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A la Cour des comptes (non plus), François Hollande n’a pas laissé un souvenir impérissable
©Reuters

Bonnes feuilles

Vénérable institution créée par Napoléon, la Cour des comptes s'enorgueillit d'avoir formé deux présidents, François Hollande et Jacques Chirac. Pourtant, ces derniers n'ont pas laissé un grand souvenir rue Cambon. Notamment l'actuel chef de l'Etat. Extrait de "Et si on enquêtait sur la Cour des comptes ?" publié aux Editions du Moment (1/2).

Bruno  Botella

Bruno Botella

Bruno Botella est rédacteur en chef d'Acteurs publics.

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"Si je n’étais plus député je redeviendrais conseiller référendaire à la Cour des comptes, cela veut dire que si je ne faisais absolument rien à la Cour de comptes, je continuerais à toucher 15 000 francs par mois, 25 000 si je faisais des rapports, sans forcément en faire énormément. Je pourrais doser mon travail, rester chez moi quand je suis fatigué, aller à la Cour des comptes dans mon bureau pour passer des coups de télé- phone… Bref, je serais totalement libre, je serais un vrai privilégié comme je l’étais avant d’être élu député… ".

Celui qui parle ainsi en 1989, interrogé dans le cadre d’une émission d’Antenne 2 consacrée aux privilèges deux cents ans après la Révolution française, est un jeune député socialiste de Corrèze, qui se nomme François Hollande. Cet extrait toujours visible sur Internet fait lever les yeux au ciel, à la Cour des comptes, dès qu’on l’évoque. François Hollande n’a pas laissé un grand souvenir rue Cambon, là où le jeune énarque de la promotion Voltaire de 1980 a débuté comme auditeur.

L’institution est pourtant fière d’avoir "donné" deux présidents de la République à la France en vingt ans, Jacques Chirac et François Hollande. Invité début 2014 à préfacer un livre de la Cour sur la Cour, le chef de l’État n’est évidemment pas revenu sur les conditions de travail qu’il décrivait dans les années 1980, soulignant juste que l’institution "ne ressemble plus vraiment à celle [qu’il a] connue comme auditeur". "En 1980, à ma sortie de l’École nationale d’administration, j’ai choisi de rejoindre la Cour. Je souhaitais contribuer au contrôle du bon emploi de l’argent public", se souvient François Hollande. Classé dans la "botte", le futur président de la République a bien fait le choix de la Cour alors qu’il aurait pu prétendre à l’élitiste Inspection générale de finances (IGF). La petite histoire veut qu’en optant pour la rue Cambon, il ait permis à son pote de promo, Jean-Pierre Jouyet, arrivé juste derrière lui au classement, de partir à l’IGF qu’il convoitait tant. Généreux François Hollande ? Peut-être bon camarade mais surtout intéressé par la liberté que laissait la Cour à ceux qui voulait faire de la politique.

Car, à l’époque, contrairement à Jean-Pierre Jouyet, qu’il nommera trente-quatre ans plus tard secrétaire général de l’Élysée, François Hollande est démangé par la politique. Au début des années 1980, un jeune auditeur qui débarquait rue Cambon ne subissait pas la même pression qu’aujourd’hui. Tout en étant officiellement magistrat financier, François Hollande pouvait être chargé de mission officieux à l’Élysée sous François Mitterrand, enrôlé par Jacques Attali. Suffisamment disponible pour faire campagne en Corrèze lors des législatives de 1981 et affronter un autre magistrat de la Cour à la carrière politique déjà riche, Jacques Chirac. En 1983, à vingt-neuf ans, François Hollande semble déjà bien loin de la rue Cambon puisqu’il part à l’assaut de la mairie d’Ussel puis est nommé directeur de cabinet du porte-parole du gouvernement, Max Gallo puis Roland Dumas. François Hollande n’est plus officiellement en fonction à la Cour mais en position de détachement. Il revient rue Cambon au changement de gouvernement en 1984, est promu conseiller référendaire de 2e classe. Il trouve alors le temps d’écrire régulièrement une chronique économique dans Le Matin de Paris, quotidien dont le directeur de la rédaction s’appelle Max Gallo. Il signe « François Holland – sans e –, maître de conférences à Sciences Po », prenant alors bien soin de ne pas mentionner sa qualité de magistrat à la Cour.

