Aux racines de l’épidémie actuelle d’AVC<!-- --> | Atlantico.fr
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On compte 6,2 millions d'AVC chaque année.
On compte 6,2 millions d'AVC chaque année.
©Reuters

Accident à éviter

L'OMS estime à 17,3 millions le nombre de morts dû aux maladies cardio-vasculaires. Cela représente 30% de la mortalité mondiale totale. Parmi ces 30%, on compte 6,2 millions d'AVC chaque année. Ce jeudi 29 octobre se tient la journée mondiale de l'AVC, avec pour but de sensibiliser les populations les plus à risque.

Christophe  de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Ce jeudi 29 octobre 2015 se tient la journée mondiale de l'AVC qui vise à sensibiliser les gens à cette pathologie. En 2010, d'après les chiffres du gouvernement on comptait un AVC toutes les quatre minutes et à peu près 130.000 hospitalisations par an. En 2013 on estime que 30% de la mortalité mondiale est imputable à un AVC. Que peut-on dire de cette évolution ? Fait-on face à une épidémie ?

Christophe de Jaeger : On ne fait clairement pas face à une épidémie au sens maladie infectieuse, mais en revanche on se rend effectivement compte que la fréquence de ce genre d'accident augmente. Et on est forcé de se poser les questions du pourquoi. Il y a des conditions favorisant la survenue d'AVC qui sont bien connues comme par exemple l'hypertension artérielle et en particulier lorsqu'elle est négligée.

Il m'apparaît important de revenir sur ce qu'est l'AVC, puisque c'est souvent un sujet mal connu. Concrètement, un AVC est un accident vasculaire cérébral. Ce qui correspond au moment où le sang n'arrive plus à irriguer les cellules nerveuses. Celles-ci vont donc souffrir et si le flux sanguin ne se remet pas en place elles vont finir par mourir. Cela montre bien l'urgence que représente un AVC. Si on le néglige, on se prive de la possibilité d'intervenir et on risque d'avoir des séquelles parfois extrêmement lourdes. Or, aujourd'hui c'est une priorité des médecins  que de réduire la fréquence, mais aussi la gravité des séquelles liés aux AVC.

Les chiffres ont tendance à montrer qu'il y a plus d'AVC : la tendance est à la hausse. Cette augmentation est évidemment liée à la croissance et au vieillissement de la population. L'âge est un facteur de fréquence en matière d'AVC. Mais ce qui est plus grave, c'est qu'on constate effectivement plus d'AVC dans les populations de moins de 65 ans. C'est quelque chose qui se dégage très clairement sur les dernières années. L'AVC gagne du terrain et n'est plus qu'un problème de gens âgés. Les gens de moins de 65 ans aujourd'hui sont des gens qui sont en pleine forme, qui ont des projets, qui se déplacent, qui vont en vacances... Ce ne sont pas des gens que l'on imagine pouvant être des victimes d'AVC.

La vraie question qui se pose, c'est pourquoi il y a de plus en plus d'AVC et en particulier chez des gens plus jeunes. Cela pourrait s'expliquer par une augmentation des facteurs de risque chez les moins de 65 ans. Reprenons les chiffres de l'INSEE : ils montrent que l'espérance de vie en bonne santé diminue en France, et ce depuis 2007. L'hypertension est un des facteurs de risque important d'AVC. Un autre facteur de risque est une surcharge pondérale. Il y a également un autre facteur dont on parle très peu hélas : le stress. Cette population plus jeune est une population angoisée et soumise à un stress de plus en plus important, d'où d'ailleurs de plus en plus de cabinets qui s'occupent de la gestion du stress, etc. Le stress est un réel problème de santé publique.

Que faut-il craindre aujourd'hui ? Une hausse du nombre d'AVC est-il un risque réel ?

Les chiffres qui montrent actuellement que les AVC augmentent nous font craindre le pire. Je crois qu'il faudrait mettre en place une politique de dépistage similaire à celle appliquée dans le cadre du cancer du sein chez les femme, mais adaptée aux AVC. À partir d'un certain âge il faudrait que le patient soit systématiquement amené à consulter son médecin traitant à la recherche de facteurs de risque pouvant favoriser la survenue d'un AVC.

Le problème relève du fait que le patient doit lui-même avoir une démarche proactive vis-à-vis de son médecin. Ce dernier ne peut pas aller chercher son patient pour lui dire "on va faire une consultation de dépistage". Ce qui me parait important, et c'est le sens de la journée de demain qui vise à une sensibilisation de tous les gens qui ont des facteurs de risque d'AVC, c'est de réaliser que cela peut toucher n'importe qui. Cela peut vous arriver, particulièrement si vous êtes porteur d'un facteur risque, qu'il s'agisse d'antécédents familiaux ou personnels...

Dans l'idée de beaucoup, l'AVC touche les personnes âgées ou physiquement diminuées. Existe-t-il encore un profil type, ou l'AVC frappe-t-il de façon plus disparate ?

L'AVC peut frapper n'importe qui. Néanmoins il va plutôt frapper des gens qui ont des facteurs de risque musculaires et on retombe sur les facteurs de risque déjà évoqués. En 2010, on comptait environ 130 000 hospitalisations liées à des AVC en France. En 2013, ils représentent, toujours en France, à peu près 150 000 décès.

