Autonomie stratégique et "soumission" à la Chine : et si Emmanuel Macron était passé à côté de la seule réponse à faire à l’Allemagne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors de sa visite en Chine, aux côtés du dirigeant Xi Jinping.
Emmanuel Macron lors de sa visite en Chine, aux côtés du dirigeant Xi Jinping.
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Diplomatie

Les réactions européennes sont très sévères suite aux propos d’Emmanuel Macron sur Taïwan. Le pire est qu’Emmanuel Macron s’est abstenu de la seule réplique qu’auraient mérité les critiques allemandes. Si l’Europe s’écrase face à la Chine et sa dictature, c’est très largement à cause du mercantilisme allemand.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Atlantico : Les propos d’Emmanuel Macron à son retour de voyage en Chine ont beaucoup fait réagir, à Taiwan, Washington et à travers l’Europe. Quelle part de la critique est justifiée ? Quelle part, notamment européenne, est de mauvaise foi ?

Bruno Alomar : La part justifiée de la critique est en partie dans le timing, en partie sur le temps long.

En ce qui concerne le timing, il n’était peut-être pas opportun d’envoyer un tel message alors même que la situation se tend en mer de Chine. Mais le plus grave n’est pas là. Le plus grave c’est que le Président Macron oublie l’essentiel : pour être entendu, il faut être crédible. Or, comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron ne comprend pas que pour parler de souveraineté, d’autonomie stratégique, il faut d’abord savoir réformer son économie, consolider son État, soigner les fractures de son propre pays. En un mot, tout l’inverse de ce qui a été fait depuis 2017, et que nos partenaires comprennent bien ! La parole de la France a rarement été aussi démonétisée.

Y a-t-il face à cela une mauvaise foi européenne ? Oui et non.

Oui, car Emmanuel Macron est critiqué de parler au nom de l’Europe. Mais les mêmes l’auraient applaudi s’il avait tenu un discours anti-chinois. C’est bien une question de politique. Oui également car ceux qui lui reprochent de sortir de son rôle – il est vrai qu’il ne représente que la France et non pas l’Europe – n’ont pas été capables de réagir quand Mme Van der Leyen, au mépris des traités qui ne lui confèrent aucune responsabilité en la matière, s’est permise d’empiéter sur les prérogatives des États pour mener une croisade en faveur de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union. Croisade qu’elle continue de mener d’ailleurs.

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Non, car le fond du problème géopolitique est une réalité qu’Emmanuel Macron, tout à son hubris, ne veut pas voir : il n’y a jamais eu de volonté des européens de s’affranchir de la domination américaine. Et la guerre en Ukraine n’a fait que renforcer cette position. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Dans ce contexte, les autres pays européens, et singulièrement les pays de l’Est européens, sont cohérents.

Ceux qui viennent donner des leçons à la France sur l'attitude à avoir face à la Chine sont-ils eux-mêmes exemplaires face à Pékin ? Quelle part de la faiblesse européenne face à la Chine vient du mercantilisme allemand ?

C’est l’un des points essentiels. Quoique l’on pense de l’attitude de la France, le fait est que le pays qui s’oppose de tout son poids à un durcissement à l’égard de la Chine c’est bien l’Allemagne.

Ceci s’explique aisément : alors que la France a été sans interruption le premier partenaire commercial de l’Allemagne entre 1975 et 2015, le premier partenaire de Berlin est désormais la Chine, sans interruption depuis 2016.

Dans ce contexte, c’est bien l’Allemagne qui fait tout pour freiner l’offensive française depuis quelques années pour muscler l’attitude de l’Union européenne en matière de concurrence, de commerce, de contrôle des investissements étrangers, de régulation numérique etc.

Qu’est-ce que cette situation européenne et les réactions aux déclarations françaises disent du destin de la France en Europe dans les années à venir ? 

Une chose très simple que je m’efforce d’expliciter depuis des années : il n’y a pas de chemin fédéraliste européen sans disparition de l’indépendance de la France. Pour le dire d’une autre manière : nous sommes largement arrivés – comme d’ailleurs la plupart des partenaires de la France dans l’Union européenne l’estiment – au bout du chemin de l’intégration européenne. L’UE est un grand marché, et ne pourra jamais être rien de plus, sauf à ce que les États européens disparaissent.  J’ajoute que ce grand marché est très loin d’être achevé, ce qui signifie qu’il y a encore beaucoup de grain à moudre.

Si l’on tient à l’existence de la France, la solution est simple : il faut arrêter de placer tous ses efforts dans la construction européenne, savoir y redevenir crédible – ce qui prendra du temps – et se souvenir que le monde est plus vaste que l’Europe. Ceci est impensable – et impensé – par nos élites depuis 30 ans.

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