Alerte à l’empoisonnement du sang : une mort sur 5 dans le monde causée par les sepsis<!-- --> | Atlantico.fr
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Septicémies

La septicémie est une cause fréquente de décès dans le monde. Celle-ci tue surtout dans les pays en développement, et principalement les jeunes enfants et les personnes âgées. Il s’agit d’infections graves mortelles, souvent mal connues...

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Des chercheurs de l'université de Washington ont expliqué dans un rapport qu'une mort sur cinq - dans le monde - serait liée à la septicémie.

Atlantico : Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est une septicémie ? Quelles sont ses caractéristiques principales ? Ses symptômes ?

Stéphane Gayet : Le terme septicémie a été créé en 1837, par le médecin français Pierre PIORRY. Il a été formé à partir des mots grecs « septic » (la putréfaction, qui est un processus d’origine microbienne) et « émie » (le sang).
Une septicémie est une infection du sang d’origine bactérienne, plus rarement fongique (champignon). Car le sang n’est pas un simple liquide biologique, mais c’est un tissu à part entière, tout comme le sont bien sûr la muqueuse buccale, la conjonctive oculaire, l’épiderme, le derme ou encore les tissus cartilagineux et osseux.

Le sang est un tissu, parce qu’il est constitué, d’une part de cellules vivantes (les globules blancs) et de parties de cellules vivantes (les hématies ou globules rouges, et les plaquettes sanguines), d’autre part d’un liquide biologique (le plasma).
Le sang est un milieu liquide protégé anatomiquement et étroitement défendu par les leucocytes ou globules blancs (qui comprennent les granulocytes, les monocytes et les lymphocytes). Il peut arriver que des bactéries passent de façon très temporaire et en quantité limitée dans le sang : c’est une bactériémie, phénomène qui peut être mis en évidence par une hémoculture (prélèvement strictement aseptique d’un flacon de sang, et sa mise en culture au laboratoire).
Certaines infections bactériennes peuvent se compliquer d’une bactériémie, comme la pyélonéphrite aiguë, la prostatite aiguë, la salpingite aiguë, la pneumonie aiguë ou encore la méningite aiguë, du moins quand elles sont bel et bien dues à une bactérie pyogène (qui détruit les cellules et les tissus).
Une simple bactériémie n’est pas systématiquement grave, à la différence d’une septicémie qui l’est toujours. En effet, un état septicémique traduit une défaillance critique des mécanismes de défense immunitaire et il menace immédiatement tout le corps (risque de foyers secondaires suppurés, également appelés métastases septiques).
Lors d’une septicémie, il existe des signes cliniques de gravité : fièvre élevée, forte accélération du pouls, chute de tension, prostration, sensation de malaise général, asthénie (fatigue) intense, et souvent extrémités tièdes et cyanosées (bleutées).
Il faut encore ajouter que, classiquement, plusieurs flacons d’hémoculture sont positifs lors d’une septicémie, alors qu’il n’y en a en principe qu’un seul lors d’une simple bactériémie.

Or, la septicémie doit être distinguée du sepsis. Le sepsis est un mot d’origine anglo-américaine, qui est devenu un terme médical international. Le sepsis est un état infectieux grave, comme la septicémie ; toutefois, à la différence de celle-ci, ce n’est pas l’infection qui est généralisée, mais c’est un état inflammatoire qui l’est. Le sepsis est donc, en quelque sorte, un état inflammatoire généralisé qui vient compliquer une infection grave, quel que soit le siège de cette infection. Il résulte (le sepsis) d’une réponse immunitaire inappropriée et dérégulée, à cette infection grave.
Cependant, cette distinction sémantique et nosographique (classification des maladies) qui est la nôtre ne correspond pas à celle des anglo-américains. En effet, ceux-ci n’ont que deux termes (bactériémie et sepsis), alors que nous en avons trois (bactériémie, septicémie et sepsis).
Et nous avons fini, comme c’est souvent le cas, par adopter leur position : le terme septicémie a de moins en moins cours en France. Dans l’étude citée en référence, il faut conserver le terme original et parler en français de sepsis, car c’est bien ce dont il s’agit. Nous parlerons donc de sepsis à la place de septicémie dans les lignes qui suivent.

