Aider l’Ukraine pour en finir rapidement avec la Russie… ou pas : les Occidentaux ont-ils bien compris où était leur intérêt ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Une frappe ukrainienne a tué plusieurs dizaines de soldats russes près de Makiivka, dans l’oblast de Donetsk.
Une frappe ukrainienne a tué plusieurs dizaines de soldats russes près de Makiivka, dans l’oblast de Donetsk.
©DIMITAR DILKOFF / AFP

“Cynisme de bon aloi”

Les frappes russes visant des infrastructures se poursuivent, tandis qu’une frappe ukrainienne a tué plusieurs dizaines de soldats russes près de Makiivka, dans l’oblast de Donetsk.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

Voir la bio »

Atlantico : Les frappes russes visant des infrastructures se poursuivent, tandis qu’une frappe ukrainienne a tué plusieurs dizaines de soldats russes près de Makiivka, dans l’oblast de Donetsk. Où en est-on au niveau de l’aide militaire occidentale à l’Ukraine ?

Viatcheslav Avioutskii : Les fournitures d’armes de l’Occident se sont stabilisées. Pour pouvoir reprendre l’offensive, l’armée ukrainienne a besoin de voir les fournitures d’armes augmenter d'une manière significative et leur qualité s’améliorer. Les missiles américains Himars ont changé le cours de la guerre en juillet. Mais les Occidentaux ont limité l’envoi de ce type d’armes et ont livré des missiles d’une portée de 80 km.

Sur le plan politique et géopolitique, les sociétés occidentales soutiennent à une très grande majorité l'Ukraine dans cette guerre, mais ils restent prudents dans leur livraison d’armes. Ils veulent éviter l’escalade à cause des menaces de l’utilisation des armes nucléaires. Pourquoi les gouvernements occidentaux ne fournissent pas plus d’armes à l’armée ukrainienne ? Limiter la fourniture d’armes conduit au prolongement de la guerre.

Quelles seront les conséquences du prolongement de la guerre ?

Contraire aux objectifs stratégiques de l’Ukraine et de l’Occident ; la première conséquence est que les infrastructures civiles ukrainiennes souffrent par des frappes de missiles. Encore un an, et on peut dire que l’aide financière pour les reconstruire sera beaucoup plus élevée. Non seulement il faudra reconstruire, mais les infrastructures nécessitent un temps long. Un transformateur qui dessert un district de 20000 habitants détruit, il faut le commander. Sa fabrication nécessite entre six et neuf mois, tandis que l'installation peut aussi durer plusieurs mois. Combien de transformateurs ont déjà été détruits en Ukraine?! Sans électricité, pas de fourniture d’eau. Deuxième conséquence : réfugiés. 7 millions aujourd’hui, peut-être le double si la destruction des infrastructures se poursuit ; troisième risque, celui de perdre la crédibilité en tant qu’acteur influent dans l’ordre international.

À Lire Aussi

Et voilà ce que les Ukrainiens pensent de la guerre après 10 mois de combat (et peut-être devrions-nous y réfléchir…)

En octobre 2022, l'Université d'Ottawa a organisé une conférence scientifique "L'Ukraine en guerre" (Danyliw Research Seminar). Deux chercheurs Samuel Charap (Rand Corporation) et  Timothy J. Colton (Université de Harvard) ont estimé dans leur communication "The Russia-Ukraine War: Thinking About Outcomes" que si les efforts fournis restaient à leur niveau actuel, la guerre pourrait durer entre trois et dix ans. Cela signifierait, pour la France et l'Europe, assumer la situation actuelle pendant tout ce temps.

Les Occidentaux ont-ils les moyens d’accélérer la fin de la guerre ?

Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur les capacités de l'industrie d'armement occidentales, car ce sont des informations sensibles. On peut penser que nous n’avons pas les moyens de mener une augmentation substantielle et rapide de notre production. Les occidentaux n’étaient pas préparés à une guerre conventionnelle de cette échelle. On avait diminué les capacités de production, et les armées occidentales s’appuient aujourd’hui surtout sur la marine et les capacités aériennes. Tandis que nos capacités de production pour les obus classiques ont diminué depuis la fin de la guerre froide. Il faudrait les augmenter, mais cela demande une volonté politique qui n’a pas l’air d’être présente. Mon hypothèse est que c’est parce que nous nous accrochons à l’idée d’une solution négociée avec Poutine. Or la seule solution aujourd’hui, c’est le rapport de force qui déboucherait d’un succès militaire important. La Douma s’apprête à sortir la Russie de plusieurs accords internationaux. Ils vont se couper de nous. La Russie a déjà violée plusieurs accords internationaux en 2014 en annexant la Crimée et en 2022 en agressant ce pays et à nouveau en annexant quatre autres régions ukrainiennes. D'une manière évidente, la Russie dénonce massivement ses obligations internationales dans de nombreux domaines, en s'isolant de l'Occident. De quelles négociations peut-on parler dans ce contexte particulièrement violent? Donc il ne faut pas se leurrer. Il faut se préparer à un conflit très long avec la Russie, qui se poursuivra sur le plan idéologique et géopolitique pendant de nombreuses années même avec l'issue positive (pour nous) en Ukraine...

Qui pourrait profiter de la continuation de la guerre en Ukraine, qui met à rude épreuve les industries de défense des pays occidentaux et de la Russie

Si la guerre se prolonge, les autres Etats qui pensent que les règles ne sont pas importantes à respecter peuvent aussi oser lancer des actions militaires. L’attaque de la Chine contre Taiwan pourrait provoquer un autre foyer de tension, ce qui déstabilisera tout l’ordre mondial. Ou encore l’Iran qui attaque avec des drones l’Arabie saoudite, ce qui pourrait provoquer des remous sur le marché des hydrocarbures. Cela pourrait complètement bousculer le paradigme actuel. Nous avons parlé de la Chine et de l’Iran, mais il faut aussi évoquer la Turquie. Elle a un rôle ambigu et profite de la situation.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !