Baby Reindeer, la série hit de Netflix qui lève le voile sur le tabou des violences sexuelles subies par les hommes

La série se penche sur les expériences éprouvantes de son personnage principal, Donny (une version fictive de Gadd), dont la vie s'effondre après qu'il soit devenu la cible d'une femme qui le harcèle, Martha (jouée par Jessica Gunning).

Baby Reindeer a captivé le public en décrivant avec franchise la victimisation sexuelle des hommes, le harcèlement et la toxicomanie. Il a également mis en lumière le rôle important de la culture populaire pour soulever des questions difficiles sur des sujets aussi délicats.

Le succès de Netflix est la dernière nouveauté d'une gamme de plus en plus large d'émissions télévisées à caractère social, qui constituent une forme de divertissement éducatif (ou "edutainment"). Toutefois, ce qui différencie l'offre de Gadd des autres, c'est qu'elle met en lumière les expériences masculines de violence sexuelle, souvent négligées (tant dans la culture populaire que dans la vie réelle).

Sortir l'homme victime de l'ombre

Des statistiques récentes suggèrent que les femmes sont presque trois fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles que les hommes. Il est donc important et compréhensible que les discussions sur les agressions sexuelles et la manière de les combattre donnent la priorité au point de vue féminin.

Malgré l'impact du mouvement #MeToo qui a encouragé les survivantes à parler ouvertement de leurs expériences, l'accent disproportionné mis sur ce récit femme victime/homme coupable a, selon la recherche, rendu les victimes masculines presque "invisibles". Cela se reflète également dans la culture populaire, où les histoires de victimisation sexuelle masculine sont beaucoup moins nombreuses et ont tendance à attirer moins l'attention.

Baby Reindeer va à l'encontre de cette tendance en devenant l'une des séries les plus regardées sur Netflix. La série est poignante et puissante, car elle explore les effets psychologiques du harcèlement et de la victimisation sexuelle sur Donny. Les interactions de Donny avec Martha, une femme qui le harcèle, l'entraînent dans une spirale troublante de vulnérabilité et de méfiance.

La série dépeint de manière réaliste la détresse associée au harcèlement. Le parcours de Donny donne un aperçu du consentement, de la victimisation et des pressions sociétales exercées sur les hommes pour qu'ils se conforment aux normes traditionnelles de la masculinité, qui dictent souvent leurs réactions face aux abus.

Par exemple, alors que la traque commence, nous voyons Donny se laisser aller à des plaisanteries souvent sexuelles sur sa relation avec Martha, qui se présente tous les jours au pub où il travaille pour lui parler. Bien qu'il soit de plus en plus nerveux à cause d'elle et du ton de plus en plus sexuel de ses courriels incessants, il se sent obligé de "faire partie des gars" devant ses collègues.

Le film souligne également que, comme le montrent l'expérience de Gadd et la récente condamnation du harceleur de Harry Styles, les harceleurs ne sont pas toujours des hommes.

Traverser le traumatisme du survivant, la culpabilité et les mythes du viol

En plus de mettre en lumière l'expérience masculine du harcèlement, la série explore de manière saisissante le traumatisme et la culpabilité des survivants. Elle le fait à travers l'introspection de Donny et son comportement de plus en plus destructeur à la suite de son viol par son "mentor", Darrien (joué par Tom Goodman-Hill).

Tout au long de la série, Donny tente d'accepter sa victimisation, en réfléchissant à la manière dont cette expérience a influencé la façon dont il a géré les événements ultérieurs de sa vie, y compris sa traque par Martha. On le voit clairement dans les scènes où Donny fait face à sa confusion et à sa douleur en essayant d'avoir et de cacher une relation avec une femme transgenre, Teri.

Bien qu'il affirme aimer Teri, ses actions - qui consistent notamment à lui mentir sur son identité et à la fuir en public - sont dictées par la honte et la peur. Ce comportement reflète la lutte qu'il mène contre son identité sexuelle et son estime de soi. Des recherches ont montré que de tels sentiments sont fréquents à la suite d'une victimisation sexuelle.

L'interaction entre les victimes de crimes sexuels et la police est une autre question clé que Baby Reindeer aborde efficacement. Il attire l'attention sur les mythes omniprésents concernant le viol, qui réduisent souvent les victimes au silence en examinant leurs actions et en leur demandant si elles ont fait quoi que ce soit pour encourager leur agresseur.

Dans la scène d'ouverture, par exemple, le policier à qui il signale le crime lui demande immédiatement s'il a une relation avec Martha et pourquoi il n'a pas agi plus tôt. Ces éléments de la narration invitent les spectateurs à reconsidérer les idées fausses sur les abus sexuels et les obstacles auxquels les victimes sont confrontées lorsqu'elles s'adressent aux organismes de justice pénale.

Baby Reindeer est une œuvre ludo-éducative exemplaire qui apporte un souffle nouveau au dialogue public permanent sur les causes de la violence sexuelle et les réponses appropriées à y apporter. Il souligne le pouvoir de la culture populaire de remettre en question les croyances dominantes et de faciliter une meilleure compréhension des luttes diverses et souvent cachées qui façonnent la vie de ceux qui endurent des expériences aussi douloureuses.

Le spectacle de Richard Gadd, qui continue de trouver un écho auprès d'un public mondial, est un rappel poignant de l'importance des récits inclusifs et réalistes sur les violences sexuelles. Ces spectacles permettent de faire entendre la voix des différentes victimes, indépendamment de leur sexe et de leur sexualité.

Cet article a été initialement publié sur The Conversation.