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Affaire Trayvon Martin : l’Amérique 
face à une nouvelle crise raciale ?
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Black or White

Un jeune Noir de 17 ans a été tué dans un quartier résidentiel de Floride par un homme blanc membre d'un groupe de surveillance du quartier. Depuis les tensions se multiplient. Mais plus qu'un crime racial, il pourrait s'agir d'un crime de ségrégation urbaine.

François Durpaire

François Durpaire

François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise.

Il est président du mouvement pluricitoyen : "Nous sommes la France" et s'occupe du blog Durpaire.com

Il est également l'auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

 


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Atlantico : Trayvon Martin, un jeune Noir de 17 ans, a été tué dans un quartier résidentiel de Floride par un homme blanc membre d'un groupe de surveillance du quartier. Depuis les tensions se multiplient. La procureur chargée de l'affaire a refusé de présenter l'affaire à un Grand jury, pour éviter une trop grande médiatisation du procès. Comment Barack Obama peut-il gérer cet événement ?

François Durpaire : L’affaire qui occupe actuellement l’opinion publique américaine n’est pas la première affaire raciale du gouvernement Obama : il y a eu celle du professeur de Harvard qui a été pris à partie par des policiers alors qu’il rentrait chez lui car ils pensaient qu’il était en train de forcer la porte. Barack Obama était intervenu et on lui avait reproché d’avoir pris fait et cause pour ce professeur du fait de sa couleur de peau.

Mais pour l'instant, le président américain adopte la bonne ligne de conduite. En effet, normalement, le président américain n’intervient jamais dans ces affaires judiciaires en raison d’une stricte séparation des pouvoirs. Ainsi quand Obama a déclaré que Trayvon Martin aurait pu être son fils, la phrase a été très largement commentée par les observateurs et l’opposition républicaine n’a pas manqué de lui faire remarquer que si cet enfant avait été blanc, il n’aurait certainement pas réagi de la même façon. Cependant la plupart des américains ont bien ressenti cette intervention,  car ce crime les interrogeD'autant que le style du jeune garçon - que l’on a beaucoup pointé du doigt - n’est pas exclusif à la population noire : des blancs aussi ont adopté ce style un peu hip-hop et cette idée fédère un peu l’opinion publique dans son indignation. Plus qu’un crime racial, ce crime est surtout un crime de la ségrégation urbaine qui est un fait courant aux Etats-Unis.

Il y a-t-il eu une instrumentalisation de ce drame par les associations ou le gouvernement ?

Pas par le gouvernement, car jusque-là Barack Obama a le bon goût de rester dans ses fonctions et d'intervenir le moins possible. Mais en effet, les militants des droits civiques se sont, il me semble, un peu emballés. Il faut prendre en compte que la grande manifestation de contestation a été menée par Arl Shapman et Jesse Jackson, qui sont des compagnons de route de Martin Luther King et qui sont donc imprégnés de cette question raciale. Et qui ont tendance à penser qu'un acte avec un noir assassiné est forcément un acte raciste.

On a comparé ce drame avec l’affaire Emmet Till, ce jeune homme noir qui avait été assassiné en 1955 par des membres du Ku Klux Klan. Cette affaire a d'ailleurs été un moment très important dans l’Histoire des droits civiques. Et les militants afro-américains des droits civiques ont essayé de faire un parallèle avec Trayvon Martin pour démontrer que l’Amérique est raciste. Or, Barack Obama a accédé à la présidence, certains noirs font désormais partie de la classe moyenne et même si tout n’est pas parfait nous ne sommes pas dans les années 50. La société américaine est en voie de mixité, avec des situations diverses selon les Etats. N'oublions pas qu'il y a quatre ans le Sud des Etats-Unis a aussi voté pour un noir en dépit de leur Histoire.

C'est pour cela qu'il faut remettre les choses dans leur contexte : ce crime  est un crime du second amendement. La question raciale vient cacher le réel problème que devient cet amendement. Il est urgent de remettre en question le fait que des milices privées et armées parcourent les quartiers et se fassent justice elles-mêmes. Ce qui est rassurant c'est que la population américaine commence d’ailleurs à s’en effrayer.

Où en sont les rapports raciaux aux Etats-Unis à l'heure actuelle ?

La société américaine de 2012 est réellement différente. Dans ce pays peuplé de 300 millions d’habitants, entre 2000 et 2010 il y a eu +113% de métissage. L'impression donnée dans les médias français, d’une société très racialisée n’est que la face émergée de l’iceberg.

Il est vrai que la situation raciale du Mississipi est différente de celle de la Californie ou de New York, toutes les situations sont possibles. Il ne sert à rien de mettre en exergue des actes racistes. Une irakienne a été assassinée il y a quelque jours avec à côté du corps un message disait :  « Sale terroriste retourne dans ton pays ». Effectivement, cela peut être une affaire raciste islamophobe, mais il y a aussi d’autres possibilités qui sont envisageables. Il ne faut pas confondre le temps de la justice et le temps de l’analyse, on ne peut pas parler de recrudescence d’actes racistes.

L'événement Trayvon Martin ne monte pas une Amérique noire contre une Amérique blanche. C'est beaucoup plus complexe de ça. Après la victoire de Barack Obama aux Etats-Unis, les reportages se sont multipliés sur les citoyens qui n’avaient pas voté Obama, c’est-à-dire les membres du Ku Klux Clan, les racistes. C'était encore une façon de ne braquer les projecteurs que sur une facette du prisme. A ce moment-là, il aurait été plus intéressant d'avoir des sujets sur l’Amérique qui a voté Obama : les mesquimaux, (métisses inuits et latinos), les Ukraino-Pakistanais par exemple, qui sont effacés du cadre de l'analyse.

Il est vrai que dans certaines villes, une fois que les dispositifs d’action positive ont été supprimés, en Caroline du Nord par exemple, on a assisté à une re-ségrégation. Mais il faut analyser la situation Etats par Etats. 

Un indicatif fort qui peut nous conforter sur cette position, c’est qu’une étude sociologique américaine publiée par des confrères conclut que 80% des américains estiment que les relations inter-raciales sont bonnes en dépit des tensions

Propos recueillis par Priscilla Romain

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