Agriculture, inflation et subventions toxiques : la déconversion des producteurs bio s'accélère <!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a un peu moins de 60 000 exploitations certifiées bio en France.
Il y a un peu moins de 60 000 exploitations certifiées bio en France.
©Antoine Jeandey - WikiAgri

Agriculture bio

Et l’on apprend désormais que les grands opérateurs de l’alimentation eux-mêmes conseillent aux producteurs d’abandonner.

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard est journaliste à Atlantico.

Voir la bio »

Il y a un peu moins de 60 000 exploitations certifiées bio en France. Dès janvier dernier, Agra presse soulignait les chiffres des déconversions bio. Un phénomène touchant entre 4 et 5% des effectifs de fermes bio en 2021. La déconversion, calculée d’après les chiffres de l’Agence bio, représente tous les arrêts d’exploitations biologiques, y compris et majoritairement, pour des départs en retraite. Suivent ensuite les retour au conventionnel et les « faux arrêts ». Ces données peuvent être considérées comme un « thermomètre d’une crise de croissance » comme l’écrivait l’article à l’époque. Et cette crise semble se confirmer.  Entre janvier et septembre 2022, les achats de produits bio ont dégringolé de 6,3% en France selon la Fédération nationale d'agriculture biologique, un recul pour la deuxième année consécutive. Et selon un nouvel article d’Agra presse, les déconversations, elles aussi, s’accélèrent. D’après les dernières données de l’Agence bio communiquées par le journal, on constate une augmentation de 42% sur un an (pour atteindre environ 2200 producteurs). Si le phénomène reste marginal, et qu’il y a toujours plus de nouveaux exploitants bio que de départs du secteur, la tendance montre bien un problème de secteur.

« De grands opérateurs encouragent les déconversions »

Les explications sont multiples mais le nouveau phénomène que révèle Agra presse c’est que « de grands opérateurs encouragent les déconversions ». Comme le soulève le média, que ce soit Le Gouessant pour les œufs, Lactalis pour le lait, Cavac pour le porc ou Bodin Volailles (Terrena) pour les volailles de chair, tous ces acteurs ont, depuis 2021, encouragé leurs producteurs bio à se déconvertir. Car même si tous ont beaucoup investi dans le secteur, il s’avère que face à la baisse de la consommation bio observée, les opérateurs estiment nécessaire de réduire leur voilure. Les investisseurs ont trop développé leur filière bio et la contraction de la demande les force à être plus raisonnable. Pas de grande renonciation au bio à première vue mais un choix de raison. Interrogé par l’Agra presse, Patrice Sort, responsable du négoce œuf chez le Gouessant, souligne que c’est une solution « pour préserver au mieux l’existant ».

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Fin de la programmation PAC

L’augmentation des déconversions peut aussi avoir d’autres sources. Pour cette année, l’une des explications pourrait venir de la fin de la programmation PAC. En effet, les subventions issues de la PAC pour le bio sont versées à condition que l’exploitant s’installe pour au moins cinq ans, sans quoi on lui demande de rembourser les aides versées – qui sont très incitatives. Certains moins convaincus par la démarche de fond sur le bio et qui agissait par rationalité économique ont peut-être ainsi vu l’opportunité de se désengager. Il y a aussi un effet d’incertitude, lié aux changements concernant l’aide au maintien pour les agriculteurs bio, qui a sans doute créé des hésitations.

Si l’agriculture conventionnelle peut sembler moins réglementée, la déconversion depuis le bio ne se fait pas forcément sans douleur et certains la refusent. L’Agra presse explique par exemple que pour les volailles de chair, « en label, les bâtiments sont plus petits, et il aurait fallu dans certains cas démonter une partie des constructions ». Une équation difficile à équilibrer.

L’inflation sur les produits alimentaires

Mais pourquoi observe-t-on ce recul de la consommation bio qui pousse les opérateurs à réduire leur production ? L’inflation sur les produits alimentaires -les produits bio étant souvent plus chers – n’est sans doute pas étrangère à la problématique. Mais il y a aussi vraisemblablement un vrai déclin de la demande pour le bio. Sauf que personne ne semble véritablement capable d’identifier les raisons du phénomène. Toujours est-il que les distributeurs ont retiré des produits bio des rayons pour faire place à des produits proposant d’autres promesses environnementales, comme les produits végans. C’est un cercle auto-entretenu de consommation – mise en vente en déclin.

Cette tendance va-t-elle durer ? Difficile à dire ? Si la restauration collective respectait l’objectif de 20% de produits biologiques dans la restauration collective à horizon 2022 prévu par la loi EGalim (ou « 50% de produits bio, de qualité et durables dans la restauration collective à horizon 2022 » qu’affichait le ministère de l’Agriculture en 2019), les choses seraient peut-être différentes. Nous en sommes encore loin.

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