dirigeante qui jouerait sa peau en perdant le pouvoir, comme en Syrie.

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