Toujours plus investi en politique, comptant parmi les jeunes qui montent au Parti socialiste, le magistrat intermittent vise les législatives de 1988, qu’il remporte en Corrèze dans une autre circonscription que celle où il avait échoué sept ans plus tôt. Il passe aussi d’Ussel à Tulle où il est candidat pour la première fois aux municipales en 1989. Hélas pour lui, en 1993, il perd son mandat de député et n’a d’autre choix que de retourner à la Cour des comptes.

François Hollande retrouve un premier président qu’il connaît bien : Pierre Joxe. L’ancien pilier de la Mitterrandie, plusieurs fois ministre, a souhaité quitter la politique peu avant les législatives et s’est fait nommer rue Cambon, là même où il avait débuté comme auditeur après l’Ena. Cette fois encore, François Hollande ne brille pas par son assiduité. Désormais ancré en Corrèze, il est adjoint au maire de Tulle et prépare les municipales de 1995. Ses activités au PS l’occupent de plus en plus, il devient secrétaire national chargé de l’économie et pousse la candidature de Jacques Delors à la présidentielle. Lorsque ce dernier renonce, il se tourne vers le candidat du PS, Lionel Jospin, et devient son porte-parole pour la campagne. À ce moment-là, François Hollande est toujours censé pointer à la Cour des comptes, sa seule source de revenus. Après sa défaite face à Jacques Chirac, Lionel Jospin reprend la tête du Parti socialiste et nomme François Hollande porte-parole. Les magistrats de la Cour des comptes commencent à se pincer le nez et le premier président entre en action. Un jour, Pierre Joxe convoque le conseiller référendaire de 2e classe et lui lance : "Tu ne peux pas rester porte-parole du PS !" François Hollande tente de se défendre maladroitement : "Mais toi, tu l’as bien été !" – "Oui mais moi, j’étais député, pas en fonction à la Cour ! Tu ne peux pas garder les deux, ce n’est plus possible."

François Hollande essaie de gagner du temps mais finit par s’exécuter. Il se met en disponibilité de la Cour des comptes en novembre 1996 comme en atteste un arrêté du 15 janvier 1997 qui mentionne son point de chute : la société civile professionnelle d'avocats Mignard, Teitgen, Grisoni et associés, le cabinet de son ami Jean-Pierre Mignard. François Hollande exerce durant quelques mois en qualité d’avocat au barreau de Paris, comme l’indique sa fiche dans l’annuaire de la Cour des comptes. Une parenthèse oubliée dans sa biographie officielle, publiée sur le site de l’Élysée. Pour ceux qui le connaissent à l’époque, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un quasi-emploi fictif. Heureusement pour lui, cette période est courte puisqu’en juin 1997, il retrouve l’Assemblée nationale puis, en novembre, prend la tête du Parti socialiste. Il n’est plus en disponibilité de la Cour mais en détachement, ce qui lui permet de continuer à bénéficier de droits à l’avancement et à la retraite.

Cela reste le cas aujourd’hui malgré la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, qui oblige les membres du gouvernement qui étaient fonctionnaires détachés à être placés en disponibilité. Curieusement, cette disposition ne s’applique pas… au président de la République. Dans l’annuaire 2014 de l’institution, François Hollande est l’un des plus anciens conseillers référendaires. Si au terme du quinquennat, en 2017, il décidait de revenir à soixante-trois ans à la Cour des comptes, il se verrait promu rapidement conseiller maître.

Extrait de "Et si on enquêtait sur la Cour des comptes ?" de Bruno Botella, publié aux Editions du Moment

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