Après le terrorisme islamique, les Occidentaux découvrent que l’argent des hydrocarbures sert à financer l’armée russe pour faire la guerre<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une réunion avec les membres du gouvernement russe par téléconférence à Moscou, le 10 mars 2022.
Vladimir Poutine lors d'une réunion avec les membres du gouvernement russe par téléconférence à Moscou, le 10 mars 2022.
©MIKHAIL KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Les Occidentaux découvrent que la guerre en Ukraine n’a été possible que par l’argent du pétrole et du gaz accumulé par Vladimir Poutine. Comme ce gaz et ce pétrole sont indispensables au fonctionnement des économies, les Européens sont coincés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Face à cette guerre en Ukraine, les Européens se retrouvent en situation aussi douloureuse que ne l‘étaient les Américains au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. 

A l’époque, l’Amérique d’abord, et l’ensemble du monde occidental, ont pris conscience que les attentats terroristes étaient l’expression d’une guerre sans merci que les États et les groupes islamistes avaient déclarée contre les occidentaux. D’où les répressions et les guerres qui se sont multipliées en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Une course poursuite engagée pendant des années pour retrouver et abattre Ben Laden considéré comme l’un des chefs de ce terrorisme. 

Mais c’est à cette époque que les Occidentaux ont pris conscience que ce terrorisme était indirectement financé par l’argent du pétrole, et cela depuis les années 1973/74, moment où les pays producteurs ont multiplié les prix du baril par quatre. C’est à partir de ce moment-là que les monarchies pétrolières ont accumulé des fortunes considérables, mais c’est aussi à ce moment-là que les Occidentaux ont compris que le problème n’était pas le pétrole qu’ils achetaient mais l’argent de ce pétrole qui n’a pas été totalement recyclé vers le développement de ces économies du Moyen-Orient. Une partie a souvent été fléchée vers les groupes terroristes. Les liens entre Ben Laden et l’Arabie Saoudite, premier producteur de pétrole, ont été établis. Le sponsoring des entités séparatistes par le Qatar ont mis la France plutôt mal à l’aise. Et très naturellement, de la Syrie à la Libye, si les champs pétroliers ont été épargnés dans les guerres et les attentats, ça n’était pas par hasard. 

La réponse la plus claire apportée par l’Amérique du Nord à partir des années 2000, a été de trouver des approvisionnements alternatifs à ceux venant de Moyen-Orient. La dépendance de l’Amérique du Nord à l’égard du pétrole du Moyen-Orient n‘a pas cessé de diminuer. Les importations en provenance du Canada, du Venezuela, de la Colombie, de l’Afrique, c’est à dire du Nigeria ou du Gabon, et même d’Europe avec les gisements de Grande Bretagne et de Norvège ont pris le relais.

La grande erreur, en ce début du 21e siècle, aura été parallèlement de prendre pied en Asie centrale, en Géorgie, en Afghanistan. L’administration américaine a même cédé aux demandes de partenariat avec la Russie qui va faire faire aussi des avances à l’Europe pour lui vendre son gaz. Et on a vu arriver dans ce jeu mondial, les grandes sociétés internationales du secteur pétrolier : BP, Shell et surtout Total Énergies. Le monde entier savait que la Russie recelait d’immense réserves d’hydrocarbures. L’expertise et les marchés européens ont permis à la Russie de devenir le deuxième producteur de pétrole et de gaz du monde. 

Pour tous les Occidentaux, la conviction qu’on pouvait s’entendre avec la Russie ne faisait pas débat. La multiplication des rapports commerciaux devait attirer la Russie dans le camp des sociétés libérales et démocrates. 

Comme dans la lutte contre l’Islam radical, on a pensé que le soft power et l’attractivité des sociétés libérales ferait reculer la culture autoritaire et hégémonique de l’ex-empire soviétique. 

Aujourd’hui on est bien obligé de reconnaître que l’Occident tout entier s’est trompé. Ou a été trompé. Contre l’Islam terroriste d’un côté, qui a sans doute reculé mais qui n’a pas été éradiqué, mais aussi contre les régimes autoritaires comme celui qu‘a restaurés Vladimir Poutine.  

Le président russe a construit un modèle de développement fondé sur l’édification d’un système de défense et d’attaque militaires. La Russie, depuis l’an 2000, a amassé énormément de réserves monétaires. Ces réserves proviennent à 80 % de son budget annuel des ventes de gaz et de pétrole, le produit de ces ventes n’a pas été investi dans des activités civiles ou des équipements collectifs structurants. La Russie d’aujourd’hui n’est pas mieux équipée que la Russie qu’il y a 20 ans. La seule différence est que la Russie s’est armée. Le budget de la défense a été gonflé.  

Et pour n’importe quel analyste aujourd’hui, l’effort de guerre décidé par Poutine devait marquer une préparation à des opérations importantes. D’où l’affaire de Géorgie, de Crimée et d’Ukraine. 

Personne n’en doute plus, mais l’argent que l’Occident consacre à l’achat de pétrole et de gaz est directement utilisé à financer la guerre. Sans cet argent, la Russie ne pourrait plus faire cette guerre. 

D’où le dilemme que doivent trancher les Européens. 

Ou bien ils continuent d’acheter du gaz aux Russes en sachant que ce faisant, ils permettent à la Russie de poursuivre cette guerre qui vise indirectement l’Europe.

Ou bien ils n’achètent plus ce gaz et ce pétrole et la Russie se plante. 

Le problème, c’est que les Européens ont besoin de ce gaz. Trouver des alternatives est possible mais demandera du temps. Les Américains ont mis dix ans à s’affranchir du pétrole terroriste. Il faudra autant d’années aux Européens pour s’affranchir des approvisionnements russes. 

La grande leçon qu’il faudra tirer de cette double expérience sera de savoir si les pays occidentaux, libéraux et démocrates peuvent faire du commerce avec des pays autoritaires qui, eux, s’affranchissent aisément des règles du jeu occidental. 

Une entreprise ne fait pas de morale, sa mission est de faire de l’argent. Mais les évènements qui fragilisent la planète montrent bien qu’une entreprise doit s’inquiéter de l’origine de ses fonds ou de l’utilité de ses marges. 

Le monde se partage en deux actuellement : d’un côté des pays en Amérique et en Europe qui vivent sous l’empire de la liberté d’entreprendre et de l’économie de marché. Sous l’empire de la démocratie politique. Et d’un autre côté, des pays autoritaires, centralisés, à des lieux des contraintes de la démocratie (la Russie, la Chine, l’Inde, la Corée du nord etc…) Ces pays ne se sont donc jamais amendés, contrairement à ce qu’on croyait en les laissant venir dans notre business. 

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