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Le patronat allemand 
est-il en train de lâcher l'euro ?
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Fissures

Certains dirigeants d'entreprises allemands viennent d'exprimer publiquement qu'ils étaient ouverts à une sortie de l'Allemagne de la zone euro. Angela Merkel serait-elle en train de perdre le soutien du patronat de son pays ?

Isabelle  Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux est directrice de publications chez Publications Agora.

Elle a notamment co-écrit Le déclin du Dollar : une aubaine pour vos investissements ? (Valor, 2008).

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Un pavé dans la marre… C’est comme cela qu'on peut qualifier les propos tenus par le très influent Anton Börner, à la tête de la puissante Association des Exportateurs Allemands : 120 000 entreprises au cœur de la réussite du modèle allemand. Autant dire que son avis compte.

Selon lui, les pays en difficulté de la zone euro doivent impérativement réaliser des réformes profondes pour restaurer leur compétitivité. Si tel n’était pas le cas, ou en cas d’échec, "une désagrégation de la zone euro serait la solution" affirme-t-il sans détour dans Handelsblatt (équivalent des Echos).

Wolfgang Reitzle, PDG du conglomérat Linde AG (13 Milliards d'euro de Chiffre d'affaire) lui emboite le pas dans le Spiegel : "Je ne pense pas que l’euro doit être sauvé à tout prix". Si les pays en difficulté ne se disciplinent pas, "l’Allemagne doit quitter l’euro". Voilà qui a le mérite d’être clair…

Certes, l’appréciation du Deutsch Mark qui en résulterait ferait fortement fléchir les exportations, augmenterait le chômage. Ce serait un choc pour l’économie… mais pas pour longtemps. Car selon lui "l’Allemagne mettrait cinq ans à s’en remettre avant de redevenir aussi forte que ses compétiteurs asiatiques".

Parenthèse au passage, voici quelques traits caractéristiques des Allemands : dans une situation de blocage, ils préfèreront souvent "encaisser" tout de suite un choc violent et faire des efforts très importants pour s’en sortir à terme par le haut ; plutôt que de rester dans des situations figées, sans réagir, avec en plus à la clé un risque potentiel non précisément cerné ; ce qui est totalement inconcevable pour tout Allemand qui se respecte. Mais revenons à notre sujet…

Sortir de la zone Euro ? Voilà le sujet qui agite le paysage industriel l’allemand. La question clé n’est plus de savoir si la Grèce doit ou non sortir de la zone, mais bel et bien si l’Allemagne doit y rester et à quel prix ?

En effet, il y a des alternatives. Toujours selon Börner, une mini-zone Euro pourrait être la solution. Elle inclurait outre l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande les Pays-Bas, le Luxembourg et le Danemark. Une zone hyper intégrée (fédéralisme), avec des lois communes, un marché unique libre et sans barrière et une monnaie unique forte. Et pour éviter qu’elle ne s’apprécie excessivement jusqu’à nuire à la compétitivité des pays de la zone, Börner propose une gestion volontaire et ambitieuse de cette monnaie, à l’image de ce que fait la banque centrale suisse avec le Franc Suisse : un bon coup de poing sur la table, y a que ça de vrai. Force est de constater que ça marche.

Notre Angela a donc bien du soucis à se faire. Sa coalition est déjà bien fragile ; si en plus le soutien jusqu’ici indéfectible du patronat allemand au sauvetage de l’Euro se fissure… Car le moins qu’on puisse dire, c’est que les affirmations intempestives de ce type se croisent et s’entrechoquent, et contredisent en tout point les positions politiques officielles allemandes. Qu’en est-il réellement ? Soyons lucides : l’euro a beaucoup apporté aux exportateurs allemands et le patronat le sait mieux que quiconque. Si je suis intimement convaincue qu’ils préparent chacun «  un plan B » (au cas où !), ce dont je suis encore plus convaincue, c’est qu’ils se battront jusqu’au bout pour sauver l’euro.

C’est l’avis du PDG de BMW, Friedrich Eichner pour qui "un retour au Mark serait catastrophique". Ou encore de celui de Franck Appel, PDG de la Deutsch Post-DHL : "Quel que soit le coût du sauvetage de l’Euro, cela coutera moins que ce que nous a apporté, et continuera d’apporter, l’euro". Même Börner le reconnait. Une implosion de l’euro aurait "un coût économique massif et des conséquences politiques inéluctables"… avec en bout de course "une résurgence du protectionnisme, balkanisation et marginalisation de l’Europe"…. Et de finalement reconnaitre que "l’euro est la meilleure chose que nous ayons pour notre économie et nous nous battrons ardemment pour garder l’euro, mais pas à n’importe quel prix"

Alors pourquoi toutes ces petites phrases cinglantes et tranchantes ?

  • Probablement pour "faire pression" sur Angela  afin de l’empêcher d’être trop laxiste dans ses positions politiques quant à la participation de l’Allemagne au sauvetage de l’Euro.
  • Et surtout pour rappeler que l’Allemagne ne peut pas, à elle seule, sauver tout le monde ; et qu’il est impératif que les autres « fassent le boulot » de leur côté. Car leur donner de l’argent sans contrepartie, c’est prendre le risque de les conforter dans leurs modèles sociaux dispendieux et de reporter d’autant la mise en œuvre de réformes structurelles aussi nécessaires qu’inévitables.

Rappelez-vous 2003. L’Allemagne était alors legrand malade de l’Europe, jusqu’à ce que Schröder impose des réformes profondes et douloureuses à son pays. Réformes qui conduisirent à la puissance de l’Allemagne aujourd’hui. C’est exactement ce que le patronat attend de l’Italie, de la France et des autres pays en difficulté. S’ils se lancent dans l’aventure, les milieux d’affaires allemands sont prêts à sortir le carnet de chèques.

Dit autrement : "Aide toi et le ciel t’aidera".

Et si Jean de la Fontaine avait été allemand, il aurait sans doute ajouté : "Et prévois toujours le scénario du pire avec un bon plan B en poche ".

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