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Les abeilles sont plus intelligentes qu’on ne le croit... et le cerveau humain plus complexe aussi
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Ce n'est pas la taille qui compte

Les équipes du Centre de recherche cognitive animale (UMR 5169, UPS - CNRS) ont prouvé lors d'une étude que les abeilles étaient capables de reproduire et d'élaborer des concepts abstraits. Une découverte capitale qui permet de comprendre aussi le fonctionnement du cerveau humain.

Martin  Giurfa

Martin Giurfa

Martin Giurfa est chercheur au centre de recherche sur la cognition animale. Les travaux de son équipe ont permis de prouver que les abeilles étaient capables d'élaborer et de reproduire des concepts abstraits. 

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Atlantico : L'équipe dont vous faites partie a démontré dans les conclusions d'une récente étude que les abeilles étaient capables d'apprendre et de reproduire des concepts abstraits. Quelle démarche avez-vous mené pour arriver à éduquer ces abeilles ?

Martin Giurfa : Notre équipe s’intéresse à l’apprentissage et la mémoire chez les insectes et particulièrement chez les abeilles. Deux facultés mises en évidence par le simple fait que les abeilles mémorisent la couleur et les odeurs des espèces florales capables de leur fournir du nectar. et peuvent ainsi y retourner sans risque d'être déçue.

Ce qui nous a tout particulièrement intéressé - au-delà des apprentissages simples que l’on trouve chez tous les animaux - c'est de savoir si l'on pouvait trouver des capacités plus complexes (qu’on ne pensait réservées aux hommes ou à certains primates), telles que l’apprentissage de concepts ou de règles. On a donc entraîné les abeilles à la réalisation de quelques exercices : la circulation dans un labyrinthe en "Y"où, par exemple, elles ont le choix entre deux alternatives. Si les abeilles font le bon choix, elles sont récompensées par une gouttelette d’eau sucrée. Sinon, elles sont punies par une gouttelette de quinine. La règle qu’on l’on tentait de leur inculquer était de choisir toujours deux objets l’un au dessus de l’autre et différents entre eux. Ici on a donc mobilisé deux concepts : « au-dessus de » et « différent de ». Le mauvais choix était de sélectionner deux objets différents mais l’un à côté de l’autre. 

Une fois que l'ont réussi a vérifier que les abeilles étaient entraînées à cet exercice et qu'elles le réussissaient, on a tenté de les dérouter en choisissant des objets nouveaux avec lesquels elles n’avaient jamais travaillés. A ceci près que les dits-objets étaient soit dans la bonne relation, soit dans la mauvaise. Avec ce nouvel exercice, elles allaient nous montrer si elles avaient réussi non seulement  l’exercice mais aussi son concept. Or, les abeilles ont toujours correctement répondu aux exercices une fois que ceux-ci répondaient aux relations « au-dessus » de et « différent de ».  Leur choix étaient donc bien guidés par deux idées, peu importe l’objet.

Le sujet de votre étude était donc d’éclaircir le mode de fonctionnement des insectes...

Non, nous n’étions pas concentrés par les insectes en eux-mêmes, mais nous cherchons à démontrer que par leur étude nous pouvons mieux comprendre notre cerveau humain. Voilà notre pari : nous venons de démontrer que ces capacités existaient au cœur de cerveaux de petite taille. Désormais, nous saurons donc chercher dans un cerveau plus dense et plus grand tel que le cerveau humain.

Comparons les deux cerveaux. Le cerveau humain a un volume d’à peu-près 1100 cm3, il tient dans deux mains. Le cerveau d’une abeille tient à peine dans 1mm3 soit la taille d'une tête d’épingle. Dans le cerveau humain il y a en moyenne 100 milliards de neurones, dans celui d’une abeille 950 000 neurones. Une fois ces données posées : serait-il plus pratique de chercher les réseaux responsables de l’apprentissage dans 100 milliards de neurones ou dans 950 000 ? Le pari est donc de trouver grâce aux insectes, les réseaux d’apprentissage complexes, de comprendre comment ils fonctionnent et aller chercher chez l’homme s’il y a des réseaux organisés de la même façon.

Vous confirmez donc que la taille du cerveau ne joue pas dans l’organisation de réseaux complexes ?

Exactement. On a toujours eu tendance a corréler les capacités intellectuelles à la taille du cerveau. Or ce raisonnement n’est pas valable et le cas des abeilles en est encore un exemple. Leur cerveau est petit, il paraît simple mais ne l’est vraiment pas.

Comment transposer ses recherches au réseau ultra-complexe du cerveau de l’Homme ?

La première chose à faire est entrer dans ce petit cerveau par des techniques invasives qui nous permettent de voir comment il fonctionne. En cela les techniques d’imageries sont un grand atout car elles nous permettent de mesurer la réponse des neurones alors que l’animal est vivant et stimulé. De cette façon nous pouvons observer et détecter, alors que l’animal est entrain de résoudre un problème, les neurones qui s’activent et de voir quels sont les réseaux qui ont sont responsables et enfin déterminer leurs câblages.

Une fois sur le cerveau humain, le défi sera de rechercher des câblages similaires et multipliés par un million de fois. Il se peut aussi qu’on ne les trouve pas et cela confirmerait que le cerveau humain est unique et différent.

Mais s’ils existent, où aller chercher les câblages similaires ?

Pour l’instant, nous ne savons pas encore. Mais nous avons des hypothèses : en effet en termes de régions, sans parler du câblage, on sait que dans le cerveau humain le cortex préfrontal est capital pour la résolution de problèmes. Évidemment, on ne sait pas comment les neurones de cette zone se connectent. Cette piste nous donne déjà une idée de l’endroit où aller chercher les câblages qui retiennent notre attention et qui pourraient ressembler à ce que nous avons observé chez l’abeille.

Propos recueillis par Priscilla Romain 

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