Allocution d'Emmanuel Macron : le Président temporise ... pour masquer un manque de stratégie contre la Covid-19 ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron avant de prononcer un discours lors de l'événement culturel "Nouveaux Mondes" à l'Elysée à Paris, le 8 novembre 2021.
Emmanuel Macron avant de prononcer un discours lors de l'événement culturel "Nouveaux Mondes" à l'Elysée à Paris, le 8 novembre 2021.
©Michel Euler / POOL / AFP

Discours Présidentiel

Emmanuel Macron s’est exprimé ce mardi 9 novembre pour faire le point sur la situation sanitaire. Des annonces plus symboliques que convaincantes sur le plan épidémiologique, alors que 12 476 cas ont été détectés le même jour.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Emmanuel Macron s’est exprimé hier soir pour faire le point sur la situation sanitaire. Hier en France, 12 476 cas ont été détectés en 24 h, une situation du jamais vu depuis début septembre. Le président réagit-il trop tard ? Ces nouvelles mesures sont-elles suffisantes ? 

Lors de l’allocution présidentielle du 28 octobre 2020, le 2ème confinement avait été décidé alors que le pays enregistrait plus de 38’000 cas par jour, le 3ème confinement, annoncé le 31 mars 2021, alors que le pays rapportait plus de 35’000 cas ce même jour. Le passe sanitaire est entré en vigueur le 9 août 2021, avec près de 24’000 nouvelles contaminations quotidiennes. On peut dire que l’allocution d’Emmanuel Macron le 9 novembre, avec moins de 13’000 cas rapportés, aurait pu marquer une inflexion dans une stratégie enfin devenue proactive. L’exécutif aurait-il tiré les leçons du passé récent de cette pandémie ? Aurait-il souhaité montrer que plus tôt il agirait sur le cours de la nouvelle vague et plus efficace il serait et prompt à reprendre la situation en mains ? Le président français a-t-il voulu réagir plus précocement que ses homologues européens, Danois, Allemands ou Néerlandais. Ce discours venait en tout cas à point nommé pour annoncer une telle inflexion stratégique alors que la situation épidémiologique se tendait rapidement sur l’ensemble du territoire ouest-européen, que les derniers bastions de résistance à la vague automnale cèdaient, puisque les digues lâchaient tour à tour en Italie, au Portugal et en France depuis quelques jours, et que celles de l’Espagne, de Malte et de Suède étaient aussi en train de montrer des signes inquiétants de faiblesse.

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Mais les annonces présidentielles du 9 novembre ont été plus symboliques que réellement convaincantes sur le plan épidémiologique. Certes l’annonce du conditionnement du passe sanitaire à la troisième dose chez les plus de 65 ans, probablement pas populaire chez tout ce segment de la population, représente une marque de courage politique à quelques mois des échéances électorales nationales. Elle devrait augmenter la couverture vaccinale des seniors et contribuer à sauver de nombreuses vies cet hiver. Saluons cette mesure. L’ouverture de l’accès à la troisième dose aux 50-64 ans n’est pas une surprise, mais ne la décourageons pas, il s’agit toujours du segment à risque de la population. Le rappel à la responsabilité des non-vaccinés et à ne pas oublier les gestes barrières reste vague, un peu convenu, bref pas très bouleversant en ce soir du 9 novembre.

On reste donc dans l’attente d’une déclinaison plus opérationnelle par le gouvernement des mesures annoncées. Sauf à croire que ces mesures suffiraient à enrayer la vague épidémique en cours, le premier ministre ou le ministre de la santé devront prendre le relais ces prochains jours pour développer un plan de bataille que le gouvernement n’avait peut-être pas totalement ficelé le 9 novembre. Il va falloir qu’il nous explique comment il entend contrôler la croissance exponentielle qui semble devoir s’installer sur le territoire ces prochaines semaines et dont on sait qu’elle ne sera pas tenable très longtemps sans des mesures fortes et efficaces. À moins que le président et son gouvernement ne parient sur la seule troisième dose chez les seniors pour protéger le pays contre la 5ème vague, il semble plutôt qu’il cherchait aujourd’hui à temporiser, ou qu’il était finalement un peu décontenancé d’avoir pris la parole plus tôt qu’à son habitude, alors que les soins intensifs n’étaient pas au bord de la saturation.

Le président a aussi confirmé que la situation de la France était plus favorable que celle de l’Allemagne ou de l’Angleterre. Est-ce une réalité ? 

Certes, l’Allemagne ou les Pays-Bas connaissent leur plus forte vague de contaminations depuis le début de la pandémie, mais ces pays européens semblent juste avoir quinze jours ou trois semaines d’avance sur la France. Le Royaume-Uni est dans une situation très différente, sans passe sanitaire ni obligation du port du masque, il reste sur un plateau de contaminations très élevé depuis le début du mois d’août et sa mortalité quotidienne est quatre fois plus lourde que celle de la France actuellement.

Dans son allocation, il a affirmé que nous avons maîtrisé l’épidémie, est-ce vrai ? 

Le gouvernement français a maîtrisé la quatrième vague estivale avec l’usage étendu du passe sanitaire qui a aussi propulsé le pays dans le peloton de tête des pays européens les plus vaccinés, mais il semble de plus en plus clair que le même passe sanitaire qui n’a pas été levé depuis le 9 août dernier peine à contenir les digues de la 5ème vague automnale. Autrement dit, avec un taux de reproduction qui s’envole, la France ne semble plus contrôler la situation épidémique et on ne sait toujours pas comment le gouvernement compte faire pour reprendre la situation en mains.

Le gouvernement prend-il assez au sérieux la 5ème vague ?

Le président français n’a pas indiqué par quels moyens ni selon quel plan d’action il entend reprendre le contrôle sur la 5ème vague pandémique. On ne peut même pas penser qu’il ait fait le pari qui aurait été fort audacieux d’une stratégie “tout vaccinal”, comme l’a fait Israël, le seul pays pour lequel les digues semblent encore tenir (mais pour combien de temps ?), car Israël a misé sur une troisième dose universelle proposée à toute la population alors que la France avance très graduellement, avec une troisième dose chez les plus de 50 ans à partir de décembre seulement. Le président ne semble pas redouter non plus, au moins à court terme, une vague de forte ampleur, ni la saturation des hôpitaux ni même une surmortalité qui pourraient être de force semblable à celles que l’on a connue l’automne et l’hiver derniers. Il aurait donc plutôt cherché à gagner du temps, peut-être entend-il faire ses annonces en plusieurs étapes, et alors le 9 novembre n’aurait été que des propos liminaires d’un plan d’action à venir, voire d’une stratégie pas encore très clairement définie. 

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