ARN Messager : le Nobel de médecine couronne une incroyable aventure humaine, universitaire et entrepreneuriale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le prix Nobel de médecine a été décerné à la Hongroise Katalin Kariko et à l'Américain Drew Weissman pour leurs avancées dans le domaine des vaccins à ARN messager
Le prix Nobel de médecine a été décerné à la Hongroise Katalin Kariko et à l'Américain Drew Weissman pour leurs avancées dans le domaine des vaccins à ARN messager
©Jonathan NACKSTRAND / AFP

Génie

En récompensant la biochimiste hongroise Kalatin Kariko et le médecin chercheur américain Drew Weissman, le jury du Nobel a célébré l’une des plus grandes avancées scientifiques de ces dernières décennies

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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La fiction est souvent en dessous de la réalité lorsqu’elle surgit dans un contexte hors du commun. La Covid-19 est la pandémie la plus mortelle depuis la grippe du début du 20 ème siècle. Les mémoires avaient disparu et l’impréparation à l'arrivée du SARS-CoV-2 peut en partie s’expliquer par l’œuvre du temps et de l’oubli. En revanche, ce qui s’est passé du point de vue de la recherche biologique au début de la pandémie est inédit. Cette histoire du vaccin à ARN messager est d’autant plus stupéfiante qu’elle a abouti à un vaccin extrêmement sûr, administré à 13 milliards de doses qui a sauvé plusieurs millions de vies et évité à d’autres millions d’humains d’être hospitalisés.

Comment en est-on arrivé là en 10 mois ?

Depuis des décennies, l’environnement de la recherche biologique est en grande partie basé sur les progrès de la génétique moléculaire. Nous sommes particulièrement bien placés en France pour connaître cette perspective. Il suffit de lire les travaux des prix Nobel Lwoff, Jacob et Monod en 1965 pour « leurs découvertes concernant le contrôle génétique de la synthèse des enzymes et des virus ». La découverte de l’ARN messager et de l’opéron lactose a semé les graines de tout ce qui va devenir le spectre des interventions thérapeutiques au niveau du génome qu’il s’agisse des acides nucléiques ou de leur environnement proche. 

Deux personnalités disruptives dans leur recherche de traitements 

La vie de Katalin Kariko est à elle seule étonnante. Je conseille de lire les détails de son engagement total pour l’innovation et les solutions thérapeutiques en immunologie. Depuis ses premières expériences sur l’ARN en Hongrie dans les années 60 elle a fait preuve d’une vision et d’une opiniâtreté hors du commun. Les revers et les difficultés l’ont touchée mais jamais atteinte même quand il s’agissait de survie économique. Finalement elle a résolu avec Drew Weissman une très grande difficulté qui a consisté à éviter que l’ARN messager ne soit pro-inflammatoire au détriment du patient ou qu’il soit détruit avant d’être décodé et de faire produire par la cellule elle même l’antigène idoine pour vacciner. Le Nobel, et cela était attendu compte tenu de l’impact sur le futur des vaccins, a récompensé cette avancée.

L’écosystème universités-entreprises un modèle performant 

Rien n’aurait été possible sans un facteur structurel, les relations étroites et dynamiques entre les universités et les entreprises aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays du monde et un facteur conjoncturel la pression énorme de la pandémie qui ne pouvait être stoppée qu’avec une vaccination de masse au moment où le premier coronavirus arrivé de Chine était extrêmement mortel.

Des entreprises pharmaceutiques engagées dans un pari risqué 

Qu’il s’agisse de Moderna et Pfizer, ou bien de BioNTech, Big Pharma a tenu ses engagements. Le rôle de l’opération Warp Speed (partenariat public-privé) a été un soutien de ce pari. C’était pourtant un pari extrêmement risqué, à plusieurs milliards de dollars compte-tenu de l’énormité des moyens nécessaires à la réalisation d’essais randomisés de grande taille dans un temps le plus court possible.

Finalement c’est un happy end que le jury du Nobel de médecine et de physiologie à consacré en 2023. Il reste cependant quelques ombres au tableau. Tout d’abord l'énorme désinformation devant ce qui s’avère être une des découvertes les plus importantes dans le domaine de la biologie continue. Pourtant on citera cette extraordinaire aventure dans les décennies à venir, au moins autant que celles de Jenner et Pasteur. D’autre  part, les séquelles de la Covid-19, pour lesquelles nous ne disposons pas encore de moyens thérapeutiques à la hauteur des enjeux. Enfin, l'extrême pression du contexte pandémique a disparu. Il est regrettable que dans de nombreux pays, ce que l’on appelle pudiquement l’hésitation vaccinale, puisse entraîner encore des séjours en réanimation des décès et des Covid longs.

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