9 novembre, jour de la dette : à partir d’aujourd’hui, l'État a consommé tous ses revenus et commence à s'endetter pour terminer l'année<!-- --> | Atlantico.fr
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Les caisses françaises sont vides.
Les caisses françaises sont vides.
©Bernadett Szabo / Reuters

Débiteur

Une étude a calculé le rythme des dépenses des 28 États de l’Union européenne. Depuis ce matin 9 novembre, les caisses françaises sont vides.

Cécile Philippe

Cécile Philippe

Cécile Philippe est présidente et fondatrice de l’Institut économique Molinari, un organisme de recherche qui vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques.

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Atlantico : Vous êtes à l'origine d'une étude portant sur le rythme des dépenses des 28 Etats de l'Union européenne. A partir de lundi 9 novembre, l'Etat français devra utiliser de l'argent emprunté pour couvrir ses dépenses. Comment avez-vous procédé pour arriver à ce résultat ? 

Cécile Philippe : Le calendrier des jours où les administrations centrales de l’Union européenne ont dépensé toutes leurs recettes annuelles est construit en divisant le total des recettes des administrations publiques centrales par le total des dépenses des administrations publiques centrales. Le résultat est multiplié par 365, ce qui permet d’exprimer les dérapages financiers en jours sur une année. La date où l’Etat a tout consommé est elle-aussi calculée par rapport à une année de 365 jours.

Cette méthode s’apparente aux usages financiers, les analystes ayant par exemple l’habitude de présenter le Besoin de fonds de roulement en jours de chiffre d’affaires. Elle présente aussi l’avantage d’être significative pour tout individu s’étant demandé comment "boucler ses fins de mois". Les calculs sont faits à partir de données publiées par Eurostat au titre de 2014 et des années précédentes.

Comment l'Etat français se positionne-t-il par rapport à ses voisins européens de même niveau, comme l'Espagne ou le Portugal ?

La situation financière de l’Etat central portugais et espagnol est pire que celle de la France. En effet, l’Etat portugais commence à s’endetter à partir du 19 octobre et l’Etat espagnol à partir du 30 octobre. Ces trois pays ont connu une trajectoire budgétaire assez similaire au cours des 5 dernières années. Par contre à 10 ans et 20 ans, si le Portugal enregistre une moins bonne performance que la France, l’Espagne fait mieux. 

Plus encore, si on élargit le champ de l’étude aux administrations locales et de sécurité sociale, on s’aperçoit que ces deux pays voisins de la France réussissent mieux à équilibrer leurs comptes que la France qui présente cette particularité de présenter des déséquilibres dans toutes ses administrations. 

Quelles sont les spécificités de la composition de la dette française comparée à ses voisins de même niveau ?

La France génère à chaque niveau d’administration plus de dette que nos voisins européens. L’essentiel de la dette est lié à l’Etat central, qui est endetté à 79% hauteur du PIB, contre 77% en moyenne dans l’UE. En complément les administrations locales et de sécurité sociale ont des endettements significativement supérieurs à la moyenne de l’UE, avec 40% d’endettement de plus pour les collectivités et 5 fois plus pour la Sécurité sociale. Cela donne un résultat alarmant. La dette publique française représentait à fin décembre 96% du PIB, contre 87% en moyenne dans l’UE.

Ce niveau d'endettement est-il stable par rapport aux années précédentes ? Quelle(s) évolution(s) constatez-vous dans le temps, et que présager pour l'année 2016 ? Plusieurs indicateurs économiques prédisent une augmentation des recettes fiscales à venir (confiance des entreprises etc.)...

Non, la dette Française progresse chaque année de façon significative. La dette publique équivalait à 56% du PIB en 1995, ce qui nous positionnait au niveau de l’Allemagne. L’an dernier la dette représentait 96%, soit une progression de 40 points en près de 20 ans. Sur la même période la dette Allemande avait progressé deux fois moins vite, alors que nos voisins ont dû assumer les coûts liés à la réunification.

Ce qui est inquiétant c’est qu’en dépit d’une hausse très significative des recettes fiscales nous n’arrivons jamais à équilibrer les comptes publics et donc à résorber cette dette. Depuis le début de la crise en 2007, les recettes publiques ont augmenté très significativement, de 3,9 points de PIB, soit 3 fois plus que ce que l’on constate en moyenne dans l’UE. Pourtant nous n’arrivons toujours pas à rééquilibrer les comptes. Bilan la France, pays relativement peu endetté à l’origine, est aujourd’hui plus endetté que la moyenne, avec 31 000 euros par habitants, contre 23 000 en moyenne dans l’Union européenne.

D'ailleurs, comment la France en est arrivée à ce niveau d'endettement de ses trois administrations ?

La France est arrivée à ce niveau d’endettement de ses trois administrations pour la simple et bonne raison qu’elles dépensent toutes les trois chaque année plus que ce qu’elles perçoivent en recettes fiscales. C’est le résultat d’un certain laisser-aller à tous les niveaux qui se solde par des dérapages budgétaires que même les hausses de fiscalité n’arrivent pas à contenir. 

Pendant la période récente, la France a eu un comportement atypique par rapport au reste de l’UE. Ses administrations publiques, traditionnellement plus dépensières, évoluent en général de façon synchrone au reste l’UE. Cela n’a pas été le cas en 2013 et 2014. Les dépenses publiques françaises ont continué de croître, alors qu’elles étaient en décroissance dans l’UE. En 2014 les dépenses publiques françaises représentaient 57,5% du PIB, plus que le précédent record de 2009 (56,8%). La situation était différente dans l’UE, avec une baisse de plus de 2 points par rapport au pic de 2009. La France se singularise une fois de plus. On n’y observe pas la traditionnelle phase post crise de réduction du poids des dépenses publiques.

En 2008, la plupart des experts et gouvernements présageaient une explosion de la dette française et de ses intérêts. Pourtant, ces derniers son aujourd'hui négatifs, c'est-à-dire qu'ils rapportent de l'argent à l'état français. Comment l'expliquez-vous, et sur quoi se baser pour dire que la dette est toujours un problème ?

La dynamique des taux d’intérêt est le résultat d’une politique monétaire européenne extrêmement favorable à l’endettement public notamment. En effet, suite à la crise de 2008, la BCE n’a pas choisi de remonter les taux mais au contraire de les diminuer en pratiquant ce qu’on appelle aujourd’hui des politiques monétaires non conventionnelles qui inondent les marchés de liquidités. Cela a été extrêmement favorable à l’Etat français qui a accès à un argent bon marché et ne se voit, à ce stade, pas contraint de diminuer son niveau d’endettement. 

C’est sans doute un tort car cela rend la France très dépendante d’une politique de taux bas qui pourrait se retourner. Plus encore, même sans retournement de la politique en question, la confiance dans la dette française pourrait s’éroder au fur et à mesure que nous continuons à afficher des taux de croissance faibles, des niveaux de chômage élevés et une incapacité à réformer des secteurs qui ont grandement besoin de l’être. 

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