Aymeri de Montesquiou : “Pourquoi il faut être cohérents avec les Kurdes et faire sortir le PKK de la liste des organisations terroristes”<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour le sénateur du Gers, il est absurde de maintenir le PKK dans la liste des organisations terroristes.
Pour le sénateur du Gers, il est absurde de maintenir le PKK dans la liste des organisations terroristes.
©REUTERS/Yuri Gripas

Sortir de l'absurdité

Pour le sénateur du Gers, il est absurde de maintenir le PKK dans la liste des organisations terroristes, alors qu'il est le premier relai de résistance contre l'Etat islamique.

Aymeri de Montesquiou

Aymeri de Montesquiou

Aymeric de Montesquiou est maire de Marsan et sénateur UDI du Gers.

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"Le courage est à juste titre considéré comme la première des qualités humaines, car elle est celle qui garantit toutes les autres" selon Winston Churchill. Cette affirmation peut vraiment s’appliquer aux combattants kurdes.

Daesh disposerait de 50.000 combattants. Le monde effaré, affolé, affligé, assiste au massacre des Yazidis, des Chrétiens, des Alaouites de Syrie et d’Irak. Nous avons connu des horreurs comparables avec l’inacceptable et impardonnable Saint-Barthélémy en France ou la terrifiante guerre de Trente Ans dans les Etats allemands au XVIIe siècle.

Les seuls qui se battent sur le terrain en risquant leur vie, ce sont les Kurdes. Ils affrontent Daesh avec un courage inouï. Peshmergas d’Irak, PYD de Syrie, PKK de Turquie, ce sont ces derniers qui, à Kobané, subissent le plus grand choc avec bien sûr, mais seulement, la sympathie et les encouragements de l’Occident. Ce sont eux qui totalisent les morts sans que l’Occident ne leur fournisse les armes dont ils ont absolument besoin. Cela, parce que la Turquie a fait inscrire le PKK sur la liste des organisations terroristes et qu’elle réclame pour le PYD la même sanction, refusée elle par les Etats-Unis. Pourquoi cette schizophrénie ? Ou bien nous sommes avec eux ou contre eux.

Me dirigeant vers la frontière irako-iranienne dans les montagnes du Kurdistan irakien, mon chauffeur m’arrête devant un monument où figuraient les représentations des 7 membres d’une paisible famille dont la voiture fut détruite par un F18 turc. Il est certain que les Turcs pourraient énumérer la liste de leurs militaires exécutés par le PKK. Le conflit vieux de 30 ans a fait 40.000 morts essentiellement civils kurdes, 4.500 villages ont été rasés, mais aussi militaires turcs. Paradoxalement, ces dernières années, des négociations se sont déroulées à Oslo et le leader du PKK Abdullah Ocalan, "Apo" pour le PKK, dispose dans son île-prison d’un secrétariat et parle avec les autorités turques qui le considèrent comme incontournable. 

Bien sûr, nous nous interrogeons sur ces affrontements en Turquie. Sachons que l’article 301 de la Constitution prévoit que quiconque critique le pouvoir, et donc les Kurdes, tombe sous le coup du pénal et encourt jusqu’à 20 ans de prison. Ce n’est qu’une des vexations qui révulse les Kurdes. Le régime d’Ankara a heureusement assoupli sa position vis-à-vis des 20 millions de Kurdes prenant en compte qu’ils dirigent des villes importantes et représentent 51 députés du parti BDP, celui-ci exprimant les demandes du PKK. Mais il y a quelques années, une parlementaire, Leila Zana, fut condamnée pour avoir prononcé un discours en kurde, et son mari Mehdi Zana, maire de Diyarbakir pour avoir défendu les droits civils kurdes, ils totalisent à eux deux 25 ans de prison. C’est un exemple parmi tant d’autres. De nombreux artistes kurdes ont gagné l’Europe car ils ne pouvaient parler dans leur langue en Turquie, où l’enseignement en kurde est encore interdit.

Nous devons, soit par l’OTAN, soit par l’OSCE, soit par l’ONU, faire sortir le PKK de la liste des organisations terroristes. Il serait en effet totalement paradoxal que les Kurdes du PKK avec le PYD et les Peshmergas soient les seuls à risquer leur vie pour lutter contre et éliminer Daesh et en même temps que ses membres soient interdits d’Union européenne et des Etats-Unis.

Daesh menace aujourd’hui la Syrie, l’Irak et sans doute le Liban. Ils peuvent disposer de moyens financiers considérables, en particulier avec les gisements de pétrole conquis dans ces pays et le pillage de Mossoul où ils ont volé 430 millions de dollars dans les banques. Il est évident qu’il dispose du pouvoir d’exporter le terrorisme vers l’Europe, je rappelle qu’on a estimé à 10.000 les Occidentaux figurant dans leurs rangs.

On peut raisonnablement considérer que le PKK veut la paix. Ainsi, dernièrement, pendant les manifestations pour que la Turquie facilite la défense de Kobané et permette un couloir humanitaire, 32 civils, dont des enfants, ont été tués et des centaines de personnes ont été blessées dans les villes kurdes sans que cela n’entraîne de représailles de la part du PKK. Ayons à l’esprit que dans cette région en ébullition du Moyen Orient où Chiites et Sunnites sont en confrontation, où Daesh veut éliminer tous ceux qui ne sont pas des fondamentalistes sunnites, les Kurdes sont tolérants de la religion des autres et nombreux parmi eux pencheraient plutôt pour la laïcité.

Mossoul et de nombreuses villes sont tombées, Kobané est en grand danger et seul le PKK et le PYD renforcés par les peshmergas tiennent. Sans eux et les frappes américaines, Erbil, Dohuk et d’autres villes seraient tombées. Soyons cohérents, on ne peut soutenir d’une part le PKK par des frappes aériennes et d’autre part emprisonner ses membres sous prétexte de terrorisme alors qu’aucune action armée de leur part n’a jamais eu lieu en Europe et aux Etats-Unis et que beaucoup considèrent que les torts sont partagés entre Kurdes et Turcs et plutôt grandement en défaveur des Turcs.

Ayons à l’esprit que Menahem Begin à la tête de l’Irgoun, après avoir fait pendre un officier britannique et commandité des attentats avant la reconnaissance d’Israël par l’ONU en 1948 fut identifié comme terroriste, et que Yasser Arafat dirigeant de l’OLP, après avoir ordonné des attentats, était lui aussi considéré comme un terroriste avant la reconnaissance du Fatah. Ils ont tous deux obtenu le Prix Nobel de la Paix.

Faisons sortir le PKK de cette liste terroriste pour pouvoir leur fournir les armes dont ils ont vitalement besoin pour constituer notre première ligne de défense. La menace de Daesh est comparable, en beaucoup plus violente, à celle contre laquelle nous luttons au Mali.

Faisons-le pour arrêter ses effrayantes tueries et donc par humanité. Faisons-le pour défendre nos valeurs. Faisons-le plus prosaïquement car nous sommes incapables d’accueillir le flot de réfugiés qu’engendrerait une victoire de Daesh.

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