Le sepsis touche principalement les individus fragilisés, les nouveau-nés et personnes âgées. Dans le monde, on estime à environ six millions le nombre de décès par an des suites d’un sepsis. Une personne en meurt toutes les cinq secondes.
Les projections dans le futur prévoient un doublement du nombre de cas de sepsis d’ici cinquante ans, en particulier en raison du vieillissement de la population.
Le sepsis est donc la conséquence d’une infection grave qui commence dans un organe (péritonite, pneumonie, infection urinaire, infection liée à un cathéter…). Il atteint principalement des personnes dont le système immunitaire est affaibli. Lorsqu’il survient après une intervention chirurgicale ou lors d’un séjour en réanimation, il s’inscrit évidemment dans le vaste cadre des infections nosocomiales ou encore associées aux soins (IAS).

En 2002, le sepsis a été défini comme un syndrome pathologique grave, qui est en lien avec une réponse inflammatoire généralisée d’origine infectieuse ; il se caractérise par au moins deux signes, parmi les signes cliniques ou biologiques suivants : fièvre ou hypothermie, respiration et rythme cardiaque accélérés, augmentation ou diminution du nombre de globules blancs dans le sang (hyperleucocytose ou au contraire leucopénie).
En 2016, cette définition a été revue et aujourd’hui le sepsis est considéré comme une réponse immunitaire inappropriée et dérégulée à une infection et qui provoque un dysfonctionnement grave d’un ou de plusieurs organes.
Au cours d’un sepsis, il y a une libération massive de médiateurs pro-inflammatoires (molécules biologiques qui activent les processus inflammatoires) : il s’agit en particulier de cytokines (médiateurs chimiques ayant de multiples effets, dont celui de favoriser les communications entre les cellules).
Environ 25 % des personnes qui survivent à un sepsis souffrent d’altérations des fonctions cognitives (intellectuelles).

Atlantico : Le rapport explique que les pays pauvres et en développement sont les plus touchés. Qu'en est-il dans les pays développés ? (En France par exemple) Pourquoi cette découverte est-elle aussi tardive ?

Stéphane Gayet : Dans les pays industrialisés, le sepsis provoque autant de décès que l’infarctus du myocarde (tandis que dans les pays en développement, le sepsis néonatal tue environ 350 000 nouveau-nés chaque année). Dans ces mêmes pays, on dénombre environ 95 cas de sepsis par an pour 100 000 habitants pour les individus âgés de moins de 65 ans, et environ 1220 cas pour les sujets ayant plus de 65 ans.
Dans les pays en développement, le sepsis puerpéral (chez la femme qui vient d’accoucher) reste une cause importante de mortalité des femmes après leur accouchement (18 000 décès par an).

En France, la mortalité des personnes atteintes d’un sepsis est de 27 %, mais la mortalité de la forme la plus grave de sepsis (le choc septique) peut atteindre 50 %. On estime à environ 30 000 le nombre de décès liés à un sepsis en France.

En réalité, le sepsis n’est pas du tout une pathologie de découverte récente. Mais les méthodes modernes de microbiologie médicale ont permis de découvrir qu’il était en fait beaucoup plus fréquent qu’on ne le pensait, et donc qu’il expliquait un grand nombre de décès pour lesquels on n’avait pas de cause bien précise jusqu’alors.

Atlantico : Que peuvent faire les pays pour pallier cette crise ?

Stéphane Gayet : Le sepsis ne passionne guère que les réanimateurs et les infectiologues. C’est une pathologie très grave qui emporte assez rapidement les sujets les plus faibles, en particulier les individus aux âges extrêmes de la vie. Le diagnostic de sepsis n’est pas souvent fait et le décès se produit dans un sentiment d’inéluctabilité et donc de fatalité.

Etant donné qu’il atteint surtout les pays en développement, le sepsis se situe loin derrière d’autres pathologies en termes de priorités pour la recherche. Pourtant, alors que dans les pays industrialisés, il concerne tout de même 1,8 fois plus de personnes que les maladies cardiovasculaires, les fonds investis en recherche sur le sepsis sont 13 fois moindres que ceux pour les maladies cardiovasculaires, et 32 fois moindres que ceux pour les infections à virus VIH.
Manifestement, le sepsis ne semble pas intéressant pour les laboratoires pharmaceutiques.
Toutefois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2017 le sepsis parmi les priorités de santé publique ; on est donc en droit d’espérer que cela pourra contribuer à stimuler la recherche.

Mais quoiqu’il en soit en matière de recherche, il est essentiel de diffuser largement des informations de base concernant cette pathologie, tant auprès des professionnels de santé que du grand public. Et il est tout aussi essentiel de permettre un large accès à des antibiotiques bactéricides de base, médicaments pouvant contribuer à sauver une personne dans un état de sepsis débutant. Il ne peut pas être question de vaccin contre le sepsis, étant donné que les bactéries potentiellement en cause sont très variées. La prévention générale du sepsis relève de l’hygiène de vie et de l’hygiène microbienne.

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