Alerte : la situation des banques espagnoles est encore plus grave qu'il n’y paraît pour la zone euro<!-- --> | Atlantico.fr
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La banque espagnole Bankia devrait afficher une perte de 19 milliards d'euros selon le Financial Times.
La banque espagnole Bankia devrait afficher une perte de 19 milliards d'euros selon le Financial Times.
©Reuters

Oups !

Si l'on en croit les informations du Financial Times, la banque espagnole Bankia devrait afficher une perte de 19 milliards d'euros. Elle avait pourtant été nationalisée en 2012...

Elies   Furio Blasco, Matilde Alonso Pérez et Christel Birabent Camarasa

Elies Furio Blasco, Matilde Alonso Pérez et Christel Birabent Camarasa

Matilde Alonso Pérez est professeur à l’Université de Lyon 2. Elle est spécialiste en économie de l’Espagne.

Elies Furio Blasco et Christelle Birabent Camarasa sont professeurs à l’Université de Lyon 3 et animent le projet Dimension économique de l’espagnol dont l’objectif est l’analyse stratégique des entreprises espagnoles internationalisées.

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L’Espagne a connu une période de forte croissance économique presque exclusivement fondée sur le secteur de la construction. L’éclatement de la bulle immobilière a, certes, mis un terme à l’expansion, mais a également signifié bon nombre de problèmes autres qu’une simple récession. De graves problèmes. Le surendettement des ménages, des entreprises et des banques. En effet, pour financer le boom de la construction, les banques espagnoles se sont endettées à l’extérieur. Le surendettement des familles et des promoteurs a généré un vaste portefeuille de biens immobiliers invendus. Ces invendus sont entre les mains des banques et portés à leur bilan. Cette situation a entraîné la crise d’une partie du système financier espagnol, une crise que l’aide européenne a tenté d’assainir avec le Protocole d’accord entre le Royaume d’Espagne et l’Eurogroupe. Selon le Financial Times, Bankia, qui va publier ses résultats annuels fin février, devrait afficher une perte record de 19 milliards d’euros. Ses difficultés financières, avaient poussé l'Etat espagnol à demander une aide européenne pour ses banques.

Quelles mesures le gouvernement espagnol a-t-il prises en vue de résoudre le problème des invendus portés aux bilans des banques ? Il a décidé de créer une mauvaise banque (bad bank) qui se charge des actifs toxiques et d’assainir ainsi le reste du système financier. C’est un peu comme si l’on retirait d’un panier de pommes celles qui sont pourries avec l’espoir que les pommes restantes ne se gâteront pas. Les pommes pourries des banques, ce sont les actifs toxiques, qui ont été transférés à la Sareb, Société de Gestion des Actifs Provenant de la Restructuration Bancaire (Sociedad de Gestión de Activos Procedentes de la Reestructuración Bancaria, S. A.). Cette mauvaise banque est constituée à 45 % de capital public et à 55 % de capital privé. Ce dernier émane essentiellement des banques, des compagnies d’assurance et de certaines entreprises. Le gros des actifs de la Sareb, environ 40 milliards d’euros, provient des banques dans lesquelles l’Etat espagnol est intervenu : Bankia, Catalunya Bank, Novagalicia et Banco de Valencia.

La Sareb est l’un des éléments du package imposé par le protocole d’accord signé entre l’Espagne et l’Eurogroupe. Son objectif est d’administrer et de liquider les actifs toxiques. La vente elle-même est problématique car la stratégie n’est pas claire. Si la Sareb vend les actifs à très bas prix, le système économique espagnol risque de se retrouver dans une position encore plus délicate, et avec lui le secteur du bâtiment et les banques « saines ». Si la Sareb vend, par exemple, ses terrains bon marché, ces derniers représentant environ 50 % du prix final d’une construction, les nouvelles promotions seront alors bien moins chères que les logements invendus, et les banques « saines » ne pourront pas se défaire de leur stock.

Par ailleurs, les principaux actionnaires de la Sareb sont, entre autres, le Banco Santander, le BBVA et la Caixabank ; autrement dit des banques « saines », qui sont en même temps les principales agences immobilières d’Espagne, et dont le stock de biens invendus est énorme. Il y a donc ici une contradiction entre la stratégie des actionnaires de la Sareb et la propre stratégie de l’entité. Ces conflits de stratégies peuvent être importants, et avoir des conséquences systémiques sur le secteur financier espagnol et, par ricochet, sur l’économie espagnole et européenne. La Sareb peut donc se révéler un bon instrument qui permettra de résoudre les problèmes de l’économie, ou bien un mécanisme aux conséquences désastreuses sur l’économie européenne.

En toile de fond du débat sur la stratégie à adopter se trouve la croyance qu’une baisse des prix des logements peut diminuer le stock de biens immobiliers, sans qu’il soit nécessaire de prendre des mesures de relance de la demande. Le gouvernement compte sur une demande étrangère pour absorber l’excès de logements, notamment grâce à des mesures d’incitation comme celle qui prévoit qu’en achetant un bien de 150 000 euros, un étranger pourra devenir résident espagnol. Mais cette confiance semble excessive. Les prix ne vont pas s’ajuster aussi rapidement, la demande étrangère ne sera pas aussi importante à court terme et les Espagnols ne sont pas en mesure de dépenser davantage.

Quant à savoir si le processus représente un risque pour la zone euro, nous répondrons par une autre question : Est-ce que le fait de retirer les actifs toxiques des bilans des banques permettra d’assainir le système financier espagnol ? Rien n’est moins simple. Les pommes pourries n’ont pas disparu. Elles ne sont plus dans le même panier que les bonnes, mais elles sont toujours dans le même grenier. Une proximité que l’augmentation des créances impayées et des conséquences systémiques qu’elles génèrent rendent d’autant plus inquiétante.

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