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Avez-vous un cerveau de gagnant... ou de fainéant ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Notre cerveau nous permet de communiquer, sous forme de messages simples ou par l'ironie la plus subtile, il est le siège des émotions et de notre personnalité, il renferme les souvenirs, nous permet d'acquérir de nouveaux savoir-faire et de nouvelles connaissances... mais il peut tout aussi bien nous conduire à faire de mauvais choix ou nous entraîner dans le cycle infernal des addictions. Comment naissent nos pensées et nos émotions ? Qu'est-ce que la personnalité ? Comment apprend-on ? Ce livre dévoile les secrets de notre organe le plus fascinant. Extrait de "Mon cerveau superstar" de Kaja Nordengen aux éditions Eyrolles (2/2).

Kaja Nordengen

Kaja Nordengen

Kaja Nordengen est médecin spécialiste en neurologie à l'hôpital universitaire d'Akershus en Norvège. Elle a achevé un doctorat sur le cerveau en 2014, et a dispensé des cours sur le cerveau et le système nerveux à l'Université d'Oslo.

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Un mot d’origine latine que j’ai appris récemment est « procrastination». Sous ce terme savant, se cache une mauvaise habitude – qui n’en est pas moins mauvaise parce qu’elle porte un docte nom. Ceux qui procrastinent repoussent à plus tard ce qu’ils doivent faire, même si cela les conduit à une mauvaise conscience, du stress et moins d’efficacité. La procrastination est un effet secondaire de notre manière de classer différentes tâches selon leur degré de priorité. Il ne s’agit pas de tâches trop difficiles pour vous, mais de tâches pour lesquelles vous manquez de motivation.

Vous avez évidemment l’intention de le faire, mais pas tout de suite – pourquoi faire aujourd’hui ce que je peux repousser à demain ? Vous préférez la satisfaction à court terme qu’à long terme.

Les tâches que l’on remet systématiquement à plus tard ont certaines caractéristiques. Les tâches théoriques et celles qui sont répétitives exigent davantage de contrôle de soi que celles qui sont d’ordre physique ou plus variées. C’est pourquoi il est plus tentant de faire les soldes ou de la luge avec vos bambins que de s’attaquer à sa déclaration de revenus. Cela est d’autant plus vrai si le délai pour la remise de cette déclaration vous laisse beaucoup de temps. Plus le délai sera long, moins vous aurez envie de vous en occuper. Plus la tâche est censée être ardue, plus on aura tendance à procrastiner. Vous savez certainement, j’en suis sûre, quelles tâches vous préférez remettre au lendemain.

Si la tâche vous paraît trop importante, vous pouvez la fractionner pour avoir des objectifs plus petits. Si vous avez plus envie d’effectuer un travail physique, gardez-le pour vous récompenser quand vous marquerez une pause dans votre travail théorique.

Comme ça, vous gagnez sur les deux tableaux. En un rien de temps, vous aurez fait l’une et l’autre tâche. Mon conseil principal reste néanmoins celui-ci : autorisez-vous à rêver, à vous projeter en avant. Des tâches sont souvent remises à plus tard parce que le plaisir de la récompense à venir est sous-estimé par rapport à celui d’une récompense là, tout de suite. Si vous vous donnez la peine d’imaginer le trésor que vous allez économiser en passant du temps sur votre déclaration de revenus ou toute la gloire que vous allez retirer d’une conférence extrêmement bien préparée, une tâche que vous auriez eu envie de repousser peut devenir plus attrayante. Ne faites pas comme les autres autour de vous, prenez le temps de rêver.

En cas de procrastination, vous pouvez vous en prendre à votre cerveau, mais c’est aussi lui que vous pouvez remercier si vous arrivez à être efficace et justement à ne pas procrastiner. C’est la manière dont les signaux circulent entre les neurones qui détermine si vous réussissez à mettre en oeuvre vos bonnes résolutions de début d’année ou si vous appuyez sur la touche snooze de votre réveil. Vous n’êtes pas né somnolent. Des systèmes neuronaux peuvent être défaillants, d’autres peuvent se former. Cela passe par l’apprentissage et c’est ainsi que nous changeons nos comportements.

De fait, on peut imaginer un changement physique dans le cerveau. C’est en effet son mode de fonctionnement.

Alors qu’est-ce que les cerveaux des gagnants ont que nous n’avons pas ? Ceux qui travaillent dur libèrent davantage de dopamine – la substance de la récompense – dans les noyaux gris centraux et le cortex préfrontal que ceux qui ont tendance à lambiner.

Le cortex préfrontal et les noyaux gris centraux sont des régions du cerveau importantes pour la motivation. Des rats en bonne santé choisissent de travailler pour obtenir de la bonne nourriture plutôt qu’avoir de la mauvaise nourriture sans rien faire. En revanche, si l’on bloque les signaux de dopamine dans leur cerveau, ils préfèrent prendre la nourriture qu’ils peuvent obtenir sans avoir à la mériter.

La dopamine est un neurotransmetteur qui joue un rôle important dans la motivation, la mémoire, l’attention, le sommeil l’apprentissage et la récompense. La dopamine agit avant que nous ayons reçu une récompense, en d’autres termes, le véritable job de la dopamine est de nous motiver à obtenir quelque chose de bien ou d’éviter quelque chose de mal. Il ne suffit pas que la quantité de dopamine augmente, encore faut-il qu’elle augmente au bon endroit dans le cerveau. Un accroissement de dopamine dans une partie des noyaux gris centraux nommée le noyau accumbens (voir figure 20) fait que vous pouvez anticiper ce qui vous donnera une récompense plus tard. Votre cerveau reconnaît que quelque chose d’important est sur le point de se passer et il déclenche une motivation à le faire.

Les fainéants, en revanche, ont des niveaux de dopamine moins élevés dans le lobe frontal et les noyaux gris centraux, mais en ont davantage dans l’insula – l’écorce cérébrale derrière le lobe temporal (voir figure 5). Si vous faites partie de ceux qui ont tendance à surfer sur Internet alors qu’ils sont censés travailler chez eux, il faudrait augmenter votre niveau de dopamine dans les zones impliquées dans la motivation. On peut entraîner son cerveau à libérer une masse de dopamine pour se récompenser d’avoir atteint ses objectifs. Pour ce faire, vous devez connecter la réponse de dopamine à la tâche que vous voulez voir récompensée.

Soyez quelqu’un qui s’autorise à se taper sur l’épaule quand vous avez atteint le but souhaité. La dopamine, comme preuve que le système de récompense du cerveau s’est mis en marche, affluera chaque fois que vous atteindrez un but, fût-il partiel, ou que vous aurez relevé un défi.

Mais il faut y mettre du sien. La volonté de gagner ne vaut rien si vous ne mettez pas tous les jours la main à la pâte pour faire les préparatifs requis. Nos fiers nageurs doivent enfiler leur maillot et chausser leurs lunettes par tous les temps et enchaîner des centaines de longueurs s’ils veulent être parmi les meilleurs, même si les Jeux olympiques sont seulement dans quatre ans. Parfois le remède au manque de motivation est tout simplement de courber l’échine, d’y aller et de tenir bon, comme le faisaient les générations précédentes, pour accomplir des tâches que nous jugeons ennuyeuses et que nous rechignons à faire, afin d’atteindre quelque chose qui est important pour nous sur le long terme.

Extrait de "Mon cerveau superstar" de Kaja Nordengen aux éditions Eyrolles

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