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Avenir du nucléaire : les conclusions auxquelles l'alourdissement de la facture de l'EPR ne doit surtout pas mener
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Energie

25 milliards d’euros par an de plus pour avoir seulement quelques réacteurs nucléaires en moins, cela prête à débat. Mais ce dernier semble interdit...

Henri Prévot

Henri Prévot

Henri Prévot est ingénieur général des Mines. Spécialiste des questions de sécurité économique et de politique de l'énergie, il tient un site Internet consacré à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Il est l'auteur du livre "Avec le nucléaire" paru chez Seuil.

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EDF annonce que l’EPR de Flamanville coûtera 8,5 milliards d’euros soit 2,5 milliards de plus que l’évaluation faite il y un an. Cette annonce intervient précisément au moment où commence le débat sur l’énergie. On entend déjà les cris de joie poussés par ceux qui s’opposent au nucléaire ! Comme s’il fallait se réjouir que l’électricité coûte plus cher que prévu ! Et l’on entend les soupirs de soulagement des fonctionnaires et des para-fonctionnaires qui ont pour mission de justifier a posteriori la décision de diminuer la part du nucléaire dans l’approvisionnement de la France en électricité, une décision prise pour respecter une promesse faite hâtivement avant les élections présidentielles sans aucune justification ni technique ni économique. Mais c’est manqué ! Même avec cette annonce du coût de l’EPR de Flamanville, ils ne parviendront pas à prouver que cette décision est économiquement justifiée.

Il est raisonnable de penser qu’un réacteur produit en série, au rythme d’un ou deux par an, coûtera 20 % de moins que le prototype. C’est encore plus raisonnable si l’on se souvient de tous les déboires dont a souffert ce chantier de Flamanville et des retards accumulés. Trois ans de retard coûtent, rien qu’en intérêts intercalaires, près de 15 % du total. En incluant comme le recommande la Cour des Comptes le coût de fonctionnement des centrales nucléaires, le coût du traitement des déchets, celui du démantèlement et les investissements à faire dans trente ou quarante ans, et en supposant que l’investissement est financé avec un taux de 8 % en monnaie constante (10 % y compris l’inflation), j’ai calculé il y a quelques mois que le coût de production nucléaire d’un EPR en série serait de 57 €/MWh (57 euros par mégawatt.heure) . Si l’EPR coûte 20 % plus cher, le coût de production sera de 70 €/MWh.

L’éolien sur terre coûte plus de 80 €/MWh et son coût ne diminuera sans doute pas. L’éolien en mer coûte plus de 200 €/MWh au pied de l’éolienne. Son coût devrait diminuer. De combien ? Disons 30 %. Le photovoltaïque coûte encore plus cher ; son coût diminuera – disons de 30 ou 40 %. Le réseau de transport et de distribution d’électricité doit être calculé pour pouvoir évacuer le courant produit lorsque le vent souffle ou que le soleil brille. Mais, la plupart du temps, tout le monde le voit, les éoliennes ne tournent pas et les lignes de transport ne servent à rien. Elles coûtent donc cher, au MWh transporté. Par ailleurs, il faudra compléter cette production intermittente par une production au gaz ou au charbon (ce que fait allègrement l’Allemagne sans que nos écologistes trouvent rien à redire), ou en stockant l’électricité, ce qui coûterait les yeux de la tête. Tout compris, en moyenne, en comptant un coût du CO2 compatible avec une forte diminution des émissions, une production éolienne à terre ou en mer et une production d’électricité solaire coûterait beaucoup plus cher que l’électricité nucléaire, même si celle-ci devait coûter 70 €/MWh.

Venons-en maintenant au débat sur l’énergie.
J’ai interrogé un des membres éminents du comité des sages chargé de le piloter. Je lui ai demandé s’il était seulement possible d’envisager une augmentation de la capacité nucléaire. Il a levé les yeux au ciel ! Allons donc ! Comment pouvez-vous y penser ? C’est hors de question ! Précisément hors de la question mise en débat. Celui-ci doit en effet répondre à cette question : comment faire en sorte que la production nucléaire ne soit pas supérieure à la moitié de la consommation d’électricité, cela en divisant par quatre les émissions de CO2 ? On étudiera les aspects techniques, en particulier la façon de pallier l’intermittence. On constatera qu’il faudra faire des travaux très onéreux sur le logement existant et on cherchera comment les financer. Il faudra aussi démontrer que ce coût est supportable, qu’il est même bienvenu puisqu’il nous permettra d’importer moins de pétrole et de gaz. On y arrivera si l’on compare le scénario qui réduit la production du nucléaire et les émissions à un scénario « tendanciel » qui verrait une forte augmentation des importations et des émissions de CO2. Il suffira de donner au CO2 une valeur assez haute ! Et l’on calculera des créations d’emplois par centaines de milliers.
Faisant cela on passera complètement à côté de la bonne question.

La bonne question, dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, la voici : pour diminuer les émissions de CO2 et, du même coup, diminuer nos importations et renforcer notre sécurité d’approvisionnement en énergie, vaut-il mieux augmenter la capacité nucléaire ou la diminuer ? Ou encore : pour une même quantité d’émission de CO2, une même quantité d’importation de pétrole et de gaz, si l’on diminue la capacité nucléaire, combien dépenserons-nous en plus de ce que nous dépenserions en l’augmentant ?
Avec une électricité nucléaire à 60 €/MWh, j’ai calculé que le programme « officiel » de réduction de la part de nucléaire obligerait à dépenser en moyenne chaque année une trentaine de milliards d’euros de plus que si la capacité nucléaire augmentait. Si l’électricité nucléaire coûte 70 €/MWh au lieu de 60 €/MWh, au lieu de 30 milliards d’euros ce serait 25 milliards d’euros par an. Un surcoût colossal – que les Français dépenseront volontiers, c’est certain, en payant leur électricité et leur chauffage plus cher et en dépensant davantage pour l’économiser.

Avec moins de nucléaire, nous dépenserons donc davantage que si la capacité nucléaire augmentait sans pouvoir nous dire que ce sera pour importer moins (puisque dans les deux cas les importations seraient le mêmes). Certes, il y aura plus d’emplois pour produire, consommer ou économiser l’énergie mais ces emplois en plus pour ne rien produire de plus seront inutiles et les financements qu’ils demanderont ne pourront pas servir à autre chose, qui pourrait être fort utile. Il vaut mieux donc dire que moins de nucléaire, c’est détruire des emplois utiles pour en créer qui sont inutiles.

25 milliards d’euros par an de plus pour seulement avoir quelques réacteurs nucléaires en moins, cela prête au moins à débat. Mais voilà ! Ce débat est interdit !

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