À quel point la génétique détermine-t-elle nos choix de vie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les gènes peuvent-ils expliquer certains de nos comportements ?
Les gènes peuvent-ils expliquer certains de nos comportements ?
©AFP / KTSDESIGN/SCIENCE PHOTO LIBRARY / KTS

Goûts et couleurs

Dans quelle mesure notre comportement est-il prédéterminé par notre biologie sous-jacente ?

Pierre Roubertoux

Pierre Roubertoux

Pierre Roubertoux est Professeur émérite Neurogénétique(Paris V-Descartes, AMU, Inserm, CNRS).

 

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Atlantico : Notre comportement et nos habitudes peuvent être le fruit de notre propre volonté, mais elles peuvent aussi être prédéterminées par la génétique. À quel point ce mix est-il complexe ? 

Pierre Roubertoux : Pour ces questions, je pense qu'il ne faut pas trop solliciter la génétique. Un gène est un ensemble assez complexe qui ne produit non pas une protéine mais potentiellement plusieurs centaines. Si on cherche à faire coller la complexité de nos comportements ou de notre fonctionnement physiologique avec des gènes, cela pose un certain nombre de problèmes. Premièrement, les gènes ne sont pas spécifiques d’une caractéristique physiologique ou comportementale. Il n’y a pas un gène de la mémoire, de l’apparence physique, du cancer … Il y a des gènes qui produisent un ensemble de protéines et qui participent à un système très large, aboutissant à plusieurs caractéristiques diverses. 

Les gènes peuvent-ils effectivement influer sur nos comportements ? Oui et non. Oui car si vous avez une mutation qui bloque un certain nombre d’enzymes et qui poussent les synapses à mal fonctionner, des troubles autistiques peuvent se déclencher. En revanche, il est très compliqué de savoir si nos goûts et couleurs dépendent de ces mêmes gènes. En revanche, on sait que la perception de l’amertume est effectivement génétique. Nous avons de fortes raisons de penser que l’appétence pour les fromages dépend également de ce gène. Si ce gène est très présent, s’il fonctionne très bien, on percevra bien le goût amer. Si ce n’est pas le cas, on percevra moins d'amertume et on aura plus de chances d’apprécier les fromages, français en particulier. Les gènes ont donc une influence certaine sur certains comportements.

In fine, notre vie quotidienne est-elle plutôt déterminée par notre nature ou notre culture ? Faut-il plutôt penser à un mélange des deux ? 

Notre vie quotidienne est rythmée par un mélange complexe de ce qu’on appelle notre « nature » et notre culture. Certains goûts dépendent de la mode, ils ne sont pas fixés par notre humeur du moment où le temps qu’il fait. La génétique n’a rien à voir là-dedans puisque nos goûts dépendent d’un ensemble très complexe de facteurs. Ainsi, nous n’avons pas de préférence innée pour les chats ou pour les chiens. Notre amour ou au contraire la détestation de ces petites bêtes dépendent d’expériences passées, d’allergies, de notre sensibilité à l’égard de ces animaux … La génétique intervient très fortement dans la formation du cerveau mais nos comportements ne dépendent pas toujours de celui-ci puisque nous avons parfois des relations épidermiques à certaines stimulations. Notre comportement quotidien dépend donc d’un tas de facteurs exogènes, comme la qualité de la nuit que nous avons passée, par exemple. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y a rien de plus inconstant que le comportement humain. Chercher à relier nos comportements ou nos passions à nos gênes est selon moi illusoire. 

Selon vous, ou placer la limite entre l’influence de la génétique sur les comportements ? 

La limite se situe à la possibilité de localiser un gène sur un chromosome, de savoir quels sont ses composants, de voir comment il s’exprime dans telle région du cerveau ou dans tel organe. Si on peut mettre en relation ce gène précis avec des comportements, alors on pourra affirmer qu’il y a un lien avec des goûts ou un comportement. C’est le cas pour l’autisme, la mémoire ou la réaction au stress. 

En termes d’addiction, au cannabis par exemple, nos gênes ont-ils un rôle ? 

En ce qui concerne les addictions, de nombreuses recherches mettent en avant le circuit de la récompense, qui a un rôle crucial dans le développement et le fonctionnement du cerveau. Nos gênes sont effectivement impliqués dans ce circuit. Imaginons que vous ayez une très grande sensibilité à une addiction, par exemple au vin. Malgré cela, les facteurs culturels entrent en comptent : il y a beaucoup moins d’alcooliques dans les pays où l'alcool est proscrit, car il y a moins d’occasions de boire. Il en est de même pour les sensibilités aux drogues, comme le cannabis. Si vous n’y avez jamais goûté, vous ne pouvez pas déclencher cette sensibilité. Revenons sur l’exemple de l’alcool. On sait que certaines populations, asiatiques notamment, réagissent particulièrement à l’éthanol, qui peut provoquer rougeurs, nausées ou maux de crâne. Cette hypersensibilité est bien évidemment génétique. 

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