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Affaire Quatennens : la double faute de la NUPES
©ALAIN JOCARD / AFP

Révélations

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut est avocat à la cour. Il intervient régulièrement dans les médias.

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Atlantico : Dans un communiqué diffusé par l'AFP, Céline Quatennens, l'épouse du député LFI, dénonce les "violences anciennes et répétées" de son mari. Est-ce que ce sont de nouvelles allégations ou simplement une médiatisation de ce qui pouvait déjà être connu par la justice ? 

RodolpheBosselut :Cela est très difficile à trancher tant la déclaration à l’AFP de Céline Quatennens est vivement contestée par l’avocate de son époux. 
Il me semble difficilement imaginable, alors que les deux époux ont été entendus longuement dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des faits de violences conjugales que Madame Céline Quatennens n’ait pas été exhaustive dans sa version des faits. Et donc qu’elle n’ait pas rapporté tous les faits évoqués dans sa déclaration à l’AFP.
Ce serait en tous les cas, la logique procédurale. Dans cette hypothèse, il est certain que le parquet n’a pas retenu certaines de ses accusations, considérant qu’elles n’étaient ni fondées ni prouvées, pour se concentrer notamment sur la gifle reconnue par Monsieur Quatennens dans un climat d’agressivité mutuelle.
Dès lors, la déclaration à l'AFP doit être prise, à mon sens, avec beaucoup de prudence et de réserve.

Selon l'avocate d'Adrien Quatennens, la procureur de la République en charge de l'affaire Quatennens à l'issue de différentes auditions n'a retenu que deux faits, la gifle et des SMS réitérés. Le député LFI a reçu une convocation du tribunal de Lille pour une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité le 13 décembre prochain. Dans quelle mesure peut-on donc considérer que la justice a déjà pris des décisions ?

Non la justice n’a pas encore pris stricto sensu une décision sur les faits reprochés à Adrien Quatennens.
Le parquet a opté, avec l’accord du député, pour une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité. Cela veut dire que le 13 décembre prochain le procureur va proposer une peine à Monsieur Adrien Quatennens  qui, s’il l’accepte, devra être ultérieurement homologuée par un juge du siège. 
Des esprits chagrins, pourraient voir dans l’initiative de Madame Céline Quatennens, la volonté de faire pression sur le processus précité et conduire par exemple le juge à refuser l’homologation de la peine proposée par le parquet. 
Dans une telle hypothèse, l’affaire reviendrait pour une audience correctionnelle publique devant le tribunal.

A la suite du communiqué de Céline Quatennens, Olivier Faure, Sandrine Rousseau et d'autres ont estimé qu'Adrien Quatennens ne pouvait plus revenir à l'Assemblée nationale. Dans le cas présent, est-ce faire fi de ce que la justice a déjà pu statuer ? 

Le risque découle de la confusion. La justice ne peut être rendue sereinement que par l’institution judiciaire. 
Ériger les médias en procureurs de substitution me semble dangereux et gravement attentoire à tous les principes essentiels. D’une part le processus judiciaire n’est pas abouti et il me semble prématuré d’en tirer des conséquences sur un plan politique. D’autre part, en imaginant même que la procédure de CRPC soit allée jusqu’à son terme, aboutissant à une condamnation de Monsieur Adrien Quatennens en quoi devrait-elle entraîner automatiquement son bannissement de l’Assemblée Nationale ? Sauf à ce que la peine prononce une inéligibilité ce qui semble très improbable et totalement disproportionné.
La légitimité de Monsieur Adrien Quatennens comme député est d’essence élective. 
Sa démission relèverait d’une appréciation personnelle de nature politique. Se sent-il légitime au regard de ses engagements et valeurs à poursuivre son mandat alors qu’il a reconnu un geste de violence et des SMS répétés à l’encontre de son épouse ? Tout est question de nuance et de mesure. 
Juge-t-on de la même manière un homme violent qui bat comme plâtre son épouse et un geste violent reconnu, évidemment condamnable, dans un contexte de divorce difficile ?

Quel est le risque à ce que les responsables politiques s'assoient sur les décisions de justice lorsque celles-ci ne vont pas dans leur sens ou celui de leur idéologie ?

Les Fouquier-Tinville aux petits pieds devraient à chaque fois qu’ils demandent la tête de quelqu’un, s’interroger sur la machine infernale qu’ils mettent en œuvre et se souvenir que Thermidor a fini par engloutir ses plus zélés serviteurs….

Y-a-t-il un risque de confusion grandissant entre parole des femmes et parole d'une femme ? 

L’immense apport du mouvement Metoo est d’avoir libéré et rendu audible, la parole des femmes. Aujourd’hui, personne ne contesterait plus la légitimité de celles qui sont victimes à prendre la parole et à déposer plainte. En revanche, à partir du moment où s’enclenche le processus judiciaire, sauf à contrevenir à l’équité et à la présomption d’innocence, la parole de la victime ne saurait bénéficier d’une présomption irréfragable de vérité.
Sinon ce serait la fin de la justice.

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