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La presse américaine incite actuellement les particuliers à investir en Bourse
La presse américaine incite actuellement les particuliers à investir en Bourse
©REUTERS/Mike Segar

Résister à la tentation

Alors que la presse américaine incite les particuliers à investir en bourse, le gonflement de la valeur des obligations, puis des actions n’a en fait rien à voir avec l’enrichissement réel mais est au contraire un produit de la misère de la crise.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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La presse américaine fait une véritable campagne de propagande pour attirer les particuliers vers la Bourse. Le 16 Juillet encore, c’était le tour de USA TODAY. Le quotidien s’interroge en Une sur la question de savoir si les actions sont trop chères. Bien entendu il répond : Non ! Le prétexte en est le nouveau plus haut-marginal- inscrit la veille sur le S&P 500.

La démarche des médias, calquée sur celle de brokers et des banques qui font le marketing des actions, mérite que l’on s’y attarde.
Quels que soient les arguments, sophistiqués ou non sophistiqués,  la ligne directrice de ces gens est simple, unique, claire. Vous pouvez acheter car, certes, on est cher, mais dans le passé, on a déjà fait plus cher. 
Ainsi USA TODAY  souligne que le multiple cours bénéfice actuel de 15,6 fois les résultats à venir a déjà été dépassé à plusieurs reprises dans le passé.  En 2007, rappelle le journal on a fait près de 30 fois les bénéfices.
Ainsi USA TODAY fait valoir qu’il y a déjà eu des rallyes boursiers qui ont déjà duré plus longtemps que le présent rally. Le rally en cours dure depuis 162 jours,  en 2006 on a fait jusque 224 jours et en 1953, on a fait un rally de 627 Jours.  
Nous définissons le rally, comme USA  TODAY, par la position de l’indice en regard de sa moyenne mobile des 200 jours. Si on est au-dessus, on est en mode rally. 
Donc l’argument est historique. On a déjà  payé plus cher dans le passé et on a déjà connu des séquences de hausse plus longues. 
Cet argument est : 
1) De mauvaise foi. 
2) Inadapté
Argument de mauvaise foi car la question n’est pas de savoir si, dans le passé on a déjà valu plus cher, mais de savoir si, en investissant à ces niveaux surévalués, on obtient ou non une rentabilité satisfaisante.  Quand vous achetez un bien d’investissement, votre rendement n’est pas le même selon que vous le payez 1000 dollars ou 2000 dollars.
Quand vous achetez des titres aujourd’hui, ce qui vous intéresse c’est de connaitre la rentabilité que va vous procurer votre investissement sur la durée de votre placement.
L’investisseur qui a acheté des titres en 2007 sur la base du price-earnings ratio de 30 a été ruiné par la chute des années suivantes. Il a pris en plein la dégringolade de la crise et il est probable que comme tout particulier, il n’a pas racheté dans la baisse, au contraire, il s’est tenu à l’écart du marché. Il a été laminé par la volatilité. Volatilité dont les GOLDMAN SACHS, BNP PARIBAS et autres se sont enrichis. 
Vous n’êtes pas trader, vous n’en avez pas les cartes en mains comme les hedge-funds et les banques. Les allers retours, la volatilité ne sont pas votre spécialité. Vous n’avez ni les moyens, algorithmes et autres, ni les ressources. 
Votre situation est celle du vrai investisseur qui achète  un bien à un prix donné, pour obtenir, sur une durée de 5 ans, 10 ans, une rentabilité. Cette rentabilité se décomposant entre un rendement distribué, dividende  et une appréciation du cours de bourse. 
Au niveau actuel des actions,  les modèles théoriques et les études historiques montrent que la rentabilité de votre investissement ne sera pas supérieure, sur une période de 10 ans, adaptée à une retraite par exemple, elle ne sera pas supérieure à 2,9 % en nominal, et tout compris. 
En clair, si vous achetez maintenant du S&P 500, vous allez toucher le rendement distribué soit 2% et au bout du compte votre investissement se sera valorisé en nominal de 0,9% l’an. Ceci veut dire que dans 10 ans les cours seront à peu près au niveau actuel et que vous vous serez contenté d’un rendement de 2%. 
Nous précisons, tout est en nominal, et ensuite il faudrait tenir compte de l’inflation, des frais, des droits de garde, des impôts et taxes. Et en plus il faut être prêt, entre temps, à subir des vagues de volatilité, autrement dit des baisses importantes et avoir la détermination de ne pas tout brader. Il faudra aussi savoir résister, quand les taux sans risque vont remonter,  à la tentation de tout vendre pour avoir un rendement obligataire de 6%! 
Le seul critère pour investir est celui de la rentabilité prévisible à long terme. Les études historiques de long terme montrent que le seul critère qui détermine la rentabilité d’un placement est celui du prix. Si vous achetez bien, c’est à dire en bas de cycle boursier, vous avez la quasi-certitude de réaliser un placement honorable quelles que soient les circonstances. 
