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Planter trop d’arbres est-il réellement contre-productif pour la protection de l’environnement ?
Planter trop d’arbres est-il réellement contre-productif pour la protection de l’environnement ?
©MICHAEL DANTAS / AFP

Protection de l'environnement

Thomas Crowther, professeur d'écologie à l’ETH de Zürich et ancien conseiller scientifique en chef de la campagne "Un milliard d'arbres" des Nations unies, a changé d’opinion et a dévoilé les limites des plantations massives d'arbres dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Thierry  Gauquelin

Thierry Gauquelin

Thierry Gauquelin est professeur à Aix Marseille Université et chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)

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Atlantico : L’écologiste Thomas Crowther, ancien conseiller scientifique en chef de la campagne "Un milliard d'arbres" des Nations unies, a changé radicalement d’opinion quatre ans après la parution de son étude montrant les capacités d’accueil de la Terre pour les arbres et les capacités des arbres à absorber le carbone. Il a supplié les ministres de l'environnement d'arrêter de planter autant d'arbres. Comment expliquer ce revirement ? Planter trop d’arbres est-il réellement contre-productif pour la protection de l’environnement ?

Thierry Gauquelin : Plusieurs considérations scientifiques ont conduit Thomas Crowther, Professeur à l’ETH de Zürich à pointer les limites des plantations massives :

La capacité des plantations d’arbres à séquestrer du carbone a sans doute été surestimée, d’autant plus qu’il y a pour ces plantations beaucoup d’échecs notamment liées à la non adéquation des essences utilisées.

Ces plantations ne rendent pas les mêmes services écosystèmes que de « véritables forêts ». Souvent réalisées à partir d’une seule essence - on parle de plantations monospécifiques -, elles n’ont pas la même efficacité ni la même résilience que des peuplements mélangés ou que des forêts naturelles.

Faisant souvent appel à des espèces exotiques, elles peuvent de plus constituer une menace pour la biodiversité, à la base du fonctionnement harmonieux de ces écosystèmes.

Ces plantations sont de plus souvent réalisées suite à des coupes rases qui constituent des perturbations majeures pour ces écosystèmes.

Enfin, les dernières études conduites par Thomas Crowther l’incitent à privilégier aujourd’hui le potentiel des forêts existantes pour séquestrer ce carbone.

Quels sont les enseignements de cette dernière étude en date de novembre 2023 sur l’intérêt de la préservation des forêts existantes ? Quelle est la méthodologie employée ?

Cette dernière étude parue dans la prestigieuse revue Nature et co-signée par plus de 200 chercheurs, montre que la conservation, la restauration et la gestion durable des forêts existantes constituent un élément essentiel à la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité. Cette étude combine pour la première fois à cette échelle mondiale, études de terrain (inventaire et biomasse des arbres, etc) et données satellitaires, afin de connaitre précisément le potentiel de stockage des forêts existantes.  Et effectivement, les résultats montrent que le stockage mesuré est nettement inférieur au potentiel naturel, avec un déficit de l’ordre de 226 Gt (rappelons que le stock global de carbone représenté par la biomasse des organismes terrestres est de l’ordre de 750 Gt).

Potentiellement, les forêts peuvent encore fixer beaucoup de carbone... si on les préserve et les restaure !

Quelles sont les limites de son étude ? A-t-il surestimé la capacité d’absorption du carbone des forêts ?

Non, la capacité d’absorption de carbone par les forêts a plutôt été sous-estimée, notamment pour les forêts matures et les vieilles forêts, par rapport notamment aux plantations. La vraie question est de savoir avec quelle intensité cette capacité de séquestration va être mise à mal par le changement climatique, comme on peut déjà le constater dans certaines régions de la France métropolitaine. Ceci doit néanmoins encourager à une adaptation des forêts qui, comme le préconise Thomas Crowther, passe par leur restauration et maintien de leur biodiversité.

Car la limite à ce potentiel de fixation de carbone par les forêts réside bien dans cet impact du changement climatique sur le fonctionnement de ces écosystèmes forestiers.

Cela ne veut dans tous les cas pas dire que les plantations doivent être définitivement bannies. Elles doivent être encadrés et surtout faire l’objet de suivi, et d’une évaluation précise de leurs impacts et bénéfices.

Comment regagner la confiance auprès des Etats et des entreprises dans les projets de restauration de la nature après la déconvenue liée à la mise en place de son projet « un milliard d’arbres » ?

En expliquant que préservation de la biodiversité et lutte contre le changement climatique sont indissociables et que tous les projets seront d’autant plus valorisées et efficaces qu’ils prendront en compte ces deux éléments.  

Le Sommet de la Cop 28 a montré de belles promesses avec l’établissement de règles pour investir dans la nature de manière non-marchande, et une référence à l’accord de Glasgow pour « inverser la perte des forêts d’ici 2030 ». Peut-on espérer que les Etats et les entreprises jouent le jeu, malgré le green washing, l’éco-blanchiment, encore démontré à ce sommet ?

La prise de conscience de la part des citoyens de l’importance des forêts et des milieux naturels en général est réelle à l’échelle mondiale et poussera les Etats à agir en ce sens. Mais toutes les actions mises en place, notamment par les entreprises, doivent être mieux définies, mieux contrôlées et mieux évaluées scientifiquement afin qu’elles apparaissent comme réellement bénéfiques pour la planète !

La forêt de la Sainte Baume (crédit : Thierry Gauquelin / DR)

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