Accord européen sur le sauvetage des banques en cas de nouvelle crise : mais justement, sont-elles toujours aussi dangereuses qu’en 2008 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les pertes seront d'abord supportées par les créanciers et les actionnaires à hauteur de 8% minimum du passif des banques.
Les pertes seront d'abord supportées par les créanciers et les actionnaires à hauteur de 8% minimum du passif des banques.
©Reuters

Banqueroute

Les ministres européens des Finances ont trouvé un compromis dans la nuit de mercredi à jeudi 27 juin pour renflouer ou liquider les banques en épargnant les contribuables.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Atlantico : Les ministres des finances européens sont parvenus à un compromis dans la nuit de mercredi à jeudi 27 juin, acceptant des règles pour renflouer ou liquider les banques en épargnant les contribuables. Après plus de six heures de discussions, un accord a finalement été trouvé sur le degré de flexibilité laissé à chaque Etat, qui constituait jusqu'ici un point de blocage. Que faut-il en penser ?

Philippe Herlin : Il s'agit d'un accord en trompe l’œil. Comment fonctionne-t-il ? Les pertes seront d'abord supportées par les créanciers et les actionnaires à hauteur de 8% minimum du passif des banques. Autrement dit, pour une banque dont le passif est de 100 milliards d'euros, créanciers et actionnaires se verront imposer au moins 8 milliards d'euros de pertes. Une fois cette condition remplie pourra intervenir des fonds d'aide européens de type MES, ce deuxième niveau d'intervention ne pourra pas dépasser 5% du passif de la banque. Calculons : 8 plus 5 font 13. C'est tout. Mais si une banque se trouve en situation de faillite, la perte sera nettement supérieur à 13% du passif ! Donc les déposants paieront. On nous dit que seuls les compte de plus de 100.000 euros seront sollicités. Il faut bien comprendre que ce chiffre n'a aucun sens : pour un particulier il est élevé, et de fait la plupart des gens se croient à l'abri. Mais pour une entreprise ou une PME ce seuil est très bas, et en conséquence ponctionner les comptes de plus de 100.000 euros revient à voler la trésorerie des entreprises, et donc à provoquer une récession, on le voit à Chypre.

Par ailleurs, annoncer une limite de 100.000 euros va inciter les particuliers et les entreprises à ouvrir plusieurs comptes de façon à passer sous ce seuil, il n'y aura ainsi plus beaucoup de comptes supérieurs à cette somme ! Il faudra donc "taper" dans les comptes situés en dessous. De toute façon il faut bien comprendre que si les comptes de moins de 100.000 euros ont été protégés à Chypre c'est uniquement parce que l'Europe et le FMI ont apporté 15 milliards d'euros d'aide. Mais pour un pays comme l'Espagne ou la France il faudrait une somme bien supérieure que personne ne pourrait apporter, résultat tous les comptes seraient ponctionnés !

Une note de l’analyste financier Steven Englander (Citi FX) a souligné que depuis début mai, les gains de banques européennes par rapports aux banques américaines étaient en baisse. Les banques européennes se portent-elles plus mal que les banques américaines ?

Il est difficile de mesurer le niveau de risque des banques, mais nous avons eu récemment deux études plutôt inquiétantes concernant les banques françaises. D’après une étude du Center for Risk Management de Lausanne, les banques françaises présentent le plus important risque systémique en Europe (mesuré en terme de besoin en capital si les marchés boursiers baissent brutalement). D'autre part, selon Goldman Sachs, les deux banques les moins bien capitalisées d'Europe sont françaises (Crédit Agricole et Natixis). Plus globalement, il faut bien comprendre que la crise bancaire n'est pas réglée et que le risque demeure toujours important. Il l'est plus en France qu'aux Etats-Unis pour une raison bien simple, les banques sont bien plus grosses en comparaison (le bilan de BNP-Paribas s'élève à environ 2.000 milliards d'euros, soit le PIB de la France, et cela n'a pas d'équivalent aux Etats-Unis où les banques sont "relativement" plus petites).

Les indices derendement total pour lesbanques européennespar rapport auxbanques américaines. Source : qz.com

La fin annoncée de la politique de planche à billets de la Fed menace-t-elle davantage les banques américaines…ou européennes? 

On ne peut pas parler de fin du Quantitative Easing, Ben Bernanke n'a fait que l'évoquer et les places boursières plongé ! Il a ensuite corrigé le tir et tenté de rassurer les marchés.En fait la Fed ne sait pas comment sortir de sa politique de planche à billets... Et la situation se complique avec la remontée des taux, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, où la situation redevient compliquée en Espagne, au Portugal, en Italie (où d'ailleurs Mediobanca a estimé que l'Italie devrait faire appel à l'aide européenne d'ici la fin de l'année !). Concernant les Etats-Unis, rappelons une information qui a fait deux lignes dans les médias : la croissance du PIB au premier trimestre a été révisée à la baisse de 2,4% à 1,8% (en rythme annualisé), autrement dit rien ; il n'y a pas de reprise économique, la planche à billet ne sert à rien d'autres qu'à faire une bulle sur le Dow Jones. Le réveil va être douloureux.

Quelles mesures prioritaires doivent être adoptées pour assainir les banques européennes sans recourir au contribuable ?

On nous présente l'union bancaire supervisée par la BCE comme la panacée. Est-ce bien vrai ? Signalons d'abord qu'à ce moment-là la BCE serait alors le financeur des banques en difficulté (ce qu'elle est aujourd'hui) et leur contrôleur. Peut-on imaginer un conflit d'intérêt plus fondamental ? Ce serait potentiellement très dangereux. D'autre part on vient d'apprendre que l'Italie a, comme la Grèce, triché pour entrer dans la zone euro en utilisant des produits dérivés pour "anticiper" des recettes. Mais la manœuvre a mal tourné et le pays est exposé à une perte de 8 milliards d'euros ! Et qui était directeur du Trésor à l'époque, qui pilotait cette manipulation ? Mario Draghi. Peut-on faire confiance à un tel individu ? Plutôt que de se reposer sur des systèmes bureaucratiques, il faut lutter contre la concentration bancaire et les liens incestueux des grandes banques et des Etats, mais on n'en prend pas le chemin !

A Lire : La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ?, Philippe Herlin, (Eyrolles Editions).Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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