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Augmentation du SMIC : petit conseil amical à Valérie Pecresse et Guillaume Peltier pour s’attaquer vraiment à la question de la pauvreté
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

SMIC, piège a pauvreté

"Je vais peut-être vous surprendre, mais je pense qu'il faut augmenter le Smic net de 20%" a lancé Valérie Pécresse, la présidente LR de la région Île-de-France, sur RMC.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Stupeur chez Les Républicains. Ses responsables montrent tout à coup une volonté quasi-mélenchoniste d’augmenter le salaire minimum. Face à Jean-Jacques Bourdin, Valérie Pécresse insiste : « je pense qu’il faut augmenter le SMIC net de 20%, mais pas le SMIC brut ». Ce n’est pas une nuance. Dans son propos, Il n’est évidemment pas question de renchérir le coût du travail, mais d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés modestes.

Valérie Pécresse souhaite augmenter le pouvoir d’achat, pas le coût du travail

Rappelons les trois chiffres clés qui définissent le SMIC sur base 35 heures. Le brut est quasiment de 1.500 euros par mois, le net versé au salarié de 1.150 euros, et le coût pour l’employeur – habituellement nommé « super-brut » – de 1.690 euros. Les cotisations sociales versées sur un salaire au SMIC sont donc actuellement de 540 euros par mois, soit la différence entre le super-brut et le net.

Valérie Pécresse envisage d’augmenter le net de 20%, soit 1.380 euros, sans modifier le coût pour l’employeur qui resterait à 1.690 euros. C’est tout à fait possible, en abaissant les cotisations sociales de 540 à 310 euros. Ce ne serait que la poursuite de la démarche engagée depuis deux décennies : une subvention de plus en plus massive des bas salaires.  Alors qu’au-dessus de 1,6 SMIC les charges pèsent 83% du salaire net, la réduction Fillon abaisse ce taux à 47% pour les smicards. La proposition de Valérie Pécresse se traduirait par un taux tombant à 22%.

Bien entendu, un tel effort ne serait pas neutre pour les finances publiques. Cette moindre perception de cotisations sociales devrait être compensée par d’autres prélèvements… ou par l’endettement des régimes sociaux… à moins qu’on ne diminue drastiquement les prestations, ce qui serait inédit. Mais ce n’est pas tout.

La réduction des cotisations sociales crée une trappe à bas salaires

En théorie micro-économique, le marché du travail s’équilibre de façon optimale entre l’offre des salariés et la demande des entreprises. Les cotisations sociales élevées créent un « coin social », hachuré sur le graphique ci-dessous, qui abaisse le point d’équilibre jusqu’à la courbe rouge. Le nombre d’heures de travail diminue mécaniquement de L0 à LC, ce qui se traduit par l’apparition d’un chômage que les économistes qualifient d’involontaire. L’existence d’un salaire minimum, figuré par la ligne horizontale bleue, déplace encore le point d’équilibre vers la gauche, en LM.

Le consensus politique de ces dernières décennies, soutenu par les économistes, est qu’il convient de réduire le coin social aux alentours du salaire minimum, afin de faciliter l’emploi des personnes peu qualifiées. Dans le même temps, les responsables politiques augmentent le niveau du SMIC, généralement contre l’avis des économistes, ce qui est illustré par le graphique légèrement modifié ci-dessous. Le point LC se déplace un peu vers la droite, mais LM ne bouge pratiquement pas, ce qui ne change pas le niveau du chômage.

Le principal inconvénient de cette démarche est qu’elle aplatit de plus en plus la ligne rouge. De façon très concrète, les réductions de charge accordées jusqu’au niveau du SMIC sont progressivement supprimées entre 1 et 1,6 SMIC. Ceci se traduit par un taux marginal de prélèvement implicite très élevé. En d’autres termes, pour augmenter d’un euro son salarié dans cette fourchette de salaire, son employeur doit en dépenser au moins 3. Avec l’augmentation de 20% du SMIC proposée par Valérie Pécresse, il faudrait probablement que le patron dépense 5 euros pour augmenter le pouvoir d’achat de son employé d’un euro.

Ce mécanisme génère inexorablement une trappe à bas salaires, la France partageant avec la Turquie le record mondial de la plus grande proportion de salariés stagnant au SMIC.

Redécouvrir les bienfaits d’un équilibre naturel du marché du travail

Au fond, est-il pertinent d’inciter massivement les employeurs à maintenir leurs salariés au SMIC ? Pour les personnes faiblement qualifiées, un SMIC élevé est d’abord un obstacle avant d’être une protection, puis une prison. Ne serait-il pas préférable de remplacer la subvention de l’employeur par une allocation directe au salarié, qui fusionnerait avec la Prime d’Activité pour former un dispositif robuste de soutien aux bas revenus, avec une dégressivité optimisée ?

En imaginant qu’une allocation sociale de l’ordre de 500 euros soit versée au salarié et qu’on rétablisse un taux de cotisations sociales de 83% par rapport au salaire net, quel serait le niveau du « nouveau SMIC » ? Pour le calculer, commençons par réintégrer l’effet du CICE, peu ou prou équivalent à une diminution de 90 euros du super-brut dont nous avons vu plus haut qu’il est aujourd’hui de 1.690 euros. Le « nouveau SMIC net » se calcule en divisant par 1,83 le « nouveau super-brut » de 1.600 euros. Le salarié percevrait alors 875 euros de s’employeur et 500 euros d’allocation sociale, dont la somme n’est pas très différente des 1.380 euros suggérés par Valérie Pécresse.

L’immense différence est qu’alors l’employeur n’aurait plus qu’à verser 1,83 euros pour augmenter son salarié d’un euro. Le véritable enjeu de ce débat est : choisissons-nous de redynamiser le marché du travail ou de poursuivre dans la voie de l’atonie administrée ?

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