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JOHANNA GERON / POOL / AFP
JOHANNA GERON / POOL / AFP
©JOHANNA GERON / POOL / AFP

Panne de souveraineté

En décembre, la Chine et l’Union européenne ont scellé un accord "de principe" sur les investissements entre les deux puissances. Avec l’élection de Joe Biden, l'Union européenne pourrait-elle s’appuyer à nouveau sur les Etats-Unis face à la Chine ?

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico.fr : Fin Décembre, la Chine et l’Union européenne ont conclu un accord « de principe » sur les investissements entre les deux puissances. Cependant avec l’élection de Joe Biden, le vieux continent semble retrouver un allié de longue date et pourrait s’appuyer à nouveau sur lui. L’arrivée d’un président démocrate pourrait-elle faire revenir le modus operandi d’avant 2016 dans les relations Chine-Europe ? 

Emmanuel Lincot: L’accord que vous mentionnez visait à rétablir un équilibre dans les relations économiques entre la Chine et l’Union Européenne. L’accord qui a été arraché par la chancelière allemande Merkel n’est qu’un accord de « principe ». Le parlement européen aura encore devant lui deux années avant de le ratifier. Autant dire une éternité. Cet accord a provoqué des dissensions profondes entre la France et l’Allemagne. La France d’Emmanuel Macron a en effet été très réticente à sa signature ainsi que les Pays Bas et la Pologne. Rappelons que l’Allemagne est, pour ses exportations, plus dépendante que ne l’est la France vis à vis du marché chinois. Le Brexit a repoussé par ailleurs la France sur les marges de l’Union Européenne au profit de l’Allemagne. Cette situation isole un peu plus Paris. Se rapprocher davantage de Washington se justifie au vu de la conjoncture. Quels contours donner néanmoins à cette coopération nouvelle entre les États Unis et l’Union Européenne ? Peut elle porter atteinte à la singularité française sachant que Berlin n’est pas moins favorable à ce rapprochement avec les Américains ? Nous ne pouvons avoir de réponse claire pour le moment mais les menaces russes et chinoises nous obligent à repenser notre relation. Nicolas Sarkozy parlait de « famille occidentale », appellation affective qui n’en rappelle pas moins notre attachement à la démocratie. Ce qui nous a construit, ce pour quoi les générations précédentes se sont battues, c’est la démocratie. En cela, nous ne sommes ni Chinois, ni Russes, ni Turcs, ni Iraniens. Notre famille a toutefois été très éprouvée. Elle doit recouvrer son rang. 

L’Union européenne a-t-elle profité de l’élection de Donald Trump pour prendre une place importante dans la relation entre la Chine et l’Occident ? L’accord européeano-chinois en est-il bon exemple ? 

Non, au contraire. L’isolationnisme américain, le mépris de Trump pour les institutions internationales, sa haine pour l’Europe et l’Allemagne en particulier (dont sa famille est pourtant originaire...) ont fragilisé l’Union Européenne dans ses rapports avec la Chine. Que Biden renoue avec les Européens est aussi une nécessité pour les Etats-Unis, en déclin. Le modèle démocratique américain avec la violation du Capitole à Washington par les pro-trumpistes est en péril. Les factieux que nous avons vu prendre d’assaut, et dans un accoutrement improbable de dégénérés - ce bâtiment que beaucoup considèrent comme sacré - ont détruit l’image de la démocratie comme les gilets jaunes l’ont détruite en saccageant l’arc de triomphe en France. Pékin, Ankara, Moscou, Téhéran ricanent. Ils sont de nouveau confortés dans leurs choix de société autoritaire. L'Amérique est sous le choc. Nous aussi. Comment ne pas se souvenir des marches fascistes des partisans de Mussolini ou de l’incendie du Reichstag ? La tentation fasciste, son refus du dialogue, son recours constant a la violence, son outrance, qu’elle soit d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, sera durable dans tout l’Occident et attisée par les dictatures de l’Eurasie. Nous devons nous en prémunir. Et cela passe notamment par le contrôle de l’information et une culture du résultat: créer des emplois, rétablir la confiance, protéger la souveraineté des nations sera le gage d’un retour à la paix. On nous parle souvent de la menace terroriste islamique. La menace des factieux anti-systèmes tant aux États-Unis qu’en Europe est tout aussi dangereuse.

Mis à part sur le développement durable, les objectifs climatiques ou les normes du travail, l’Union européenne est-elle à même de pouvoir traiter d’égal à égal du point de vue chinois sur tous les sujets sans l’aide des Américains ?  

Evidemment non d’autant que les Chinois ne tiennent jamais leurs engagements. On le voit sur le climat, on le constate aussi dans le refus chinois d’ouvrir son marché aux industries culturelles européennes. Ses industries investissant en Europe sont systématiquement soutenues par l’Etat chinois au mépris des règles libérales. Comment peut on apporter le moindre crédit à un État qui falsifie le nombre réel des victimes de la COVID-19 à Wuhan et interdit à l’OMS la possibilité d’enquêter en Chine sur les origines de la pandémie ? Aucun. Nous le savons désormais. A nous d’agir en conséquence. 

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