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90 ans d’Elizabeth II : la Reine et ses confrères sont-ils la meilleure des armes anti-populisme ?
©Reuters

Allons enfants de la monarchie

Aujourd'hui, la reine Elizabeth II fête ses 90 ans. L'occasion de s'interroger sur la perméabilité des monarchies européennes au populisme. Il est possible que l'autorité suprême symbolique du monarque, qui incarne la continuité dans l'histoire, joue un rôle d'amortisseur face à la montée des partis populistes.

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik, né à Moscou, est professeur associé de géopolitique et responsable académique à l'ICN Business School Nancy - Metz. Ancien diplomate et speach writer à l'ambassade de Russie à Pairs, il est aussi conférencier international sur les enjeux clés de la globalisation au XXI siècle, et vient de publier sur Atlantico éditions son premier A-book : Reconnecter la France au monde - Globalisation, mode d'emploi. 

 

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Atlantico : L'Europe semble unanimement frappée par la percée des partis dits "populistes", quel que soit le sens que l'on prête à ce mot. Toutefois, l'ampleur n'est pas la même dans tous les pays européens. Les pays européens dirigés par des monarques sont-ils moins perméables au populisme ?

Alexandre Melnik : Je ne pense pas que les monarchies européennes soient un véritable antidote contre l’irrésistible poussée de fièvre populiste, propre à la quasi-totalité des pays, indépendamment de leur géolocalisation, en ce début de nouveau millénaire. La monarchie, cette forme spécifique d’un régime hérité du passé, souvent lointain, de l’Europe, s’érode aujourd’hui aussi, comme tous les autres vestiges politiques d’une époque déjà révolue, sous les coups de boutoir de la globalisation du XXI siècle (à savoir, la triade : interconnexion, interaction et interdépendance, reliant, de façon instantanée et permanente, tous les individus de notre planète). 

Posant la question de la fiabilité de la monarchie européenne comme rempart contre les populismes montants, ne perdons jamais de vue le phénomène global clé : l’Humanité toute entière est en train de vivre un réel changement de paradigme civilisationnel, dont l’ampleur n’est comparable qu’avec la Renaissance au milieu du XVème siècle, et cette transmutation aplatit le monde et "horizontalise" l’ensemble des activités humaines. Ce qui rend logiquement caduc, à long terme, tous les systèmes politiques reposant sur les institutions "verticales", dont la monarchie est un parfait exemple.

Dans quelle mesure le fondement même de la monarchie, à savoir un(e) monarque qui réunit tous les sujets en dehors du jeu politique, peut-il expliquer ce moindre succès du populisme ? Y a-t-il d'autres raisons d'ordre historique ?

Vous avez, sans doute, raison : malgré l’impératif de "réinitialisation" de tous les régimes politiques face aux nouveaux enjeux globaux, je constate aussi que, pour le moment, les pays européens, ayant adopté un modèle monarchique, arrivent, fondamentalement, mieux que les républiques à amortir et à canaliser le choc du populisme, comme si la symbolique éminemment arbitrale et intemporelle d’un pouvoir indépendant des aléas de la politique quotidienne apaisait et transcendait ses pires extrêmes. 

Dans la tempête de la globalisation, qui balaie toutes les certitudes et engendre, entre autres, les monstres du populisme, en quête de nouveaux repères, le magistère moral de la monarchie, situant au-dessus de la mêlée, peut en effet incarner, pendant un certain temps, aux yeux des opinions publiques profondément traumatisées par la radicalité du changement, une sorte de continuité, de stabilité, voire d’immuabilité d’un ancrage identitaire servant à redorer le blason de la fierté nationale, en osmose avec son peuple. 

Réalité durable ou miroir d’une illusion ? 

Je penche plutôt pour la seconde hypothèse, étant persuadé que dans le monde contemporain la véritable stabilité est inconcevable sans la remise en cause permanente. Vous voulez la stabilité ? Changez ! Remettez-vous en cause ! Cette tendance générale, qui rythme nos vies au quotidien, n’épargne pas les monarchies. 

Néanmoins, certains partis populistes font désormais partie du paysage politique dans certaines monarchies, l’UKIP en est un exemple particulièrement éloquent en Angleterre. Existe-t-il une différence, même subtile, entre les partis populistes des monarchies et ceux des républiques ? 

Si tous les partis populistes, au-delà de leurs couleurs nationales, ont actuellement en commun le rejet de la globalisation qui représente, pour eux, le mal absolu du monde moderne, avec son cortège d’inégalités et d’injustices décuplées, selon leur vison, par les élites déconnectées des réalités, coupées du peuple, souvent corrompues et surtout préoccupées par leur propre reproduction en vase clos, il n’en demeure pas moins que les formations populistes au sein des monarchies européennes, tout en bousculant les règles du jeu politique dans leurs pays respectifs, ne s’attaquent pas frontalement, à l’heure actuelle, aux symboles suprêmes de la Couronne. Tout se passe, pour le moment, comme si que les populistes, se prenant pour les nouveaux révolutionnaires – bolcheviks,  déchaînés contre les establishments, n’osaient pas toucher à cet ultime totem sociétal (contrairement aux vrais bolcheviks russes qui, au début du siècle passé, ont violemment détrôné le tsar, l’incarnation même du sacré). Mieux encore : je pense que dans leur stratégie (si cette dernière existe), les populistes d’aujourd’hui n’excluent pas de transformer, à terme, les monarchies en leurs alliés, en se réclamant de leur filiation dite commune avec le peuple, prétendant ainsi poursuivre l’intérêt public, aux antipodes des démocraties qui seraient "kidnappées", selon eux,  par une minorité des privilégiés obnubilés par les intérêts particuliers.

Il est aussi intéressant de noter que l’UKIP, l’étendard institutionnalisé du populisme en Angleterre, que vous citez, tout en menant le combat anti-globalisation, anti-UE et antisystème, a refusé, pendant longtemps, toute alliance, au niveau européen, avec les mouvances d’extrême droite, notamment le Front national français, en évitant également la rhétorique ouvertement antisémite. 

Faut-il y voir, une fois de plus, la "main invisible" d’une monarchie endiguant les débordements les plus néfastes ? Le débat reste ouvert.

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