Bien acheter c’est acheter en dessous des évaluations moyennes de long terme. Si vous achetez alors que les multiples cours bénéfices historiques sont de 8 à 12,  vous faites un placement raisonnable dans une perspective de long terme. 
Si vous achetez au-dessus de cette zone, vous devrez vous contenter d’une rentabilité médiocre et plus vous paierez cher, plus vous aurez de chances de voir des pertes en capital amputer votre investissement en cours de route. Ceux qui ont acheté en 2000 n’ont toujours pas fait un placement profitable, voilà ce que vos vendeurs d’actions et journaux ne disent pas et occultent. 
En véritable investissement on ne peut juger sérieusement d’une politique que si on prend un cycle complet, un cycle de hausse et de baisse. Ici, on est dans un cycle de hausse très mur, proche des durées moyennes historiques et les chances pour qu’on soit près de la fin de ce cycle sont très élevées. Ce que l’on a obtenu comme rentabilité de long terme -type retraite- c’est ce qui reste après que le portefeuille ait subi un cycle entier de hausse et de baisse. Par ailleurs nous signalons que la performance totale, contrairement aux idées reçues et colportées est constituée essentiellement des dividendes reçus et réinvestis. Quand on part d’un dividende, d’un rendement faible comme c’est le cas actuellement avec moins de 2%, on a déjà un sérieux handicap. 
Argument inadapté  car précisément, la situation présente au plan financier et économique n’est absolument pas comparable au passé, nous ne sommes pas dans une période historique normale.
Nous sommes dans une crise du crédit, crise financière,  crise bancaire qui ont  dégénéré en crise économique puis sont  en train de dégénérer en crise politique et sociale. 
Les enseignements de l’histoire sont valables à condition d’être analysés et décodées.  En cette période de crise, comme  en  période de guerre, tout est dirigé, manipulé, canalisé, les valeurs ne sont pas naturelles. Elles sont construites, produites afin de tenter de limiter le développement de la crise, afin de tenter d’y remédier.La hausse des actions est un sous-produit de la gestion de la crise, elle a été voulue afin de créer un faux effet de richesse et de solvabilité dans le système, afin d’éviter les faillites en chaîne. On a créé de la monnaie et mis les taux d’intérêt à zéro afin de gonfler la valeur des titres anciens. Depuis 2009  début officiel de la crise on a créé par le biais de la hausse des actions un effet de richesse fictif de … 13 trillions de dollars. Pendant ce temps les économies se sont appauvries. 
Jusqu’à ces dernières semaines, on avait créé un effet de richesse semblable sur les obligations, par  la baisse des taux et la réduction des primes de risque, quand il a été décidé que trop c’était trop, on a fait monter les taux et cet effet de richesse s’est dégonflé, laissant place pour les particuliers à un effet de pauvreté. Ils viennent de perdre des sommes considérables sur des placements qu’on leur a vendu comme sans risque. 
Le gonflement de la valeur des obligations, puis des actions n’a rien à voir avec l’enrichissement réel, avec la meilleure santé des économies et du système financier, au contraire, il est un produit de la misère de la crise.
Seules les banques et les gens insiders proches des pouvoirs ont la possibilité de savoir quand la manne tombée du ciel s’arrête ou se ralentit. Normal puisque c’est pour eux que l’on déverse cette manne, pour qu’ils se refasse des fonds propres, pour qu’ils comblent leurs pertes,  grâce au jeu sur les marchés. 
Donc, nous ne sommes pas dans une situation normale, les comparaisons historiques sont truquées, faussées et rien ne se passera comme avant. Voilà la certitude. 
Dans ces conditions la prudence consiste à douter. Douter de la possibilité des Pouvoirs de maintenir des valeurs fausses et bullaires, douter de la possibilité de maintenir des marchés ordonnés.  Douter du bien fondé de la confiance que les marchés portent aux apprentis sorciers et prendre ses décisions en conséquence. 
D’où notre position qui consiste à dire : il ne faut pas acheter. Il faut résister à la tentation.

Sur les bases actuelles c’est aller à l’abattoir. Il faut absolument se placer dans la perspective historique de long terme, celle qui escamote les artifices présents.  Il ne faut investir, nous disons bien investir, que sur la base de multiples cours bénéfices lissés, moyennés, longs.  Et en attendant,  attendre que cela se dégonfle, que cela passe. 
Bien entendu, nous  laissons de côté, car il est trop tôt, la question de savoir si, à un moment donné, il ne faudra pas changer de raisonnement et inclure dans l’analyse la dévalorisation accélérée de la monnaie.  A partir d’un certain stade, les actions changent de nature et deviennent des véhicules de protection contre l’hyperinflation, mais nous en sommes loin.

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