Je pense qu'il y a aussi quelque chose à dire en terme de symptomatologie. Si par exemple on a une perte de vision d'un oeil, si on a une paralysie d'un bras, si on a une difficulté à parler (des fois on n'arrive plus à former certains mots), si on a une faiblesse musculaire d'une partie du corps, ça peut être des signes d'incidents vasculaires. Et ils doivent impérativement alerter les gens qui doivent, non plus prendre un rendez-vous avec leur médecin traitant et le voir dans la semaine, mais appeler les urgences. Ils doivent composer le "15", où vous avez un médecin régulateur qui va faire la part des choses. Parce que si vous attendez trop, vous perdez une chance. Dans le doute, il ne faut pas hésiter à appeler le "15".

L'AVC tue autant de gens que le sida, le paludisme et la tuberculose réunis. En 2008, le sida tuait environ 2 millions de personne, la tuberculose 1.8 et en 2006 le paludisme causait environ 1 millions de mort. L'OMS estime chaque année à 6.2 millions les morts dues à l'AVC. Est-ce que cela implique qu'il n'y ait plus de profil type et que cela frappe un peu tout le monde ? Non, il y a des gens qui sont plus à risque que d'autres. Et on retombe dans la liste non exhaustive que j'ai donnée. Mais le point important souligné avec raison, c'est que ce n'est pas parce que vous n'êtes pas dans un profil à risque qu'il faut penser que tout va bien. Si vous avez 45 ans ou 50 ans, que vous êtes sportif et que tout d'un coup vous avez un bras qui se paralyse pendant 5 à 10 minutes, que vous n'arrivez plus à parler pendant quelques minutes, même si ça revient, il faut appeler le "15". Il faut considérer ça comme une urgence. Jusqu'à preuve du contraire c'en est une. C'est très important parce que dans l'histoire naturelle de ce genre de chose on a généralement un premier épisode, les gens sont emmerdés puis ils sont peut-être au boulot, ont peut-être d'autres choses à faire, ils se disent que ça les emmerde et puis tout à coup ça revient cinq minutes après. Et du coup on est repartis dans nos affaires, et on oublie l'incident. Or c'est déjà un événement majeur. S'il y a un seul message à faire passer, et c'est le grand intérêt de cette journée, c'est véritablement qu'il ne faut pas considérer que ce n'est rien, il faut vraiment prendre ça comme une alerte majeure. C'est l'enseignement fondamental.

Quels sont les premières règles à respecter pour se prémunir de l'AVC ?

C'est une question piège, parce qu'on tourne un peu en rond : ce qu'il faut faire, c'est forcément lutter contre les facteurs de risque. Il y en a, ils sont bien connus et il faut tout faire pour lutter contre.

Un de ces éléments par exemple c'est quand les gens ont des fibrillations auriculaires, c'est-à-dire des troubles du rythme cardiaque, vous avez une augmentation du risque d'AVC.

Si vous avez une hypertension, il faut qu'elle soit maîtrisée. Il ne faut pas tolérer des chiffres élevés. Il ne faut pas hésiter à revoir son médecin traitant pour que les choses soient parfaitement maîtrisées. Si le médecin traitant vous dit de manger différemment, de faire du sport pour lutter contre la sédentarité, évidemment il a une bonne raison de vous le dire et il faut aller dans ce sens.

Les facteurs de risque sont les suivants :

- L'hypertension artérielle

- La fibrillation auriculaire, les troubles du rythme cardiaque

- Le cholestérol

- Le diabète

- Le tabac

- L'alcool

- La sédentarité

Ce sont des choses très concrètes. Pour lutter contre ça il faut être actif pour ne pas être sédentaire, arrêter de fumer, etc.

Le facteur essentiel au niveau de l'AVC pour éviter la gravité des séquelles, c'est la rapidité de la prise en charge. Il existe des centres spécialisés pour les AVC. Il y en a dans les grandes villes, ce sont des centres parfaitement entraînés à la prise en charge de ce genre de pathologie, et plus on intervient tôt pour contrer l'AVC plus on a de chances d'en minimiser les conséquences. 

Il s'agit vraiment des grands fondamentaux qui sont : le doute ou l'AVC. Quand les gens sont hémiplégiques (paralysie d'une ou plusieurs parties du corps ndlr) il n'y a pas de doute, les secours se déclenchent très naturellement. Le vrai problème c'est plus par rapport aux signes d'accidents ischémiques transitoires, c'est-à-dire aux petits signes neurologiques qui ne durent pas plus de 24h, parfois nettement moins, et qui eux peuvent être négligés jusqu'au moment où survient un gros problème. Et après on comprend que c'était effectivement un signe à voir. C'est toute l'importance, et j'insiste là-dessus parce que j'ai assisté à ce genre de situation, j'ai vu des gens qui ont attendu, qui ont eu des symptômes, les symptômes ont régressé, ils se sont dit que ce n'était pas grave, que ça n'allait pas revenir et puis c'est revenu. Ils devaient attendre quelque chose, jusqu'au moment où la catastrophe survient. Ce qui est fondamental c'est de reconnaître l'urgence. Ensuite c'est au corps médical d'assumer la suite dans les centres spécialisés.

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