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Comment nettoyer les feuilles de paie de toutes les cotisations qui n’ont rien à y faire
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Opération karcher

Alléger la feuille de paie de tous les prélèvements qui n’ont rien à y faire, pour les transformer en impôt, administré directement par le fisc.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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La fiche de paie illustre la complexité de notre système socio-fiscal. Heureusement, sa structure s’est clarifiée ces dernières années, entre autres par la création de catégories explicites et le regroupement de certaines lignes. Mais il s’agit de faire beaucoup plus que de la cosmétique. Opération karcher !

Qu’est ce qui encombre encore la fiche de paie ?

Ci-dessous un exemple de fiche de paie au SMIC, où je peints en couleur les lignes problématiques.

En jaune, des cotisations sociales qui ne créent pas de droit particulier pour le salarié. On les appelle « non contributives ». Les montants versés dans la colonne « montant salarié » ou « employeur » viennent nourrir des budgets utilisés pour divers services publics (santé, vieillesse, formation, transport, etc.). Il n’y a pas vraiment de différence avec un poste budgétaire alimenté par l’impôt sur le revenu ou la TVA. Je propose de les virer purement et simplement de la fiche de paie. Appelons cela de l’impôt et traitons-le comme tel.

En rouge, la ligne la plus lourde concerne la contribution au service public de santé. Ceci comprend deux choses qui n’ont rien à voir. La majeure partie concerne les prestations médicales et remboursements (hôpital, médecine de ville, pharmacie, etc.). Et une dizaine de pourcents finance les indemnités journalières versées aux salariés en cas d’absence du travail, pour des raisons diverses. Depuis que la santé est devenue une prestation universelle en France, il n’y a plus aucune raison pour qu’elle soit financée par une cotisation sur le travail. Je ne conserve sur la fiche de paie que le financement des indemnités journalières, qui est un crédit personnel. Le reste n’a rien à faire sur la fiche de la paie : un service universel, utilisé par toute la population, se finance par de l’impôt.

En vert, le mécanisme très particulier de la « réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires », connu sous l’expression « réduction Fillon ». Cette réduction est maximale au niveau du SMIC, presque 430 euros par mois. C’est quasiment égal à la somme de toutes les cotisations, patronales ou salariales, des lignes en jaune et rouge. Ça tombe bien. Je la supprime aussi.

Une fiche de paie rationalisée, au SMIC

Après ce premier nettoyage, on commence à respirer. Il reste une anomalie à régler : la séparation des cotisations sociales entre une colonne « salarié » et une « employeur ». Cette répartition bizarre n’a en réalité qu’une seule utilité : offrir un espace de confrontation pour les négociations annuelles entre partenaires sociaux, dans le cadre de la gestion paritaire. Autant dire que cela n’a strictement aucun intérêt, ni pour le salarié, ni pour l’employeur. On simplifie, en basculant toutes les cotisations sociales restantes du côté « employeur ».

Il reste juste à caler le niveau du SMIC brut avec un facteur de 75% pour aboutir à une fiche de paie lisible :

Grâce à ces opérations, il n’y a plus de différence entre salaire net et salaire brut. Le salarié reçoit sur son compte en banque le salaire qu’il a négocié avec son employeur. Ce dernier ajoute environ la moitié du brut/net en cotisations d’assurances sociales (modèle bismarckien). Lorsque le salaire augmente, les cotisations s’ajustent de façon proportionnée. C’est le fonctionnement qu’on observe dans les pays raisonnables. La France fera bien de s’y mettre, au prix de quelques comptables au chômage, peut-être... Tant mieux, ils se reconvertiront en tâches utiles.

Fusionner avec l’impôt sur le revenu les cotisations sociales supprimées

Regardons de plus près comment sont calculées les cotisations sociales non contributives, supprimées par la fiche de paie rationnalisée. Le mécanisme de la « réduction Fillon » donne une forme très particulière au graphique qui trace l’évolution de cet ensemble.

Grâce à la réduction Fillon, les cotisations non contributives sont quasiment nulles jusqu’à un SMIC. Ensuite, elles augmentent très fortement jusqu’à 1,6 SMIC. Cette zone est problématique, car l’employeur y a très peu de motivation pour augmenter son salarié. Il doit dépenser 3 euros pour que le salarié perçoive un seul euro d’augmentation. C’est très désincitatif.

L’analyse devient très intéressante lorsqu’on combine sur ce graphique l’effet de l’impôt sur le revenu, qui commence à produire ses effets un peu avant 1,6 SMIC pour un célibataire sans enfant.

On visualise sur ce graphique que l’effet des diverses cotisations sociales non contributives, de la réduction Fillon et de l’acompte d’impôt sur le revenu qui sera prélevé à la source en 2019 (sur la fiche de paie) résulte en une ligne quasiment droite à partir du SMIC, avec deux petits décrochages.

Dans un article précédent, j’ai montré d’où vient le nombre de 476 euros qui apparait sur le graphique. Il correspond à la valeur supérieure de la ligne droite qui structure l’impôt sur le revenu, pour un célibataire. Pour un couple, la ligne de l’impôt est décalée vers le haut du même montant.

Le détail de cette analyse est disponible sur le site de l’association AIRE. En substance, la deuxième simplification majeure que je préconise est de fusionner (et simplifier) les cotisations sociales non contributives avec l’acompte mensuel de l’impôt sur le revenu, ce qu’illustre ce dernier graphique. Cet impôt sera recouvré automatiquement, tous les mois, directement par le fisc sur le compte bancaire des salariés.

Pour les revenus autres que les salaires, par exemple les retraités qui acquittent également des prélèvements sociaux (CSG…) progressifs, ce schéma intégré est tout aussi vertueux.

La principale difficulté de cette réforme hautement simplificatrice est qu’elle nécessite une collaboration très étroite entre le ministère des Finances, le ministère des Affaires Sociales et divers partenaires de gestion paritaire. Il faudra une forte impulsion politique pour mettre tout le monde d’accord. Utopie ?

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